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Proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il convient de replacer l'examen de cette proposition de loi dans le contexte très particulier de l'état d'urgence sanitaire en vigueur depuis le 17 mars, et qui doit se prolonger jusqu'au 10 juillet prochain.

La crise sanitaire du Covid-19 a révélé les carences de la couverture assurantielle des entreprises pour les pertes d'exploitation ne résultant pas d'un dommage.

En effet, comme l'ont avancé les assureurs, le risque de pertes d'exploitation n'est pas couvert par la plupart des contrats d'assurance souscrits par les entreprises, du fait de son caractère facultatif, mais aussi parce qu'il doit être rattaché à un dommage matériel comme un incendie ou un bris de machines.

Dans la crise actuelle, il est cependant naturel que les assureurs participent à l'effort de solidarité nationale. C'est en tout cas un avis largement partagé par le Président de la République, le Gouvernement, de nombreux parlementaires de toutes sensibilités et les entreprises, petites ou grandes. Cette participation est moralement d'autant plus justifiée que, du fait de la crise sanitaire et des mesures administratives de confinement prises par le Gouvernement, le niveau de sinistralité des compagnies d'assurance a fortement chuté pendant plus de deux mois pour les principaux risques de dommages.

La Fédération française de l'assurance chiffre cette économie à environ 300 millions d'euros par mois, ce qui représenterait aujourd'hui un total de l'ordre de 750 millions d'euros. Ce montant n'a pourtant fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse à ce jour, sauf bien entendu si le groupe de travail du ministère s'est penché sur le sujet, madame la secrétaire d'État. Il semble pourtant assez facile d'effectuer une estimation au moyen des déclarations de sinistres de la période.

Des chiffres portant sur les prévisions de pertes d'exploitation totales avec un certain taux de prise en charge ont été avancés. Je suis toutefois surpris que l'on ne soit pas capable de mesurer les économies réalisées par le secteur des assurances du fait des décisions gouvernementales.

Ces économies, dont le fait générateur est une décision administrative, me semblent très largement sous-estimées par les compagnies d'assurance.

L'on sait que le total annuel des indemnisations au titre des dommages s'établit à environ 40 milliards d'euros, soit 3,3 milliards par mois, dont plus de 40 % ou 45 % pour la seule assurance automobile. Faites rapidement un calcul : la circulation a diminué de 70 % à 80 % et les accidents de 60 %, selon ce que l'on a indiqué au rapporteur spécial du budget de la sécurité routière que je suis ; dans le même temps, les dommages pour les assurances auraient diminué de 20 % seulement…

Compte tenu de ces éléments, l'économie réelle est certainement de trois à cinq fois le montant annoncé par la Fédération française de l'assurance. Sous la pression, le secteur s'est engagé à verser 200 millions d'euros au Fonds national de solidarité en faveur des petites entreprises et des indépendants, une mise qui a été doublée quelques semaines plus tard pour tenter de répondre aux critiques du Gouvernement et du Parlement, en particulier du Sénat.

Je voudrais rappeler que, fin avril, lors du PLFR 2, le Sénat a voté à une très large majorité plusieurs amendements, déposés notamment par Bruno Retailleau et par moi-même, mettant à contribution le secteur des assurances à hauteur de près de 2 milliards d'euros pour abonder le Fonds de solidarité – il me semblait d'ailleurs, madame Taillé-Polian, que l'amendement du groupe socialiste, présenté par Claude Raynal, avait également été adopté.

Ces dispositions n'ont pas été retenues en CMP, dans l'attente d'un éventuel accord plus structurel et consensuel entre le Gouvernement et la Fédération française de l'assurance.

Ce feuilleton, qui ne me semble pas encore définitivement clos, me laisse perplexe, surtout lorsqu'une grande organisation professionnelle revendique un effort de 3,2 milliards d'euros, additionnant ce qui ressemble, dirais-je, à des choux et des pamplemousses, c'est-à-dire des dotations de nature totalement différente – Fonds de solidarité, investissements en quasi-fonds propres dans certains secteurs, reports d'échéance, remises commerciales, etc. On a même dit à certains assurés que, s'ils renonçaient à la proposition commerciale qui leur était faite, les sommes économisées iraient alimenter le Fonds de solidarité…

Si l'on ajoute à cela les divergences apparues entre différentes compagnies, on ne peut pas dire que le secteur de l'assurance ait fait preuve d'une grande transparence. On est plutôt dans le clair-obscur. Cette situation, que l'on peut déplorer, a été un élément de motivation important pour l'émergence de cette proposition de loi, tout comme elle explique les délais dans lesquels nous sommes amenés à l'examiner.

Avec mes collègues du groupe RDSE, j'adhère à cette démarche : à défaut d'être parfaite à ce stade, elle a le mérite de bien cadrer la couverture des besoins assurantiels face à une crise sanitaire d'envergure et de proposer des solutions relativement simples, comme son caractère obligatoire et son rattachement à la couverture du risque incendie.

Je pense que nous pouvons encore améliorer ce texte en prenant en compte certains amendements.

Même si je n'ai pas déposé d'amendements pour ma part, je regrette en effet que la commission ait retenu comme critère de déclenchement une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 %. Outre qu'il faudrait par ailleurs le corriger des variations d'encours ou de stocks de produits finis, le chiffre d'affaires est un critère plus ou moins pertinent suivant la nature et l'activité des entreprises.

Rapprocher ce dispositif du critère d'éligibilité au Fonds de solidarité ne me paraît pas justifié, car, dans ce dernier cas, il s'agissait d'une subvention d'un montant forfaitaire limitée, plutôt destinée à faire passer un cap difficile aux petites entreprises en termes de trésorerie.

Et je vous fais grâce, mes chers collègues, des effets de seuil ! Un entrepreneur qui perd 45 % de son chiffre d'affaires n'aura rien, même s'il perd 60 % de marges, alors que celui qui perd 55 % de chiffre d'affaires, mais qui ne perd que 35 % de marges, aura droit au dispositif. Il faudrait tout de même prendre en compte ces effets pervers.

Je préférerais qu'on revienne à des critères de marges ou de résultat brut d'exploitation, quitte à rétablir une franchise proportionnelle acceptable. Cette option aurait par ailleurs le mérite d'être plus conforme aux approches habituelles des compagnies d'assurance en termes de couverture des pertes d'exploitation.

Examinant ce texte dans une certaine urgence, nous n'avons pas, à mon sens, suffisamment de recul sur la crise économique qui s'annonce, notamment son impact sur les pertes d'exploitation effectives des entreprises.

Sur le principe, nous approuverons toutefois cette proposition de loi, en remerciant ses auteurs de leur initiative et en espérant que la navette parlementaire et la poursuite du dialogue avec les différentes parties prenantes permettront de la compléter et de l'améliorer.

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