By Sandra on vendredi 29 novembre 2019
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Projet de loi de finances pour 2020 : mission "santé"

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission « Santé » du projet de loi de finances a fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières semaines, prise aux mains d'un débat sur l'immigration et l'accueil des demandeurs d'asile.

Cette mission contient effectivement deux programmes. Celui qui est consacré à l'aide médicale de l'État reste au cœur des préoccupations, puisqu'il représente désormais 82% des crédits de la mission. Néanmoins, attachée aux questions de prévention, je commenterai d'abord les ressources allouées au programme 204.

Ce programme est remanié dans son périmètre, passant de 7 opérateurs en 2015 à 2 opérateurs en 2020. Cette année, ce sont les dotations de l'ANSM et de Santé publique France qui sont transférées à l'assurance maladie.

Au regard des objectifs, nous espérons que ces transferts successifs, sous couvert de simplification, ne dégraderont pas la lisibilité des actions et de leur budget.

Ne subsistent donc dans le programme 204 que quelques crédits épars, dont le financement de l'INCa, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, et du fonds d'indemnisation des victimes de la Dépakine pour un peu plus de 200 millions d'euros. Cela nous interroge sur la volonté du Gouvernement de pérenniser ce programme, pratiquement vidé de son contenu.

La prévention est présentée comme une « priorité » du Gouvernement, et elle doit l'être !

En baisse de 3 % à budget constant, nous notons une stagnation des crédits consacrés à l'action n° 12, Santé des populations, et à l'action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, à laquelle vient s'ajouter la baisse du budget de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca, examiné hier en séance et réduit de 4 millions d'euros par rapport à 2014.

Sur ces sujets majeurs, nous espérions – et espérons encore – un engagement fort de l'État.

Je vais déjà saluer les trois mesures positives : la lutte contre le tabac, dont on a vu les effets ; l'accroissement du fonds en faveur de la santé environnementale et la politique de vaccinations obligatoires, qui portera probablement des fruits en termes de couverture vaccinale de la population.

Mais j'insisterai aussi sur deux autres sujets.

D'une part, le taux de vaccination contre la grippe, qui tue encore 10 000 personnes chaque hiver, stagne chez les plus de 65 ans. Les mesures de simplification de l'accès à la vaccination décidées dans le plan « Ma santé 2022 » devraient, je l'espère, corriger cette situation. Quant à la vaccination des professionnels de santé, je continue à penser que l'obligation vaccinale reste souhaitable.

D'autre part, un indicateur sur la qualité microbiologique de l'eau a attiré mon attention – sujet dont on parle peu, mais qui est éminemment important. Il stagne, après une amélioration avant 2015. Encore plus de 12 % des prélèvements d'eau potable ne sont pas microbiologiquement conformes, et c'est sur les petits réseaux, de moins de 500 habitants, que cette non-conformité est significativement plus élevée. Cela peut nous interroger.

Avec la disparition annoncée de ce programme, madame la secrétaire d'État, aurons-nous encore une visibilité sur ces sujets, et un moment pour en discuter ?

J'évoquerai, enfin, les comités de protection des personnes, les CPP, qui jouent un rôle important dans l'accès précoce aux médicaments innovants. Nous saluons l'augmentation pérenne de leur budget à hauteur de 700 000 euros, qui permettra le financement de 14 équivalents temps plein supplémentaires. C'est une avancée, qui reste toutefois insuffisante pour permettre aux 39 CPP de fonctionner de manière continue. Mais nous ne manquerons pas de revenir plus en détail sur le sujet, lors de l'examen de la proposition de loi que je défendrai avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny.

J'en viens maintenant au programme 183, consacré presque exclusivement au financement de l'aide médicale de l'État, à hauteur de 934 millions d'euros, ce qui en fait, d'après le rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et de l'Inspection générale des finances, l'IGF, « le milliard le plus scruté de la dépense publique ».

À titre personnel, ce n'est pas celui qui m'inspire le plus ! Face à de tels sujets, complexes et sensibles, j'aime à me rappeler les grands principes guidant ma réflexion : l'humanisme et le respect de la personne ; la protection de la santé publique ; la bonne gestion des deniers publics. Il y a donc un équilibre à trouver : ni trop, ni trop peu...

La commission des finances a déposé plusieurs amendements, afin de transformer l'AME en aide médicale d'urgence, ou AMU, de réduire le panier de soins et de créer un droit de timbre.

L'AME est trop souvent considérée comme un élément de politique migratoire, alors qu'elle est un dispositif de santé publique. En accord avec la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, mon groupe, dans sa grande majorité, ne soutiendra pas ces amendements.

S'agissant des modifications introduites à l'Assemblée nationale, nous prenons note des mesures visant à lutter contre la surconsommation et la fraude. Je partage la nécessité de combattre ces dernières, quand elles existent ! Les moyens de contrôle seront-ils toutefois suffisants ?

Revenons-en à des termes budgétaires.

Les dépenses au titre de l'AME, bien qu'en augmentation, ne représentent que 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie. L'impact des dernières annonces sur le budget de la mission – soit 15 millions d'euros d'économies prévues – va dans le sens d'une maîtrise budgétaire, que nous saluons.

Toutefois, veillons à ce que certaines de ces mesures, notamment l'allongement du délai d'accès, ne soient pas contre-productives, car des pathologies prises en charge avec retard nécessitent des traitements plus longs, plus lourds et plus coûteux. Une évaluation stricte et rapide de la mesure sera nécessaire. On peut effectivement regretter le peu de chiffres, de statistiques à même de nous éclairer dans notre réflexion, ce qui, souvent, est propre à ouvrir la voie aux fantasmes.

Je terminerai en rappelant que les médecins continueront à exercer leur profession et à soigner les malades, tous les malades ! Faisons leur confiance pour apprécier, au cas par cas, les besoins de chaque patient ; il est indispensable de préserver cette marge d'appréciation des soignants, qui sont en première ligne.

Voilà deux ans, à la même tribune, j'ai conclu en disant qu'il fallait se pencher sur le sujet avec pragmatisme et sans posture. C'est dans ce même état d'esprit, dans l'attente de quelques réponses sur le volet concernant la prévention et avec les quelques réserves émises que mon groupe, dans sa grande majorité, votera en faveur des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)