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Débat sur la situation et le rôle de l'OTAN et sur la place de la France en son sein

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la formule-choc du Président de la République évoquant l'état de « mort cérébrale » de l'OTAN – qu'on la juge malheureuse ou non – a eu au moins le mérite d'intensifier un débat sur le rôle de l'Alliance atlantique en cours depuis plusieurs années déjà.

Créée en 1949, l'OTAN vient de fêter ses soixante-dix ans : c'est un gage de sa solidité, certes, mais reconnaissons que la multiplication des désaccords entre partenaires, en particulier entre les plus puissants d'entre eux, la fragilise.

Il faut dire que l'OTAN, pensée hier dans un monde bipolaire, à l'époque de la guerre froide, doit sans cesse s'adapter à un contexte géopolitique désormais multipolaire bien plus complexe.

L'« empire du mal », comme aimait à le désigner le président Reagan, ne s'étendait auparavant qu'à l'Est. Désormais, il est bien plus diffus et se niche partout. Comme on le sait, les menaces sont multiformes : conflits asymétriques, terrorisme, cybercriminalité...

Soyons justes, l'Alliance sait évoluer. Elle a évolué quant à la définition de ses missions, en ajoutant à celle, initiale, de défense collective une mission de « sécurité coopérative », puis de gestion de crise, et elle mène aujourd'hui une réflexion prospective sur les questions migratoires et climatiques.

Il n'en demeure pas moins que cette évolution du concept stratégique n'a de sens que si tous les États membres continuent d'avoir les mêmes attentes. Bien que la réalité géopolitique soit complexe, il importe de trouver un nouvel équilibre, devant émerger d'un dialogue constant entre ceux qui sont dans l'OTAN et ceux qui sont en dehors.

S'agissant de la Russie, notre groupe a toujours prôné le maintien d'un lien russo-occidental soutenu. Cela suppose – j'ai déjà eu l'occasion de le dire – de veiller à ce que l'élargissement de l'OTAN à l'Est ne soit pas sans limite. À cet égard, rappelons que des promesses avaient été faites à Moscou au moment de la chute du mur de Berlin, et qu'elles n'ont pas été tenues…

Qu'on le veuille ou non, la Russie est un acteur incontournable pour la maîtrise des armements conventionnels ou la résolution des crises en Syrie, en Iran ou en Ukraine. Aussi le RDSE partage-t-il la position du Président de la République, qui est d'adopter une attitude plus constructive avec la Russie.

La Chine est également au cœur de la nouvelle carte géopolitique en ce qu'elle constitue une grande puissance qui achète sans compter des terres en Afrique ou des ports dans le monde. Pékin ne se contente plus d'une influence régionale. Mais, là aussi, plutôt que de s'engager dans une logique de confrontation, il est souhaitable de privilégier le partenariat et la recherche d'un équilibre. La France, avec ses territoires ultramarins dans la zone indopacifique, peut être une puissance d'équilibre, comme l'a exprimé le Président de la République lors de la dernière conférence des ambassadeurs.

Enfin, s'agissant des pays membres de l'OTAN, j'évoquerai le cas de la Turquie, dont la capacité militaire fait un pilier de l'Alliance atlantique.

On a déploré l'acquisition par ce pays de systèmes de défense antiaérienne et antimissile S-400 auprès de la Russie, tandis que sa récente intervention contre les Kurdes en Syrie nous interpelle. Si le dialogue avec Ankara doit être ferme, n'oublions pas que les Turcs ont tempéré la crise migratoire aux frontières de l'Europe en retenant 3,6 millions de réfugiés, ce qui invite aussi à des échanges ouverts.

Parler de l'OTAN, c'est aussi débattre de la logique transactionnelle que pratiqueraient les États-Unis et que certains dénoncent ici parce qu'elle conduirait à la subordination de l'Europe.

L'abandon de souveraineté en matière de défense au profit des Américains est une réalité pour beaucoup de pays membres. La France, quant à elle, a su conserver son autonomie stratégique – c'est l'essentiel –, que garantit encore notre effort budgétaire croissant en matière de défense. Notre implication quasiment autonome au Sahel, marquée par le lourd tribut que nos forces armées ont déjà payé, suffit à le démontrer.

À mon sens, si l'on souhaite rééquilibrer la relation transatlantique, il est indispensable, comme l'ont déjà souligné les orateurs précédents, de renforcer l'Europe de la défense. Monsieur le ministre, le 6 décembre dernier, à Prague, vous avez rappelé que les deux ensembles étaient complémentaires, et non en concurrence. Sachez que mon groupe partage cette analyse.

Nous devons relever plus concrètement le défi de la défense européenne. Des progrès ont été accomplis avec les nouveaux outils que sont le Fonds européen de la défense, la coopération structurée permanente ou encore l'initiative européenne d'intervention.

Cependant, l'Union européenne est encore bien loin de pouvoir mener une action collective d'envergure de nature opérationnelle. Contrairement à l'OTAN, elle n'a pas encore su bâtir la matrice d'interopérabilité qui permet aux alliés d'agir ensemble.

Au-delà du défi de mettre en place une capacité opérationnelle, nous devons définir nos objectifs stratégiques et rappeler quels sont les intérêts à défendre, en priorité au bénéfice de l'ensemble des pays européens, qui n'ont pas tous la même perception de la menace. À force d'être focalisés sur leur voisin russe, les pays de l'Europe de l'Est semblent considérer que l'instabilité de la zone euro-méditerranéenne est avant tout la préoccupation des seuls pays riverains de la Méditerranée.

L'Europe de la défense doit incarner une puissance alternative capable de prendre ses responsabilités dans la gestion des crises qui la concernent directement, en complément de la mission de sécurité collective jusqu'alors garantie par l'OTAN.

Mes chers collègues, les turbulences que traverse l'OTAN sont le reflet de celles qui agitent le monde. L'affirmation d'intérêts divergents fragilise le multilatéralisme. C'est contre cela qu'il nous faut lutter. Même si l'OTAN est imparfaite, n'oublions pas que la solidarité militaire qu'elle a mise en œuvre nous a sans doute préservés du pire. Nul ne sait, en effet, ce qu'il serait advenu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sans cette alliance de peuples libres. (M. Alain Richard applaudit.)

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