By Sandra on mercredi 17 novembre 2021
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souligne l'urgence pour le législateur de réguler des questions ayant trait à la numérisation de notre société tant celle-ci subit des transformations majeures à un rythme de plus en plus rapide.

Il relève ainsi de l'évidence que l'importance croissante des plateformes numériques participe à une modification substantielle de la structure de notre économie, qu'il s'agisse de la communication, de la consommation, mais aussi du travail. Et c'est bien là toute la légitimité de l'intervention du législateur, dans la mesure où les droits des travailleurs ne peuvent pas rester à la traîne des mutations systémiques de l'économie.

De nombreuses questions se posent donc en filigrane. Comment garantir une protection sociale optimale à ces travailleurs, que le droit a eu du mal à qualifier ? Comment dès lors appréhender la nature de la relation contractuelle entre les plateformes et ces travailleurs ? Comment mettre en place les conditions d'un réel dialogue social lorsqu'émerge un nouveau secteur ?

Dans ce contexte, le texte que nous examinons aujourd'hui vise à autoriser la ratification d'une ordonnance relative au dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs qui y ont recours.

Pour rappel, le processus de régulation des plateformes a débuté en 2016 avec la loi El Khomri du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui consacre leur responsabilité sociale. Depuis lors, ces dernières prennent en charge les assurances couvrant les risques d'accidents du travail ou encore participent financièrement aux formations des travailleurs indépendants. Le processus s'est poursuivi avec la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), en permettant aux travailleurs de gérer leur planning de travail ou de pouvoir se déconnecter des plateformes lorsqu'ils le souhaitent.

Le présent projet de loi s'inscrit donc dans cette dynamique. Il vise à mettre enfin en place le dialogue social entre les plateformes et les travailleurs indépendants, notamment au travers de la création de l'ARPE, de la définition des règles de représentativité des plateformes ou encore de l'introduction d'une obligation de formation et de consultation des plateformes au bénéfice des travailleurs qui y recourent. Malgré leur statut en marge des catégories classiques du droit du travail, ces travailleurs vont donc bénéficier de règles tendant vers le droit commun.

En somme, mes chers collègues, le texte viserait à restructurer favorablement l'asymétrie qui caractérise la relation entre les plateformes et les travailleurs indépendants.

Bien que l'intention de lutte contre la fragilité et la précarité des travailleurs indépendants concernés semble claire, je m'interroge sur l'efficacité du dispositif à l'étude. Madame la ministre, votre projet de loi décompose temporellement en deux parties le dialogue social ; d'abord sectoriel, celui-ci devient par la suite individuel, au sein de chaque plateforme.

Comment assurer aux travailleurs que les accords de secteur et les accords de plateformes resteront cohérents ? Ne risque-t-on pas de miter les avancées sociales promises par ce texte ? N'oublions pas que le législateur doit permettre le développement des plateformes en garantissant l'évolution des droits sociaux des travailleurs sans distinction. Si la loi est la même pour tous, les droits des travailleurs indépendants doivent être les mêmes.

Notre groupe tient également à rappeler l'importance de l'intégration des partenaires sociaux dans tout type de négociations. Nous appelons le Gouvernement à être attentif à leur juste mise en relation avec l'ARPE.

Quoi qu'il en soit, l'objectif de régulation du texte reste compréhensible et permet d'avancer relativement dans la construction du dialogue social. Dommage qu'il s'effectue par ordonnance. Cette procédure ne peut remplacer le nécessaire travail parlementaire et les solutions plus rassurantes et étayées qui auraient pu être proposées dans ce cadre.

Notre groupe se partagera. La plupart de ses membres voteront pour ou s'abstiendront, mais quelques-uns, qui considèrent le dispositif encore trop fragile, voteront contre.