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Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est particulièrement chanceux d'avoir pu examiner le premier ce projet de loi, qui engage pour quelques décennies notre souveraineté énergétique, nos engagements de développement durable, mais aussi, car il convient d'être pragmatique, la vie quotidienne de nos administrés.

 

Comme vous le savez, le groupe RDSE apprécie, plus que tout, le débat, ainsi que les propos nuancés, et ce d'autant plus quand ils concernent le nucléaire.

Le débat qui nous anime aujourd'hui n'est d'ailleurs pas d'être pour ou contre la relance de notre filière nucléaire. Je le rappelle, le Sénat s'est déjà positionné sur ce point en votant en mai dernier, avec une large majorité, la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Il s'agit bien ici de la réforme de notre système de sûreté nucléaire. Ce système, dans sa configuration actuelle, duale, a acquis une reconnaissance nationale et internationale. Il agit en toute indépendance, transparence et impartialité, au service de l'intérêt général, et bénéficie de la confiance de nos concitoyens, pierre angulaire de l'acceptabilité sociale du nucléaire.

Cette transparence n'était pourtant pas tout à fait au rendez-vous quand, il y a tout juste un an, il a été proposé au sein du conseil de politique nucléaire, puis glissé dans un amendement à l'Assemblée nationale, de faire adopter cette réforme. Je suis heureux que le Parlement ait pu ainsi reprendre sa place, au côté de l'exécutif.

Car, si la relance historique de notre filière nucléaire exige de nous que nous repensions et adaptions l'organisation de notre sûreté nucléaire, les débats qu'elle suscite sont essentiels puisque, rappelons-le, faire la démonstration de la sûreté d'un système, c'est aussi le confronter au doute.

Nous comprenons l'ambition, l'intention, la volonté portées par cette réforme, dans un contexte où le nombre de dossiers à traiter sera appelé à croître de façon inédite.

Néanmoins, je dois avouer que j'ai eu bien du mal, et beaucoup de mes collègues avec moi, à me forger une conviction solide quant à la pertinence du projet de loi qui nous est soumis. Force est de reconnaître que beaucoup de questions demeurent, après analyse du texte, malgré le travail exigeant en commission ; le débat n'est sans doute pas clos, notamment sur le plan budgétaire.

Je souhaite vivement que nous gardions en tête l'objectif de ne pas ébranler un système qui, par sa dualité et sa fiabilité, a tissé un véritable lien de confiance avec les Français, condition sine qua non pour que cette relance historique de la filière se fasse de manière optimale.

À ce titre, il faut louer les travaux effectués par le Sénat, qui s'est efforcé d'ériger les garde-fous nécessaires au manque de transparence, en mettant en place les conditions d'une séparation nécessaire entre experts et décideurs. C'est un apport législatif majeur dont je salue la pertinence.

Nous avons atteint aujourd'hui une position d'équilibre, préservant la fluidité, l'optimisation et l'efficience des processus décisionnels – c'était l'objectif de cette fusion –, tout en garantissant la confrontation des doutes indispensables à la sûreté.

Toutefois, comme l'a rappelé mon collègue Raphaël Daubet lors de la discussion générale, le risque perdure, malgré l'engagement sincère des sénateurs, de créer tout simplement un nouveau système bicéphale au sein d'une entité fusionnée, recréant ainsi les risques de paralysie que cette réforme voulait outrepasser.

À rechercher un équilibre parfait entre, d'une part, l'amélioration de l'efficience des procédures et, d'autre part, le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau d'exigence et de transparence le plus élevé possible, cette fusion prend le risque d'entraîner une désorganisation du fonctionnement de deux organismes qui ont appris au fil des années à travailler en bonne intelligence.

Il existe, nous le savons, quelques alternatives à la nécessité de refonte de la gouvernance de notre sûreté nucléaire. Je pense ici à une augmentation substantielle des ressources de l'IRSN et de l'ASN pour garantir leur soutenabilité sur le long terme, à la poursuite de l'effort d'augmentation des moyens humains pour ces deux entités, tout en revoyant leurs politiques de ressources humaines afin de renforcer l'attractivité de leurs métiers. Sans doute pouvons-nous aller plus loin, notamment par un engagement budgétaire constant. Nous y serons attentifs.

À l'inverse, avec la fusion, nous attendons des réponses quant à la perte du statut d'établissement public industriel et commercial (Épic) de l'IRSN, qui complexifiera l'obtention des financements issus des partenariats autorisés par ce statut, voire en privera la recherche en sûreté nucléaire.

Quid du problème de sous-traitance de la part des exploitants, qui engage la problématique de la sûreté nucléaire dans sa globalité ? L'ASN s'est déjà fendue d'un rapport très critique vis-à-vis d'EDF dans lequel elle a estimé que l'électricien public ne fait pas respecter les standards de construction de « haute qualité » par ses sous-traitants.

Nous entendons bien les partisans de la simplification et de l'efficacité ; leurs remarques, dans un contexte exceptionnel, ont du sens. Toutefois la mise en place d'une nouvelle architecture plus incertaine du contrôle de la sûreté nucléaire ne doit pas entraîner un bouleversement synonyme de perte de confiance de nos concitoyens.

Mes chers, collègues, il ne s'agit pas ici de réduire le nombre de normes applicables aux haies, mais il s'agit bien de sûreté nucléaire.

Si nous nous rejoignons pleinement quant à la nécessaire évolution de notre système, nous n'avons toutefois pas l'assurance que la réponse apportée par la fusion soit la plus appropriée, qui plus est dans ce contexte d'urgence, avec la perspective d'un prochain EPR en 2035, alors que le travail d'intégration administratif peut perdurer quelques années.

Le nucléaire a un rôle clé à jouer dans notre politique énergétique, au même titre que la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Or notre mix énergétique doit répondre aux exigences d'une énergie décarbonée, pilotable, disponible et sûre.

Si le RDSE, vigilant, verra ses votes s'exprimer de manière hétérogène, soyez assuré, monsieur le ministre, qu'ils seront sous-tendus par la volonté commune d'une sûreté nucléaire renforcée, indépendante et transparente, et ce quelle qu'en soit son organisation, en vue d'affronter ce contexte hors norme lié à la relance de notre filière nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe INDEP.)

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