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Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux à mon tour, madame la Première ministre, saluer votre nomination à la tête du Gouvernement et vous adresser, au nom de mes collègues du RDSE et en mon nom propre, nos vœux de pleine réussite. Nous savons que votre tâche s'annonce ardue, mais notre pays et nos concitoyens méritent que vous trouviez la voie du succès.

En effet, c'est un fait incontestable que nous nous situons à un moment charnière de notre histoire collective, dont les causes remontent à plusieurs décennies. Assumant dans toute sa complexité notre histoire – ses épisodes glorieux comme les plus sombres –, nous avons pourtant bien du mal à dessiner un avenir pour un pays en profonde mutation économique et sociale, qui regorge de bien des richesses, mais qui ne sait plus quelle est sa place dans une économie mondialisée, dont les centres de décision semblent lui échapper. Nous constatons, parfois impuissants, que l'innovation se dessine de plus en plus hors d'Europe, que notre industrie recule inexorablement et que notre influence culturelle s'amenuise. Pour tout dire, c'est la définition même de notre souveraineté qui semble mise en balance ; mais quoi de plus normal dans un monde désormais multipolaire ?

Pour notre part, nous ne sommes pas de ceux qui se lamentent d'un déclin irréversible de la France, englués dans les passions tristes d'une nostalgie névrosée. Nous croyons au contraire aux vertus de l'action, du progrès et du génie collectif de notre peuple, comme chaque fois qu'il est confronté à des choix difficiles.

Oui, nous venons de traverser des années difficiles qui ont durement éprouvé les esprits et les corps : série d'attentats terroristes, crise des « gilets jaunes », pandémie de covid et, aujourd'hui, retour de l'inflation. Au cours de toutes ces épreuves, notre société aurait pu basculer dans l'irrationnel et se diviser en fractions irréconciliables. Tel n'a pas été le cas, même si les extrêmes ont su capitaliser sur toutes les peurs pour avancer leurs pions mortifères et pousser leur avantage, au risque de cultiver la violence politique, symbolique, voire physique.

Scrutin après scrutin, l'abstention s'enracine. Chaque fois, nous le déplorons et pensons en avoir compris les causes pour mieux en tirer les leçons, mais, chaque fois, l'abstention progresse, déplaçant les contestations de l'urne à la rue, avec une montée en puissance de la violence.

Or nous devons maintenant y mettre un terme, d'abord en redonnant une véritable portée à l'unité nationale, qui a été trop souvent galvaudée au cours des dernières décennies. Les inégalités économiques et sociales nourrissent une citoyenneté à plusieurs vitesses, qui n'est plus acceptable et qui conduit dans le pire des cas au séparatisme.

Au contraire, notre société a besoin d'apaisement et de dialogue. Nous devons faire sentir à chacun, quel que soit son parcours, qu'il fait pleinement partie de la Nation et que sa voix pèsera. Pour cela, nous considérons qu'il faut encourager le débat sous toutes ses formes, revitaliser les corps intermédiaires et mieux conjuguer démocratie représentative et expression directe. Nous appelons à un véritable sursaut de la conception de la citoyenneté, dans le prolongement des propositions concrètes de notre collègue Henri Cabanel. Il y a urgence à recréer les conditions d'une destinée commune et à redonner aux jeunes l'envie de s'engager pour l'intérêt général.

Néanmoins, tout cela restera vain si l'éducation nationale n'est pas érigée au rang de priorité absolue, au moment où le rationalisme est remis en cause dans de nombreux cénacles, où l'universalisme ne va plus de soi, où la laïcité à l'école est violemment contestée, mais aussi où nous reculons dans les classements internationaux. Au pays de Voltaire et de Pasteur et alors que nous nous honorons d'une nouvelle médaille Fields, le travail à accomplir reste considérable pour que les jeunes soient demain des citoyens éclairés.

À cette crise de la démocratie s'ajoute une crise économique et sociale, dont les « gilets jaunes » n'ont été que la face la plus exacerbée. Par-delà les excès se sont exprimées des préoccupations légitimes, celles d'une partie de la population qui se sent aujourd'hui à l'écart de la mondialisation heureuse, oubliée de l'État avec des services publics de moins en moins présents, évincée de la croissance avec une désindustrialisation massive et peu d'espoir de mobilité sociale, victime de la fracture numérique à l'heure de la dématérialisation de masse, même si les choses s'améliorent de ce point de vue.

Je pense aussi à nos concitoyens de la ruralité, qui n'ont évidemment pas les mêmes facilités d'accès que les populations urbaines aux mobilités dites « douces » et écologiques. Cela ne signifie pas qu'ils soient rétifs à l'écologie, mais, trop souvent, ils ont le sentiment d'être pris de haut à propos de leur mode de vie. La transition écologique ne fonctionnera pas si elle se fait contre nos concitoyens, dans une logique purement punitive.

Nous nous réjouissons évidemment et attendons beaucoup de la nomination de la radicale Dominique Faure au secrétariat d'État à la ruralité, où elle succède à l'excellent Joël Giraud. La ruralité est non pas une charge, mais une chance pour la France !

La question du pouvoir d'achat doit évidemment être au cœur des priorités du Gouvernement. L'explosion du coût des matières premières affecte d'abord les plus fragiles dans leurs consommations de première nécessité. La hausse des prix de l'énergie frappe durablement notre modèle économique et pénalise nos collectivités territoriales. Des solutions pérennes doivent être trouvées, conciliant impératif écologique et soutenabilité financière.

Madame la Première ministre, toutes les démocraties libérales sont aujourd'hui confrontées à cette crise protéiforme, qui remet en cause des acquis parfois séculaires. L'absence de majorité claire ne signifie pas pour autant immobilisme et blocage. Nous avons le sens de la responsabilité : le groupe du RDSE, dans toute sa diversité, est disposé à travailler à vos côtés, sans esprit partisan ni idéologie, mais toujours en faveur de l'intérêt général de nos concitoyens et de nos collectivités. Nous saluons d'ailleurs l'annonce, dans votre discours de politique générale, de la déconjugalisation de l'AAH, que nous avions soutenue, et de la renationalisation d'EDF.

C'est dans cet esprit constructif, ouvert, progressiste et attaché à l'ordre républicain que nous avons travaillé à nos propositions de loi, celles de Henri Cabanel sur la citoyenneté, de Nathalie Delattre sur la protection pénale des élus, d'Éric Gold sur l'avenir du ferroviaire, de Jean-Yves Roux sur l'instruction des documents d'urbanisme ou encore celle de Christian Bilhac visant à proposer un contrat solidaire d'utilité républicaine. Nous aurons d'autres propositions à vous soumettre pour nos territoires ; vous connaissez notre attachement à la décentralisation.

Vous le savez, guidés par la défense de l'intérêt général, nous restons viscéralement attachés à la liberté de vote au sein de notre groupe, liberté que beaucoup ici nous envient en secret… (Sourires.)

Dans tous les cas, nous nous réjouissons de constater que Sénat trouve aujourd'hui une place particulière dans le jeu institutionnel, sans se départir de ses vertus de modération. Vous trouverez ici, à n'en pas douter, des interlocuteurs exigeants, mais tous empreints du sens de la République, à rebours des excès des populistes de tout bord, encore enfiévrés par des lendemains d'élection qui chantent, mais qui découvriront assez tôt qu'être un parlementaire exige responsabilité et gravité…

À vous, madame la Première ministre, de donner, avec votre gouvernement, des gages de bonne volonté à la Haute Assemblée, le Sénat, plus que jamais chambre des territoires et des collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et RDPI.)

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