By Sandra on mercredi 24 avril 2024
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le plus souvent examinés dans l’urgence, les projets de loi de transposition du droit européen ne recueillent pas, à mon sens, toute l’attention qu’ils méritent.

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Sous des abords relativement techniques, ces textes dissimulent des changements importants pour le quotidien de nos concitoyens, la vie de nos entreprises et de nos territoires. Le projet de loi dont nous débattons ce soir, et que l’on pourrait qualifier de fourre-tout, contient même plusieurs dispositions majeures.

Tout d’abord, je pense à la réforme de la procédure pénale. Ce volet est loin d’être anecdotique : il s’agit de revoir les conditions d’accès à un avocat lors de la garde à vue. (M. Pascal Allizard le confirme.)

Depuis deux ans, la Commission européenne alerte la France au sujet de ses manquements en la matière : je regrette que cette question fondamentale n’ait pu être débattue dans le cadre de l’examen d’un autre véhicule législatif – je pense notamment au projet de loi de programmation et d’orientation du ministère de la justice 2023-2027.

Néanmoins, je salue le travail coopératif accompli par les rapporteurs de nos deux assemblées parlementaires : malgré l’urgence, malgré la sensibilité de l’article 27, ils sont parvenus à un accord quant aux dérogations d’accès à l’avocat.

Pour sa part, le Sénat a insisté sur l’équilibre à trouver entre exigences européennes, droits de la défense et nécessités liées aux pouvoirs d’enquête exercés tant par les magistrats que par les OPJ. Notre assemblée a été entendue.

Je passe à un autre sujet, fruit lui aussi d’une construction transpartisane et consensuelle entre les deux chambres. L’article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier notre loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale.

Plusieurs dispositions de ladite loi viennent heurter des directives européennes, ainsi que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 9 novembre 2023.

L’encadrement des activités des influenceurs, tel que la France l’a conçu, est presque unique dans le monde et – je l’espère – précurseur. Il vise notamment à protéger nos jeunes, cibles principales du marketing auquel se livrent ces nouveaux professionnels.

Il est hautement souhaitable que ce texte ne soit pas détricoté. La commission mixte paritaire (CMP) s’est donc employée à borner l’habilitation donnée au Gouvernement : la transposition devra être effectuée dans le respect du travail accompli par le Parlement français.

Je tiens également à aborder le volet agricole de ce projet de loi dit Ddadue.

Alors même que la programmation du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) touche à sa fin, nous serons bientôt appelés à prendre de nombreuses décisions pour assurer son renouvellement.

Dans ce contexte, nous nous réjouissons que les régions, autorités de gestion de ces aides, puissent disposer des moyens humains nécessaires au traitement des dossiers sans dépendre de la signature du préfet. En ce sens, l’article 33 s’inscrit dans une démarche de simplification et de rationalisation tout à fait bienvenue pour les acteurs du monde rural.

Cette mesure devrait notamment permettre le versement plus rapide des aides de la politique agricole commune (PAC). Les lenteurs actuelles sont l’une des raisons de la colère légitime que nos agriculteurs expriment depuis de nombreuses années.

Je n’oublie pas non plus le volet climatique de ce projet de loi.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) représente un véritable tournant dans la politique industrielle et commerciale européenne. Le marché européen fermera progressivement la porte au moins-disant environnemental. Une concurrence plus juste entre les entreprises européennes et celles des pays tiers pour une décarbonation de l’économie à grande échelle : voilà la bonne équation.

Ce projet de loi Ddadue adapte ainsi un axe essentiel du paquet européen sur le climat et l’énergie. Il transpose également le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, et l’ensemble de ces mesures se trouvent consolidées par le travail du Sénat.

Enfin, le présent texte précise le calendrier des interdictions de mise sur le marché européen des substances comprenant des microplastiques.

L’article 31 harmonise les obligations fixées en vue de limiter l’utilisation de ces substances. Toutefois, il en reporte l’interdiction à 2029 : l’échéance est donc reportée de cinq ans pour plusieurs produits, cosmétiques notamment. Ce délai ne me paraît pas opportun, alors qu’un nombre croissant d’études démontrent l’existence d’un lien entre la présence de microplastiques et les troubles cardiovasculaires. En la matière, il faut poursuivre le combat engagé.

En dépit de cette dernière réserve, les élus de notre groupe approuveront les conclusions de la commission mixte paritaire.

Madame la secrétaire d’État, notre pays est déjà le premier d’Europe pour la transition du droit européen en droit national, et ce projet de loi conforte encore cette place ; mais, de grâce, évitons les surtranspositions injustifiées !

À l’approche des élections européennes, l’Union européenne doit plus que jamais apparaître non pas comme une source de complication, mais comme ce qu’elle est : un horizon de sécurité et de protection. (Mme la secrétaire d’État acquiesce. – MM. Daniel Fargeot et Cyril Pellevat applaudissent.)