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Débat sur le thème : « Quelle portée de l’intervention du Parlement dans l’élaboration du projet de loi de finances ? »

 

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir pris l’initiative de ce débat. C’est un sujet sur lequel il y a beaucoup à dire et il est certain que nous ne l’épuiserons pas aujourd’hui.

Chacun le sait, le vote annuel du budget est la raison d’être du Parlement. Sans remonter jusqu’à la Magna Carta anglaise de 1215 – Julien Bargeton vient de le faire ! (Sourires) –, l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

L’objectif de la loi de finances est d’abord de lever l’impôt, outil de puissance publique par excellence, afin de fournir les recettes nécessaires pour mener les politiques publiques. C’est l’objet de la première partie du projet de loi de finances, dont l’article 1er, symbolique, rappelle chaque année le principe du consentement à l’impôt. Il y aurait sans doute là aussi un débat de fond à mener un jour.

Après le vote des recettes, le Parlement se prononce sur les crédits qu’il veut bien accorder au Gouvernement. Cette autorisation n’est pas automatique, comme en témoigne chaque année le rejet de plusieurs missions budgétaires par le Sénat – pour des raisons parfois quelque peu politiques, il est vrai.

Comme, dans notre système institutionnel, l’Assemblée nationale a le dernier mot et se soumet au fait majoritaire, nous n’avons que très rarement connu, sous la Ve République, une situation où le Parlement aurait rejeté tout ou partie du budget proposé par l’exécutif. On peut néanmoins se remémorer les dissensions de la majorité RPR-UDF en 1979, ayant conduit au rejet de la partie recettes par l’Assemblée nationale.

M. Julien Bargeton. Oui !

M. Jean-Claude Requier. Malgré tout, la Constitution prévoit toujours la possibilité de reconduire les budgets ministériels à l’identique. Pas de shutdown possible en France, contrairement aux États-Unis !

Je concentrerai mon propos sur l’exercice du droit d’amendement lors de la discussion du projet de loi de finances, qui reste le cœur de l’action des parlementaires, malgré l’ensemble des contraintes procédurales particulières à ce type de texte.

Contrairement à ce qui se passe avec les autres textes, et c’est une différence importante, le droit d’amendement en commission n’existe pas, la révision constitutionnelle de 2008 ayant maintenu une forme de privilège gouvernemental en la matière que les délais constitutionnels d’examen très resserrés ne justifient pas pleinement.

Surtout, le droit d’amendement est encadré par l’article 40 de la Constitution et par la LOLF, qui sont implacables et dont l’interprétation est parfois bien obscure. Si le contrôle de la recevabilité financière des amendements des parlementaires n’est pas nouveau, la différence de marge de manœuvre avec l’exécutif, qui peut déposer des amendements à tout moment et n’est pas soumis à la règle de l’équilibre des recettes et des dépenses, devient de plus en plus injustifiable.

Sur l’application de l’article 40, on a pu regretter un manque de clarté, voire une approche trop restrictive par le passé, sachant que la déclaration d’irrecevabilité n’est pas susceptible de recours. Je retiens en particulier les amendements sur les ressources affectées ou bien l’aggravation hypothétique de charges au-delà de l’année visée par le projet de loi de finances. Je pense aussi à l’utilisation de l’irrecevabilité comme moyen commode de réduire ex ante le nombre d’amendements à discuter.

En fait, tout concourt à donner une liberté d’action minimale aux parlementaires. Espérons néanmoins que l’assouplissement récent observé dans la pratique de la commission des finances dans ce domaine soit durable.

Les limitations pratiques du droit d’amendement des parlementaires lors de l’examen des projets de loi de finances se manifestent aussi par un déséquilibre entre la première partie, où les amendements sont nombreux et créatifs, et les crédits de la seconde partie où le Parlement ne peut, en vertu de la LOLF, que modifier à la marge la répartition des crédits budgétaires au sein d’une même mission, mais non entre deux missions distinctes. En d’autres termes, là encore, notre marge de manœuvre est réduite à la portion congrue par le mécanisme très artificiel de la fongibilité asymétrique des crédits, comme le désignent les spécialistes.

Il faut néanmoins, à ce stade, saluer les travaux menés en 2019 par nos collègues de l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la Milolf. Le rapport d’information remis par Laurent Saint-Martin recommandait notamment d’associer plus étroitement le Parlement à l’élaboration de la stratégie budgétaire. C’est un début.

La meilleure association des parlementaires au processus budgétaire pourrait, en retour, contribuer à une plus grande responsabilisation dans l’usage que nous faisons du droit d’amendement. Pour le dire simplement, il s’agit de donner la priorité à la qualité sur la quantité, et à la véritable proposition sur l’amendement d’appel ou sur celui demandant un rapport pour contourner l’article 40.

Telles sont les quelques rapides remarques que l’on peut formuler sur le rôle du Parlement dans l’élaboration des lois de finances.

Je remercie encore une fois le groupe CRCE de ce débat très intéressant, même si, parce qu’il clôt notre semaine de travaux parlementaires, il est de fait condamné à être confidentiel. (M. Marc Laménie applaudit.)

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