By Sandra on mardi 4 février 2020
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Projet de loi relatif à la bioéthique

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique Social et Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour clore l'examen en première lecture de ce texte si particulier, qui aura suscité des débats d'une grande intensité, où le respect a cependant toujours prévalu.

Sur ces sujets qui touchent à l'intime, je tiens à souligner la qualité des débats qui se sont tenus ces deux dernières semaines, avec l'éclairage indispensable de nos quatre rapporteurs, dont je salue le travail. Même si je ne partage pas toutes ses convictions, je tiens à souligner les qualités de pédagogue de Mme Jourda sur des points dont nous étions souvent éloignés.

M. Loïc Hervé. C'est bien vrai !

Mme Véronique Guillotin. Cette troisième grande révision des lois de bioéthique a été l'occasion pour nous d'évoquer des sujets aussi sensibles que la naissance, la mort, la maladie, le désir d'enfant, l'intérêt de l'enfant et, ainsi, des barrières éthiques que nous souhaitons poser aux progrès de la science. Quand je dis « nous », je parle de la société tout entière, mais aussi des sénateurs qui composent cette assemblée et qui s'efforcent, avec conviction, de la représenter.

Comme on l'a vu tout au long de ses débats, il n'est pas aisé, pour un parlementaire, de trancher sur des sujets aussi sensibles. Il y a eu, chez certains, une forme d'appréhension légitime à l'approche de l'examen de ce texte. Mais c'est le choix qu'a fait la France de confier aux représentants du peuple la responsabilité d'ériger des lignes rouges à ce que la science peut faire, considérant que l'élection démocratique nous octroie cette légitimité, qui ne vaut en aucun cas mandat impératif. C'est aussi au travers de la diversité de nos valeurs, de notre propre histoire et de celle de nos familles que nous sommes en capacité d'énoncer l'interdit. C'est portés par cette complexité que nous nous sommes astreints à légiférer en gardant toujours à l'esprit l'intérêt général, ce que nous comprenons de la société et ce que celle-ci souhaite pour son avenir.

Pour ma part, comme pour celle de la majorité des membres de mon groupe, j'ai l'intime conviction que la société est prête à accueillir en son sein des familles fondées sur une approche non pas seulement biologique, mais aussi affective de la parentalité, dans toute sa diversité.

Ma propre éthique m'a poussée à défendre, tout au long des débats, la capacité des femmes à décider de ce qui est bon pour elles et pour leur enfant à naître, à respecter leur désir de parentalité et leur résistance aux différentes pressions sociales qui s'exercent.

Aussi, j'ai deux grands regrets à l'issue de cette première lecture.

Premièrement, pour que la procréation médicalement assistée soit un droit réel pour toutes les femmes, il est indispensable que le remboursement ne soit pas restreint aux seules demandes fondées sur une pathologie médicalement prouvée : d'une part, parce que l'on maintiendrait alors une rupture d'égalité entre les femmes qui peuvent payer et celles qui ne le peuvent pas ; d'autre part, parce que la cause de l'infertilité n'est pas toujours médicalement prouvée, y compris pour les couples hétérosexuels.

Deuxièmement, s'agissant de la conservation des ovocytes, le vote s'est malheureusement cristallisé autour de la possibilité – ou de l'impossibilité – de réaliser cette procédure dans des établissements privés à but lucratif. Le RDSE a voté en majorité contre l'article 2, par rejet non pas de l'autoconservation ovocytaire, à laquelle il était favorable, mais d'une procédure qui, si elle était effectuée dans des établissements à but lucratif, ferait craindre à la majorité d'entre nous une forme de marchandisation qu'elle refuse.

Le débat, quant à lui, s'est concentré sur les pressions sociales subies par les femmes, pressions qui s'accentueraient en cas de généralisation de l'autoconservation de gamètes. Il est peut-être vrai que les femmes subissent des pressions sociales, tantôt pour fonder une famille, tantôt pour privilégier leur carrière. Il est salutaire d'en débattre, mais pas de les brandir comme un argument suffisant à justifier l'incapacité des femmes à décider pour elles-mêmes. Aussi, j'espère que la deuxième lecture nous permettra de nous entendre sur une rédaction plus ouverte sur l'autoconservation des ovocytes sans critère médical.

Trois autres sujets méritent un commentaire en lien avec la PMA, notamment la fécondation in vitro.

Si les débats sur la PMA post mortem ont été empreints de beaucoup de respect et de dignité, je suis favorable, comme je l'ai exprimé, à son autorisation et ne peux donc pas me réjouir du vote, très serré, qui a conduit à son rejet. Il en est de même pour le double don de gamètes, qui pourrait offrir une réponse aux couples doublement infertiles, et pour le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdies, lequel permettrait aux femmes ayant subi de nombreux échecs de limiter les risques de fausses couches lors de l'implantation de nouveaux embryons.

J'en viens maintenant aux questions de filiation. Si je suis farouchement opposée à l'article 4 bis, introduit en commission, qui pénalise l'enfant né d'une GPA à l'étranger, en interdisant la transcription de son acte de naissance en droit français, je regrette également le choix fait par la majorité sénatoriale concernant l'établissement de la filiation dans le cas des PMA réalisées pour les couples de femmes. La rédaction initiale de l'article 4 semblait tout à fait satisfaisante, en permettant la double filiation maternelle par déclaration anticipée de volonté, tandis que la filiation par adoption pour la mère d'intention ne me semble pas aller dans le sens du progrès.

Pour terminer, je veux saluer l'interdiction, votée en séance publique, des tests génétiques à visée commerciale. Des doutes demeurent, me semble-t-il, sur la fiabilité et la confidentialité de ces tests et des données récoltées. Après les débats, qui ont été riches et argumentés, je reste convaincue que le recueil d'informations génétiques doit rester circonscrit au milieu médical.

En résumé, comme l'ont dit certains, symbolisé par les « chimères politiques » qu'il est de nature à engendrer – face à un tel texte, les clivages gauche-droite ne tiennent plus et les appareils de parti n'ont plus de place –, ce projet de loi, globalement, ne satisfera probablement personne.

Si mon propos liminaire faisait l'éloge de nos débats et ma revue des articles mentionnait de nombreux désaccords avec la majorité sénatoriale, ma conclusion fait la synthèse du rôle qui a été le nôtre ces deux dernières semaines : nous avons dû faire des choix, prendre des décisions qui impacteront la vie intime de nombreux Français. Pour eux, le groupe RDSE ne peut se résoudre à rendre une copie blanche.

Nous avons débattu en bonne intelligence. Les conditions ont été réunies pour l'examen de sujets aussi sensibles que complexes. Nous ne pouvons donc nier ce débat qui a eu lieu et les avancées notables qu'il a fait émerger, malgré nos nombreux désaccords. C'est pourquoi le groupe RDSE votera en majorité pour l'adoption de ce texte. Et, puisque l'occasion nous est donnée – une fois n'est pas coutume – d'examiner un projet de loi en procédure normale, et non en procédure accélérée, nous profiterons de la deuxième lecture pour tenter de vous convaincre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC, SOCR et CRCE.)