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Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite pour commencer apporter tout le soutien du groupe du RDSE à notre collègue Annick Billon, qui a fait l’objet ces derniers jours d’un traitement absolument injustifié et injustifiable dans les médias et sur les réseaux sociaux. (Applaudissements.) Le texte dont elle est l’auteure marque une avancée juridique incontestable ; nous l’avons tous voté, et les polémiques regrettables ne nous empêcheront pas de poursuivre avec elle notre travail pour la protection des enfants.

La tragédie de la petite Évaëlle, qui avait 10 ans lorsqu’elle a mis fin à ses jours après avoir été harcelée par ses camarades, ou le lynchage du jeune Yuriy, qui nous a tous émus ces derniers jours, résonnent en nous au moment de l’examen de ce projet de loi. Ces actes viennent nous rappeler que l’enfance n’est pas toujours synonyme d’insouciance et que les victimes, même si les coupables sont mineurs, ont droit à une réparation. À cette nécessaire réparation font écho nombre d’interrogations sur le chemin que nous voulons pour nos enfants, les sanctions que nous devons apporter à leurs fautes, mais également la manière d’éviter que certains ne récidivent et ne plongent dans la délinquance.

Ces nombreuses questions auraient mérité que nous en débattions plus longuement et plus largement que dans le cadre permis par la législation par ordonnance.

L’ordonnance du 2 février 1945 a longtemps répondu aux interrogations que je partageais à l’instant. Les principes cardinaux qu’elle pose – spécialisation des juridictions, recours a minima à la privation de liberté, atténuation de responsabilité par rapport aux majeurs – ne sauraient être contestés. Toutefois, au gré des réformes, mais aussi de l’évolution de la société, elle devait être modifiée et clarifiée. À ce titre, l’instauration d’une césure, dont l’objectif est de raccourcir les délais entre le prononcé d’une peine et son application, est bienvenue. Combien d’exemples avons-nous de jeunes sanctionnés après leur majorité ? Au mieux, certains sont déjà sortis de la délinquance ; au pire, ils y ont sombré faute de mesures éducatives prises assez tôt. Pour être efficace, ce système de double audience, l’une d’examen de culpabilité, l’autre de sanction, devra s’accompagner de moyens. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Je suis en revanche plus partagée sur l’audience unique. Bien qu’elle soit très encadrée, ma crainte est de voir cette procédure, censée être un outil d’exception, se généraliser. Selon la directrice de la PJJ, ce sont près de 20 % des dossiers qui pourraient être traités en audience unique, ce qui viendrait mettre à mal le principe de spécialisation des juridictions.

Pour en venir à la sanction et à la notion de discernement, la fixation d’un seuil s’apparente toujours à un jeu d’équilibriste, tant un même âge peut recouvrir des réalités et une maturité différentes.

La fixation à 13 ans de l’âge de discernement nous permettra de remplir nos obligations à l’égard de la convention internationale des droits de l’enfant. Le fait que les présomptions de discernement comme de non-discernement ne soient pas irréfragables permet d’éviter les effets de seuil et laisse toute latitude au juge de les renverser si la situation l’exige.

S’agissant des sanctions prévues par ce code de la justice pénale des mineurs, je regrette que l’accent soit davantage mis sur la privation de liberté que sur les mesures éducatives. Les centres éducatifs fermés sont une solution, mais ils ne peuvent être l’alpha et l’oméga de la réponse juridique que nous apportons à nos jeunes délinquants. Si beaucoup d’entre eux sont très mobilisés sur les mesures éducatives, ce n’est pas le cas partout, monsieur le garde des sceaux, et il nous faut garder à l’esprit le principe du recours a minima à la privation de liberté.

Pour conclure, je dirai que l’on peut écrire de bonnes lois, mais, si la pratique est défaillante, l’effort sera vain. C’est pourquoi nous sommes favorables à un report de l’entrée en vigueur de ce texte au 30 septembre 2021, comme le propose Mme la rapporteure, ce qui semble beaucoup plus réaliste.

Pour que ce texte soit bien appliqué, il faudra inévitablement davantage de greffiers, de magistrats et, donc, davantage de moyens pour la justice de notre pays. La récente hausse de 8 % du budget global semble aller en ce sens. Toutefois, en ma qualité de rapporteure pour avis du budget de la PJJ, je rappellerai que les budgets consacrés à la formation y sont en baisse, ce qui suscite des interrogations sur la mise en place de la réforme.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré toutes ces réserves, la majorité du groupe du RDSE votera ce texte, tout en gardant un œil très attentif sur sa mise en œuvre à l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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