By admin on mardi 22 janvier 2019
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Question d'actualité sur l'administration numérique et l'illectronisme bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à qui je tiens de nouveau à témoigner ma solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)


M. Jean-Yves Roux. Merci, monsieur le président.
Il y a maintenant un an et demi, le Gouvernement fixait comme objectif la dématérialisation de la totalité des services publics d'ici à 2022. Si l'objectif de dématérialisation – ce terme barbare signifie que toutes les procédures administratives devront s'effectuer en ligne – peut paraître enthousiasmant, il ne semble à ce jour ni réaliste ni souhaitable d'envisager sa généralisation uniforme d'ici à trois ans.
La dématérialisation inquiète, d'autant qu'elle est perçue comme un cheval de Troie de la réduction des services publics dans les territoires ruraux et, à terme, comme une centralisation renforcée des services. Or nos concitoyens ont plus que jamais besoin de services publics de proximité, identifiables physiquement, simples et humains.
À cet égard, le Défenseur des droits vient de publier un rapport dans lequel il alerte sur le fait que cette dématérialisation risque de créer de nouvelles inégalités d'accès aux services publics.
L'inégalité est tout d'abord territoriale. De nombreuses communes n'ont pas du tout accès à internet. En outre, les points d'accès libre et confidentiel à internet ne sont pas disponibles partout. Enfin, ces derniers se situent à des distances variables.
L'inégalité est ensuite économique : des artisans locaux ne peuvent déjà pas accéder à des marchés publics qui sont entièrement dématérialisés depuis le 1er octobre 2018 pour des seuils supérieurs à 25 000 euros. Le télétravail est, quant à lui, presque impossible.
L'inégalité est aussi financière : acheter une tablette, un smartphone et souscrire un abonnement, tout cela coûte très cher pour ceux qui ont de petits revenus.
L'inégalité est enfin culturelle. Selon le CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, 36 % des Français ne sont pas familiarisés au numérique. Et ce taux est sans doute sous-estimé.
Or un progrès ne vaut que s'il est partagé par tous. Nous, élus de la République, nous bataillons au quotidien pour réduire des fractures territoriales et sociales ancrées, mais aussi pour les prévenir. Aujourd'hui, nous avons encore la possibilité d'agir.
Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour ne pas pénaliser celles et ceux qui ne peuvent accéder à ces nouveaux services publics ? Comptez-vous proposer un accompagnement de grande envergure à nos concitoyens ? Comment comptez-vous consolider l'égalité d'accès aux services publics dans tous les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Roux, permettez-moi, tout d'abord, comme M. le président du Sénat, de vous faire part de la solidarité du Gouvernement à la suite de la vandalisation de votre permanence. À travers vous, je m'adresse à tous les élus, quelle que soit la famille politique à laquelle ils appartiennent, qui voient leur permanence, c'est-à-dire des coins de démocratie, être vandalisée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, applaudit également.)
Vous me posez une question que le Sénat connaît bien, celle de la nécessaire modernisation de l'administration française. Cette modernisation passe, notamment, par le défi de la dématérialisation, laquelle rend de grands services à nos concitoyens ou aux élus locaux. Il est vrai toutefois qu'il y a parfois une France à deux vitesses : certains de nos concitoyens n'ont pas accès au numérique ou sont atteints de ce qu'on appelle l' « illectronisme », c'est-à-dire la difficulté – et ce n'est pas simplement une question d'âge – à effectuer des démarches administratives sur internet.
Le Gouvernement s'est en effet donné comme objectif de rendre possibles 100 % des démarches administratives de manière dématérialisée d'ici à 2022, mais cela ne signifie pas pour autant la disparition du papier.
C'est tellement vrai, monsieur le sénateur, que lors du débat sur la loi pour un État au service d'une société de confiance, la loi ESSOC, que j'ai eu l'honneur de défendre dans cette assemblée, je suis revenu, à la demande de l'une de vos collègues, Mme Gisèle Jourda, sur la dématérialisation des procédures administratives auprès de mon ministère et du paiement des impôts, car certains territoires n'ont pas accès au numérique. Les Français auront donc bien sûr la possibilité de continuer à remplir leurs documents papier et à payer leurs impôts par chèque.
Comme vous l'avez constaté, je suis revenu sur la disposition de la loi de finances pour 2016 qui rendait impossible, au-delà de 1 000 euros, le paiement de la taxe foncière, notamment, autrement que par virement bancaire. C'était une erreur de l'administration. Les administrés pourront évidemment continuer à payer par chèque.
M. le président. Il faut conclure maintenant !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quant au rapport du Défenseur des droits, nous le lirons évidemment avec beaucoup d'intérêt et nous l'appliquerons avec vous. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)