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Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, proposer chaque année un programme de stabilité, tenir les promesses qu'il contient ou même s'en approcher, est-ce un exercice vain ?

La fin de la pandémie annonçait des jours meilleurs sur le plan économique, jusqu'à ce que la guerre en Ukraine vienne repousser cet espoir. Comment prévoir de l'économiquement stable dans un environnement géopolitique instable ? L'équation est difficile…

À la lecture du programme de stabilité 2021-2027 transmis l'année dernière à Bruxelles, il était question d'un rebond de l'activité économique de 4 % en 2022, puis de 2,3 % en 2023. Finalement, monsieur le ministre, nous devrions nous contenter d'une croissance de 2,5 % cette année et de 1,4 % l'année prochaine.

À la fin de l'année 2021, l'évolution de la situation sanitaire demeurait le principal aléa. Mais voilà, nous faisons face aujourd'hui à une crise sévère des prix de l'énergie et des matières premières. Comme on le sait, il en résulte une inflation très forte – près de 5 % –, un niveau de plus en plus difficile à supporter pour nos concitoyens les plus modestes, sans oublier les entreprises, qui doivent brutalement gérer des hausses de coûts de production.

Dans ces conditions, quelles sont les nouvelles perspectives pour les années 2022 à 2027 ?

Monsieur le ministre, vous semblez pouvoir conserver une trajectoire financière qui ramènerait le déficit public sous le seuil des 3 % à l'horizon de 2027, grâce à un ajustement structurel de 0,3 point de PIB par an à compter de 2024.

Vous comptez aussi contenir la dette à terme. Certains diront que vous péchez par excès d'optimisme. La Cour des comptes a exprimé ses doutes, en effet, sans toutefois remettre en cause votre stratégie à deux jambes : soutien à la croissance et maîtrise des finances publiques.

Si la politique du « quoi qu'il en coûte » a été essentielle à la stabilisation de notre économie, il est temps de revenir à une certaine modération, sans toutefois gripper la croissance, en particulier son principal moteur, la demande.

Dans cet esprit, mon groupe, le RDSE, s'est montré ouvert et constructif dans le cadre de l'examen du texte sur le pouvoir d'achat et du projet de loi de finances rectificative. Nous avons en effet approuvé le bouclier tarifaire, la revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité, des prestations familiales, des minima sociaux et des bourses étudiantes, ainsi que la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Il est sûr néanmoins que certaines de ces mesures n'ont pas vocation à durer. Aussi, l'un des principaux enjeux de votre programme de stabilité, vous l'avez clairement affirmé, est l'emploi – plus précisément, le plein emploi. La réforme de France Travail, la poursuite de la réforme de l'apprentissage et la hausse du SMIC sont des leviers que vous avez choisi d'actionner pour réduire le taux de chômage.

Au travers de cette politique, je perçois la revalorisation du travail, ce qui envoie à mon sens un signal positif. Toutefois, je m'interroge sur le retour au plein emploi et sur vos hypothèses de productivité : la croissance potentielle ne sera pas forcément la croissance acquise.

Sur le volet maîtrise des dépenses publiques, je rappellerai tout d'abord que mon groupe n'est pas composé d'ayatollahs de l'orthodoxie budgétaire. Les politiques d'austérité ne mènent jamais bien loin – nous l'avons constaté après la crise de 2007-2008. À ceux qui les prônent, rappelons que l'Union européenne elle-même s'en écarte désormais assez facilement.

Certes, la dette doit redevenir soutenable. C'est une responsabilité que nous avons à l'égard des générations futures, d'une part ; c'est un enjeu de crédibilité de l'économie française, d'autre part. Il faut apaiser les tensions sur nos obligations souveraines.

Le Gouvernement souhaite que les dépenses en volume de l'État ne progressent pas de plus de 0,4 % par an. Pour certains, cet effort n'en est pas un. Il est vrai que, à l'horizon de 2027, la dette restera encore élevée, avec un taux de plus de 112 % du PIB.

Je pose la question : comment faire autrement, alors que beaucoup de nos services publics ont des besoins immenses, qu'il s'agisse de l'éducation, qui n'est pas simplement une dépense de fonctionnement, mais aussi un investissement pour l'avenir, de la santé ou de la police ? Il faut y ajouter le défi climatique, dont on nous dit qu'il nécessiterait pour la France la mobilisation de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, mais aussi qu'il pourrait être un levier d'activité.

Je n'oublie pas les collectivités locales, qui doivent conserver les moyens de poursuivre leur action. Certaines – on l'a bien vu en temps de crise – constituent un amortisseur social. Les associations d'élus s'inquiètent des nouvelles contraintes que leur impose le programme de stabilité, à savoir une augmentation de leurs dépenses de fonctionnement inférieure de 0,5 % par rapport à leur tendance naturelle, alors que l'inflation pèsera lourdement sur leurs investissements.

Monsieur le ministre, au regard d'un équilibre à trouver entre soutien à la croissance et maîtrise des finances publiques, la question des impôts se pose. Vous avez indiqué ne pas vouloir les augmenter. Cette position est louable, mais un profond travail en direction des niches fiscales doit être à tout le moins envisagé.

Faut-il rappeler que l'impôt se prête mieux au consentement lorsqu'il est juste et ciblé et que sa finalité est bien expliquée ?

Certes on ne peut ignorer que la France apparaît au sein de l'Union européenne comme le mauvais élève concernant le poids de ses prélèvements obligatoires. C'est un fait ! Cependant, il est bon de rappeler dans le même temps que les États membres se livrent encore aujourd'hui à une concurrence fiscale intra-européenne dont la France ne sort pas gagnante.

Quand nous mettons en place un impôt sur les grandes fortunes, des particuliers s'installent en Belgique. Quand les impôts sur les sociétés sont trop élevés, les entreprises déportent leur siège en Irlande.

Par conséquent, la Commission européenne doit s'attaquer plus frontalement au problème du manque de coordination des politiques budgétaires. Cela suppose, comme le groupe du RDSE le rappelle régulièrement dans les débats sur l'Europe, de revoir la règle de la majorité qualifiée pour certaines décisions, en l'occurrence fiscales.

Le véto hongrois sur la taxation minimale internationale des entreprises illustre cette nécessité urgente. Les dernières crises ont montré que les solutions passaient de plus en plus par l'Europe et par la solidarité qu'elle est capable de mettre en place au bord de l'abîme.

Les prochains mois s'annoncent encore difficiles, en particulier pour certains pays – je pense à l'Italie – et les écarts de taux d'intérêt menacent la cohésion au sein de l'Union.

Le programme de stabilité dont nous débattons aujourd'hui est une sorte de boussole demandée par Bruxelles. C'est un engagement européen que chaque État prend dans son coin, au risque que les boussoles n'indiquent pas toutes la même direction. Resserrer les rangs entre les États membres est donc fondamental. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Richard applaudit également.)

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