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Débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le cyberharcèlement s’est de nouveau invité dans le débat public avec le hashtag #Anti2010. Alors que nous sommes concentrés sur la gestion de la crise sanitaire depuis de longs mois maintenant, ce déferlement de haine en ligne – j’utilise ce mot volontairement – est venu mettre encore plus en évidence le mal-être des jeunes, qui s’est accru depuis le début de la pandémie.

 

Si la France demeure dans la moyenne des pays européens concernant le harcèlement et le cyberharcèlement, les politiques publiques mises en place sont extrêmement récentes : elles n’ont qu’une dizaine d’années, alors que dans d’autres pays le problème est pris à bras-le-corps depuis des décennies.

Or le sujet n’est pas à traiter de manière accessoire. Il faut s’emparer du problème au sein de l’école – sur les temps scolaire et périscolaire –, certes, mais surtout au niveau de la société tout entière. La famille et la parentalité ont d’ailleurs, sur ce sujet, un grand rôle à jouer, rôle d’autant plus important que le harcèlement se met en place, aussi, sur les réseaux sociaux, qui n’offrent plus aucune période de repos aux jeunes victimes. Les problèmes de l’école se retrouvent le soir sur les réseaux, et vice versa.

Les statistiques varient, selon ce que l’on intègre dans la notion de harcèlement. Si je me réfère à l’excellent et très complet rapport de notre collègue Colette Mélot pour la mission d’information à laquelle j’ai participé, au moins 6 % des élèves subiraient une forme de harcèlement scolaire, soit plus de 800 000 jeunes chaque année.

Ce chiffre colossal est inquiétant quand on sait que le harcèlement peut conduire à des troubles du comportement, plus ou moins graves, des dépressions, jusqu’à des gestes suicidaires dont certains aboutissent. Je pense, par exemple, à ce jeune marseillais de 13 ans, atteint de troubles « dys », qui a fait deux tentatives de suicide à la suite au harcèlement qu’il a subi, à l’école et sur les réseaux sociaux, après s’être confié à une camarade de classe sur son homosexualité.

Parmi les plus stigmatisés, on retrouve évidemment les filles, mais également tous ceux que l’on considère comme « différents » ou qui sont considérés comme tels par leur entourage, mais aucune catégorie n’est épargnée. Chaque enfant peut être harcelé et harceleur. Aussi, il est impossible de cibler des victimes ou des agresseurs potentiels pour espérer résoudre le problème. Ce sont toutes les valeurs qui traversent non seulement l’école, mais aussi la famille et la société tout entière qui doivent être questionnées.

Selon Catherine Blaya, une professeure qui dirige des travaux de recherche sur le sujet, les pays les plus concernés par la violence sur les réseaux sociaux sont aussi ceux où il y a le plus de violence dans la société. Le fond du problème me semble être là. Je note d’ailleurs avec satisfaction que les préconisations du rapport en matière de prévention sont les plus nombreuses.

Dans beaucoup de domaines, mieux vaut prévenir que guérir. La prévention est particulièrement indispensable s’agissant du cas précis du harcèlement, car elle crée un climat psychosocial dans lequel l’agresseur est celui qui se retrouve stigmatisé.

L’empathie et la fraternité sont à l’origine des modèles scandinaves de lutte contre le harcèlement, modèles dans lesquels l’agresseur est perçu comme un élève à guérir plutôt qu’à punir. D’ailleurs, on estime que 40 % des agresseurs sont aussi des victimes – ce n’est pas anodin.

En travaillant sur l’empathie et la réflexion des élèves harceleurs et de leurs familles, les modèles suédois et norvégien, appliqués dans de nombreux autres pays, ont fait leurs preuves. Ils sont plus favorables à la création d’un sentiment de communauté entre les élèves, et entre les élèves et l’équipe éducative. Au-delà de l’apprentissage d’un savoir-faire, c’est le savoir-être qui est diffusé.

Cela demande beaucoup de travail de la part des équipes encadrantes et des enseignants, qui, on le sait, sont déjà très sollicités sur différents sujets. Mais il faut insister sur le caractère déterminant de leur rôle : ils sont des figures d’autorité et des modèles pour nos jeunes.

Le positionnement de l’adulte a un impact considérable, lorsqu’il véhicule la bienveillance et l’engagement, mais aussi, c’est vrai, un cadre strict et des sanctions si nécessaire. Pour cela, le personnel encadrant doit être formé et engagé sur cette cause. C’est un préalable indispensable sur lequel notre pays doit, me semble-t-il, encore travailler, y compris sur les temps périscolaires où les collectivités ont un rôle à jouer. Le décloisonnement est plus que jamais nécessaire sur ce sujet.

Ces mesures générales ont montré leur efficacité. Elles entraînent une diminution de l’anxiété chez les jeunes, dans le même temps que leur confiance – en soi et envers les autres – et leur motivation à l’école progressent.

Elles peuvent se décliner en mesures concrètes, telles que des travaux de groupe ou des jeux de rôle, pour inciter témoins et victimes à manifester leur réprobation, résoudre les éventuels conflits et se mettre à la place des victimes. Cela nous renvoie à l’empathie.

On sait que le cyberharcèlement est plus fréquent chez les écoliers du primaire, avec 14 % de victimes parmi les élèves du CE2 au CM2. Peut-être faudrait-il mieux prévenir les familles et limiter davantage le recours à internet à ces âges. Il faudrait en outre que les plateformes s’engagent davantage dans cette lutte,…

M. le président. Il faudrait surtout conclure !

Mme Véronique Guillotin. … elles ne peuvent plus détourner les yeux – le législateur non plus !

Pour conclure, tous les enfants ont le droit de se sentir en sécurité à l’école, de ne subir ni oppression ni humiliation intentionnelle. J’espère que ce rapport, comme ses prédécesseurs, permettra de donner le coup d’accélérateur dont nos politiques publiques ont définitivement besoin. (Applaudissements.)

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