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Proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)

 

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, nous faisons face à une explosion du racisme et de l'antisémitisme en ligne. Aussi, l'objectif de cette proposition de loi est partagé sur l'ensemble de nos travées. Il était important d'agir face au déferlement de haine !

Cette avalanche de haine est d'autant plus méprisable qu'elle se fait souvent sous le sceau d'un relatif anonymat, qu'une enquête approfondie finit bien souvent par trahir.

Pour en venir à la proposition de loi, la version issue des travaux de l'Assemblée nationale posait à mon sens un certain nombre de difficultés.

La création d'un délit de non-retrait des contenus odieux dans un délai de 24 heures, à l'article 1er, constituait la principale de ces difficultés.

L'instauration d'un tel délit aurait comme première conséquence de confier la censure sur le web à des géants de l'internet mettant déjà à mal la souveraineté des États.

Ces géants auraient été d'autant plus confortés que le texte initial prévoyait de sanctionner en fonction du nombre de connexions, lequel ne détermine en rien les moyens d'une plateforme.

C'est simple, on aurait sanctionné de la même manière Facebook, ayant une véritable portée commerciale, et Wikipédia, qui n'a aucune vocation commerciale et dont la communauté régule déjà les contenus.

L'autre interrogation posée par l'article 1er est celle des notifications abusives, déjà évoquées. Les premières remontées des pratiques actuelles en Allemagne sont de nature à alerter, avec des plateformes sur-censurant des contenus parfaitement licites, de peur d'être sanctionnées.

Le problème soulevé par ce délai, enfin, est qu'il mettait tous les propos haineux au même niveau, empêchant ainsi toute possibilité de s'attaquer, d'abord, aux atteintes jugées les plus lourdes.

Tous ces éléments rendaient cette disposition inapplicable. C'est pourquoi je me réjouis de sa suppression par le rapporteur.

S'agissant des opérateurs concernés, je salue l'exclusion des moteurs de recherche du champ d'application de la loi. La possibilité que des sites de plus petite ampleur puissent être sanctionnés grâce au critère de viralité mis en place est intéressante, mais les critères de choix énoncés sont trop vagues et laissent une trop grande place à la libre appréciation du CSA.

La proportionnalité des moyens selon la taille des plateformes est également une bonne réponse apportée aux critiques formulées par la commission sur la nécessaire hétérogénéité des modèles de plateformes.

Quant aux pouvoirs de régulation et de sanction attribués au CSA, le rôle du Conseil relatif à la diffusion de lignes directrices et de bonnes pratiques doit être central pour permettre une mise en œuvre la plus simple possible de la future loi.

J'en reviens à la lutte contre la viralité. Là encore, le CSA aura un rôle majeur à jouer. Les prérogatives qui lui ont été données pour désactiver de manière rapide certains canaux de rediffusion vont aussi dans le bon sens, mais cette montée en gamme pose un problème : celui du financement.

Une fois de plus, on va faire supporter davantage de prérogatives et d'obligations à un organisme sans augmenter considérablement ses moyens. Donnons au CSA les moyens de ses ambitions !

Le même raisonnement s'applique pour l'éducation nationale : on lui assigne aujourd'hui des nouvelles missions de sensibilisation auprès des élèves, mais, sans moyens importants, la promesse est vaine.

Dans la lutte contre la haine en ligne, le principal défi sera celui de l'interopérabilité des grandes plateformes. Derrière ce mot complexe, se cache simplement la possibilité de mise en place de protocoles communs, permettant la communication entre logiciels.

L'objectif à terme est d'arriver à faire sortir certains citoyens de leur dépendance à des sites web donnés, par exemple Facebook, en faisant en sorte qu'ils soient aussi en contact avec des utilisateurs d'autres sites – Twitter, WhatsApp, Instagram, etc.

Une plus grande interopérabilité, c'est un moyen sans pareil de sortir les utilisateurs de certains usages nocifs des réseaux sociaux et de les éloigner de pratiques souvent peu respectueuses de la vie privée et de la protection des données personnelles.

Dans ce domaine, le texte permet quelques avancées, hélas insuffisantes pour bouleverser les équilibres établis par les géants du net.

L'obligation de transposition de la directive, dite SMA, sur les services médias audiovisuels, l'attente d'un règlement européen sur les contenus terroristes, ou encore le Digital Services Act nous prouvent que, en termes de législation sur les contenus haineux, il est plus que jamais urgent d'attendre.

Néanmoins, les élus du groupe du RDSE voteront en faveur de ce texte, et ce même si nous sommes conscients de ses limites et de l'effectivité somme toute relative des aménagements qu'il propose. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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