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Débat sur le thème : « Le fonctionnement des universités en temps covid et le malaise étudiant »

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le lundi 1er février 2021, nous vous recevions, madame la ministre, sur le domaine universitaire de Bordeaux, pour vivre ensemble la rentrée d'une poignée d'étudiants qui faisaient leur retour sur un campus bien désert.

Ces initiatives sont encourageantes ; elles sont importantes pour le moral de certains jeunes, mais tous ne peuvent y accéder. En effet, beaucoup de jeunes, malgré l'aide de leur famille, n'ont pas eu les moyens de continuer à louer un appartement et assumer le coût de la vie dans nos grandes villes, ce dès le mois de décembre.

Un retour obligatoire en présentiel doit être organisé à l'avance, pour ne pas créer de nouvelles difficultés. L'année universitaire étant désormais sérieusement avancée, il serait raisonnable de donner des perspectives claires à nos étudiants. Il conviendrait surtout que vous leur annonciez que c'est avec eux que vous allez construire les conditions de leur retour. Avec eux, parce que nos jeunes font preuve de responsabilité ; ils n'ont jamais été aussi conscients de la gravité de la situation, aussi respectueux des règles établies, aussi volontaires dans l'effort.

Mais ils n'ont jamais été aussi mal… Ils ne se sont jamais sentis autant exclus – même s'ils ne le sont pas sciemment –, oubliés et marginalisés dans le projet de société qui est le nôtre. Mais quel est donc ce projet, et que devient-il face aux épreuves que nous traversons ?

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres, sans esprit de polémique ni volonté de minimiser les enjeux sanitaires, notamment en ce qui concerne la capacité d'accueil de nos services de réanimation. Depuis un an, 64 décès dus à la covid-19 ont été constatés chez les adultes de 18 ans à 44 ans, alors que l'âge médian des décès est évalué à 85 ans.

Ce sont autant de réalités qui doivent nous faire prendre conscience que nous ne pouvons pas mettre notre jeunesse sous cloche une année de plus – nous ne pourrons pas le justifier, nous le pourrons plus !

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Nathalie Delattre. C'est le prix de notre responsabilité vis-à-vis d'une classe d'âge qui se morfond. Madame la ministre, vous disiez à ces jeunes qu'ils pourraient raconter, dans quelques années, qu'ils ont participé à un effort nécessaire pour le pays, et vous aviez raison.

Nous leur en sommes bien sûr reconnaissants, mais au prix de quels renoncements ? Celui de voir notre jeunesse inemployée, paupérisée, isolée et dépressive ! Nous sommes à la limite de créer les conditions d'un affaiblissement durable de notre nation, en effritant la résilience de ce qui fait son corps social, à savoir l'énergie jusqu'alors inébranlable des hommes et des femmes qui nous entourent, leur capacité à affronter le réel, à surmonter les crises, à prendre conscience que les pandémies et les guerres existent, et que ce n'est pas encore la fin de l'histoire.

Nos jeunes ne disposeront pas de ces clefs si nous les laissons durablement dans l'éther d'un monde figé face au risque. La plus grande preuve d'amour que nous puissions leur donner est de leur permettre de « revenir du familier à l'étrange et, dans l'étrange, affronter le réel », comme l'écrivait Paul Valéry.

Car, en attendant, leur réel est moins l'exposition au virus que l'isolement, la désolation et la rupture. L'accompagnement psychologique que nous avons vu s'exercer à Bordeaux, lors de votre venue, est indispensable. Le modèle des « sentinelles », ces jeunes qui sont formés pour accompagner les autres en détectant les signes pathologiques faibles, est un bon modèle, quoique insuffisant à ce stade.

Vous engagez-vous à renforcer partout en France l'accompagnement psychologique ? L'accompagnement, même à Bordeaux, où l'un des plus grands campus de France ne dispose que d'une seule psychologue, est notoirement insuffisant !

Enfin, notre jeunesse est paupérisée. Toutes celles et tous ceux qui avaient un job étudiant en plus de leurs études se trouvent pénalisés par la fermeture de nombreux établissements et l'annulation d'événements. Aussi, je tiens à saluer les initiatives locales prises par les municipalités, les universités, les Crous et les banques alimentaires, ainsi que par tant de bénévoles des associations !

Pourquoi ne pas imaginer la création d'un chèque « jeune covid-19 » pour récompenser – un peu plus que symboliquement ! – nos jeunes, compte tenu des efforts consentis au bénéfice de leurs aînés ? Nous pouvons être fiers de cette jeunesse, qui continue à faire bloc avec tant de courage, et la gratifier. Ce serait le moyen de ne pas creuser un fossé entre nos enfants et nos parents ; c'est un mécanisme de solidarité nationale que nous leur devons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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