By Sandra on mardi 12 mars 2024
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Débat : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur. »

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, entre les mois de décembre et de juillet, un élève de terminale compose avec un agenda très chargé. En plus des devoirs de fin de semestre, des épreuves anticipées du baccalauréat et du grand oral, nos lycéens sont confrontés aux échéances de Parcoursup : il y a tout d’abord l’inscription, la création du dossier et la formulation des vœux, puis l’arrivée des réponses, les choix et, enfin, la phase d’admission.

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Pour les lycéens, ce parcours du combattant est crucial, mais combien d’entre eux sont capables de mesurer ce qui se joue pendant cette période ?

En décembre dernier, plus de 700 000 familles se sont pressées sur la plateforme pour choisir parmi les 23 000 formations proposées. Selon les chiffres publiés par Parcoursup, 93,5 % des bacheliers ayant émis des vœux ont été destinataires d’au moins une offre d’admission, soit un taux supérieur à celui de l’année passée.

Autre évolution positive, les étudiants cherchant à se réorienter disposent désormais de davantage de propositions.

Pour ce qui est de la phase complémentaire, seuls 148 bacheliers sont restés sans proposition. C’est mieux que l’année précédente, mais toujours beaucoup trop pour les familles concernées, et ce malgré l’accompagnement déterminant des élèves sans solution par des commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES), dont je salue le travail.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, nous considérons que Parcoursup tient son rôle en évitant certains écueils de l’ancien système d’admission post-bac (APB), jugé à l’époque trop déshumanisé et trop complexe.

Cependant, les difficultés que rencontrent certaines familles pour accéder à l’information font que la plateforme reste insatisfaisante.

Le principe républicain d’égalité des chances, un principe fondamental auquel le groupe RDSE est très attaché, n’est-il pas remis en question lorsque 28 % des élèves se déclarent mécontents de leur sort au moment de leur admission dans l’enseignement supérieur ?

N’est-il pas également remis en question par une trop faible représentation de la diversité des territoires au sein des grandes écoles ?

Enfin, ne l’est-il pas lorsque plus des deux tiers des élèves de ces établissements sont issus de familles dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles favorisées (CSP+) ?

Nous savons bien que, si les jeunes issus des milieux défavorisés n’accèdent pas aux grandes écoles, cela s’explique davantage par leur choix d’orientation que par leur niveau scolaire. En outre, plus de la moitié d’entre eux se retrouvent livrés à eux-mêmes lorsqu’ils doivent saisir leurs données dans Parcoursup, contrairement aux élèves des milieux favorisés dont les deux tiers sont épaulés par leurs parents.

Les choix des élèves sur Parcoursup sont façonnés par des phénomènes d’autocensure et limités par le manque d’information sur les formations. Cette situation n’est pas acceptable.

Face à ce constat, je souhaite rappeler les chiffres du sixième rapport annuel du comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) sur l’offre de formation privée.

En 2023, 22 % des cursus de formation présents sur Parcoursup étaient proposés par des établissements privés. Par ailleurs, le développement de l’apprentissage public est allé de pair avec la multiplication des organismes privés, ce qui a profondément redessiné le paysage et la répartition des offres entre le public et le privé.

Il ne s’agit pas, pour le groupe RDSE, d’opposer l’enseignement public à l’enseignement privé, mais de se demander si les informations dont disposent les jeunes au sujet des différentes formations proposées sur Parcoursup leur permettent de faire un choix vraiment éclairé.

Les labels, bien trop nombreux, ne constituent pas une information suffisamment lisible pour les candidats.

La charte de Parcoursup prévoit que, en cas d’illégalité, une formation peut voir son référencement sur la plateforme suspendu. Nous appelons à une véritable effectivité des sanctions.

Madame la ministre, l’inquiétude dans les foyers, l’angoisse et le stress que peut susciter l’orientation, doivent conduire le Gouvernement à mettre en œuvre des solutions accessibles à tous et compréhensibles par tous, tout en réprimant les fraudeurs et les marchands de rêves.

Par conséquent, l’ensemble du groupe RDSE attend vos réponses sur les questions d’accessibilité, de lisibilité et de régulation de la plateforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Maryse Carrère, tout d’abord, je vous remercie d’avoir souligné que Parcoursup progressait d’année en année. Cette amélioration continue est confirmée par les usagers.

Bien évidemment, les points d’attention que vous avez évoqués sont d’importance : nous les avons identifiés et nous travaillons dessus.

Pour accompagner les candidats sans solution, nous mobilisons un certain nombre de dispositifs au sein des académies, dans les territoires, et ce depuis 2018. Je rappelle qu’en juillet comme en août, tout lycéen sans solution est contacté personnellement par mail ou par téléphone, afin de se voir proposer un accompagnement. C’est ce qui nous a permis de réduire à 148 le nombre de lycéens sans solution, candidats que nous continuons d’accompagner parce que, comme vous l’avez dit, ils sont encore trop nombreux.

Agir pour l’égalité des chances, c’est aussi être attentif à la diversité sociale et territoriale. Depuis la création de Parcoursup, le taux des lycéens boursiers admis en première année a ainsi progressé de cinq points, passant de 20 % à 25 % – et nous continuons d’agir en ce sens.

La diversité des 23 000 offres de formation proposées sur la plateforme contribue à ce que les candidats les moins mobiles puissent tout de même trouver des solutions. Tel est le sens de la création des campus connectés dans les territoires ruraux, que nous valorisons sur Parcoursup pour développer une offre de proximité. Cela vaut aussi pour les territoires urbains peu favorisés.

Nous valorisons également le parcours des lycéens en cordées de la réussite. Ainsi, 96 % des 325 000 candidats concernés et présents sur Parcoursup ont reçu une proposition ; 88 % d’entre eux l’ont acceptée, soit un pourcentage en forte progression.

Enfin, madame la sénatrice, je ne peux que souscrire à votre demande d’une régulation plus forte de l’offre de formation privée. C’est essentiel pour les familles, car celles-ci se laissent parfois tromper par des offres très alléchantes en apparence, qu’elles soient proposées en dehors de Parcoursup ou sur la plateforme – nous multiplierons les contrôles pour les faire disparaître.

C’est la raison pour laquelle nous proposons un label reposant sur des critères bien définis ; nous nous donnons également les moyens de suspendre le référencement d’une formation sur Parcoursup lorsque les contrôles attestent un comportement non conforme à la charte de la plateforme. Vous pouvez compter sur nous pour poursuivre ce travail.