By Sandra on jeudi 22 octobre 2020
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vaste projet pour nous que de vouloir garantir le plein exercice des libertés locales ! Vaste projet, car les vagues de décentralisation se sont succédé, les transferts de compétences également, mais les moyens financiers, eux, se sont souvent réduits.

En parallèle, le rôle des élus a lui aussi évolué – je pense en particulier aux maires de petites ou très petites communes comme il en existe beaucoup chez moi, en Lozère.

D'abord, la montée de l'individualisme a profondément changé le rapport maire-administrés. Loin de la figure tutélaire, le maire est souvent désigné comme le premier responsable des dysfonctionnements face à des administrés toujours plus exigeants.

Ensuite, l'inflation législative a créé de nombreuses contraintes pour nos territoires : ils n'ont souvent ni les moyens financiers ni l'ingénierie nécessaires pour y faire face.

Dernière évolution, et non des moindres, l'intercommunalité, qui, si elle peut être un formidable catalyseur à l'échelon local, a aussi ses failles – nous les connaissons. La principale est la faible représentation des petites communes, qui fait que certaines d'entre elles, faute d'être considérées, se désintéressent du fait intercommunal, voire s'y opposent frontalement.

Si les objectifs de ces propositions de loi sont louables, le RDSE est partagé sur la mise en œuvre proposée – nous y reviendrons.

Concernant les dispositions visant à garantir une représentation équitable des territoires, notre groupe, comme en 2014, est pleinement favorable à la constitutionnalisation de ce principe. Sa mise en œuvre concrète, par la hausse des limites maximales d'écart de représentation, est une avancée appelée depuis de nombreuses années par les élus des petites communes et par le RDSE. Nous ne pouvons donc qu'y être favorables. Couplée à cette mesure, la clause générale de compétence vient rappeler l'importance de la commune dans l'édifice juridique français.

S'agissant de l'adaptation des compétences des collectivités aux réalités locales, nous sommes favorables aux dispositions de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle, qui permet de clarifier l'exercice du pouvoir réglementaire local. Cet article s'inscrit dans la droite ligne du principe de libre administration des collectivités reconnu par l'article 72 de notre constitution. Cet ajout permettra la différenciation prévue à l'article 3.

L'octroi de compétences distinctes à des collectivités locales de même échelon, s'il peut parfois s'avérer nécessaire, doit rester calibré pour être efficace. Notre crainte est une différenciation sans borne qui conduirait à une disparition progressive des trois échelons que sont la région, le département et la commune. Or force est de constater que cette version ne nous satisfait pas : l'alinéa 8 de l'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle renvoie à une future loi organique, mais ne donne pas de cap.

Plus globalement, la méthode employée nous dérange. Personne ici n'est sans savoir que le projet de loi 3D sera prochainement examiné. C'est pourquoi l'examen de ce texte, inscrit à l'ordre du jour il y a quelques semaines seulement, nous interroge. Non pas que le Sénat ne devrait plus prendre d'initiatives – loin de là –, mais, sur ces sujets de grande importance, tâchons de travailler en bonne intelligence pour établir un texte à la hauteur des attentes des élus locaux.

Pour en revenir aux textes que nous examinons, je rappelle que le RDSE a toujours été favorable à l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales, mais l'autonomie proposée par la majorité sénatoriale suscite des inquiétudes sur nos travées. Si le RDSE est attaché à la liberté, nous estimons qu'elle ne doit pas s'apparenter à une concurrence organisée entre les territoires. Nous craignons que l'autonomie que vous proposez ne débouche sur une mise à mal de la péréquation, avec des communes riches qui vont devenir toujours plus riches et des communes pauvres qui vont l'être encore plus.

Élue d'un département hyper-rural, ces questions me touchent tout particulièrement ; c'est pour cela que j'en appelle à votre vigilance. On me répondra que les transferts de compétences sont compensés intégralement à date de ces transferts, mais il y a aussi des charges financières qui continuent d'augmenter. Par exemple, les départements ont la charge de l'aide sociale, qui – crise oblige – va continuer à augmenter.

Si nous sommes naturellement favorables aux mesures visant à consacrer une représentation équitable des territoires, nous avons des craintes quant à vos conceptions de la différenciation et de l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, dans la liberté qui le caractérise, le groupe RDSE sera partagé entre abstention et vote favorable sur ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)