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Débat à la suite du Conseil européen des 12 et 13 décembre

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Mme Michèle Vullien applaudit.)

 

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si le Brexit n'était pas à l'ordre du jour du Conseil européen, on peut néanmoins se réjouir de la clarification apportée par le résultat des élections britanniques à la Chambre des communes. La large victoire des conservateurs ouvre théoriquement la voie à une sortie négociée du Royaume-Uni le 31 janvier prochain. En attendant, nous savons déjà que ce départ va priver le budget européen de 12 milliards d'euros chaque année.

J'en viens ainsi au prochain cadre financier pluriannuel, qui a une nouvelle fois occupé une partie des discussions du Conseil, en particulier la dernière proposition de la présidence finlandaise d'un budget s'établissant à 1 087 milliards d'euros pour les années 2021 à 2027.

À ce stade, sans préjuger du montant qui sera finalement retenu, il s'agit clairement d'un compromis qui fixe le budget à 1,07 % du RNB de l'Union européenne à vingt-sept États membres. Cette proposition suppose une baisse des moyens de l'ordre de 47 milliards d'euros sur sept ans. Peut-on s'en satisfaire, alors même qu'il est demandé à l'Union européenne de poursuivre ses politiques traditionnelles tout en assumant de nouvelles priorités, en particulier en matière de sécurité, de défense et de gestion des migrations ?

Pour sortir de cette équation difficile, je crois qu'il faut dépasser le débat entre les moins-disants et les mieux-disants en matière de contributions nationales et se pencher sur les ressources propres, qui ont le mérite, je le rappelle, de ne pas peser sur le contribuable européen.

Mon groupe est favorable à ce que ces ressources propres soient modernisées et accrues. Il le faudrait d'autant plus que, parmi celles-ci, le produit des droits de douane est de moins en moins dynamique avec la multiplication des accords de libre-échange.

Pour alimenter le budget, l'idée de créer une taxe carbone aux frontières est pertinente ; je salue, madame la secrétaire d'État, votre détermination à la faire avancer. Outre que le mécanisme s'inscrirait dans la politique de l'Union pour la neutralité climatique, sa mise en œuvre induirait un rapport d'équité entre nos entreprises européennes, soumises à des normes strictes, et celles des pays tiers qui ne sont pas contraintes par les mêmes exigences. Attendons cependant de voir ce que l'OMC pensera de tout cela.

Je m'inquiète en revanche du manque de soutien de plusieurs États membres à la création d'une taxe sur les activités numériques, que la France souhaite ardemment.

Je rappelle que la déclaration franco-allemande préconisait de « parvenir d'ici à la fin 2018 à un accord de l'Union européenne sur une taxation équitable du numérique ». Les initiatives de l'OCDE ne semblent pas aboutir. Quel est l'avenir de ce projet, dont la concrétisation rétablirait pourtant une fiscalité plus juste entre les entreprises du continent ? En effet, en dehors du caractère de ressource propre que le produit de la taxe numérique pourrait avoir, selon la théorie Mundell-Fleming, une zone monétaire n'est optimale qu'à plusieurs conditions, dont un encadrement de la concurrence fiscale et sociale. Mais c'est là un autre débat...

Au sujet de la ventilation des crédits, mes chers collègues, je ferai quelques observations sur la proposition finlandaise.

Je note avec satisfaction l'effort de 10 milliards d'euros consenti au bénéfice de la politique agricole commune (PAC), même si son fléchage au profit du second pilier est discutable, compte tenu des attentes des agriculteurs en matière de soutiens directs.

Par ailleurs, je m'interroge, comme plusieurs de mes collègues, sur la diminution de 6 milliards d'euros du budget du Fonds européen de la défense. Cette coupe est un mauvais signal au moment où l'on répète souvent que l'Europe doit garantir son autonomie stratégique et capacitaire. La semaine dernière encore, ici au Sénat, dans le cadre du débat que nous avons consacré à l'OTAN, le RDSE, à l'instar d'autres groupes, a rappelé son souhait de voir renforcer l'Europe de la défense. Le ministre des affaires étrangères a lui-même souligné la nécessité, pour les États membres, d'être plus proactifs et de prendre davantage leurs responsabilités pour assumer la sécurité collective. Je sais que le Gouvernement français déplore cette baisse. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d'État, pour la contester.

Dans le prochain cadre financier pluriannuel, il faudra aussi tenir compte de l'enveloppe dédiée au budget de la zone euro, soit 14 milliards d'euros pour le nouvel instrument budgétaire de convergence et de compétitivité. À cet égard, le Président de la République aurait souhaité davantage. Si cela ne suffit pas, quel type de financement additionnel peut-on imaginer ?

Cet instrument pourrait constituer un véritable pare-feu à un éventuel choc asymétrique. En cas de crise, les réponses budgétaires ne suffisent bien souvent qu'à panser les plaies. Il faut donc encourager les réponses macroéconomiques au sein de la zone euro. Dans le même esprit, il faut absolument débloquer le dossier du troisième pilier de l'union bancaire.

Enfin, l'ampleur du défi climatique impose d'engager des moyens importants, en rapport avec les objectifs fixés. Je rappelle le principal de ces objectifs, que le Conseil européen vient d'entériner : atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050. On ne peut que souscrire à cet horizon, car pour reprendre une formule de l'ancien ministre Hubert Védrine, il y a « la nécessité vitale de garder la terre habitable ». Est-il utile de rappeler que l'urgence s'ajoutera à l'urgence si l'on ne prend pas les bonnes décisions dès aujourd'hui ?

Dans cette perspective, le Pacte vert pour l'Europe récemment dévoilé par la commissaire Ursula von der Leyen va dans le bon sens. Sans entrer dans le détail, je dirai simplement que si l'objectif de neutralité climatique doit être partagé par tous les États membres, le rythme pour l'atteindre doit être différencié afin de lever les inquiétudes de certains partenaires, au premier rang desquels la Pologne. À cet égard, la mention, dans les conclusions du Conseil européen, du droit de décider de son mix énergétique, apporte une flexibilité souhaitable.

Pour le financement à long terme de cette politique, le fonds de transition juste de 100 milliards d'euros sera-t-il suffisant ? Nous attendons des clarifications de l'exécutif européen sur la répartition de ce financement.

Mes chers collègues, le groupe RDSE, attentif à l'approfondissement du projet européen, observe avec intérêt les quelques décisions de ce Conseil européen qui permettront, je l'espère, d'améliorer la réponse collective aux grands défis qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

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