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Proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conciliation du droit de grève et des autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte suscite régulièrement des débats nourris et passionnels. Cela étant, son exercice fait face à de nouveaux défis, qu'il s'agisse d'atténuer l'impact nuisible des grèves – c'est précisément ce que l'on nous propose aujourd'hui – ou de mieux asseoir la légitimité de l'action syndicale.

Le droit de grève constitue un mode légal d'expression des conflits sociaux. En ce sens, sa réglementation engage le choix d'un modèle d'État social.

S'il en résulte des particularismes, son affirmation comme droit de l'homme et droit constitutionnel n'a fait que s'atténuer, notamment sous l'influence d'une interprétation extensive de l'intérêt général et de considérations d'ordre public.

Notre rôle, en tant que législateur, est de garantir le respect des droits d'action collective des travailleurs sans faire obstacle aux nécessaires évolutions de leur régime pour accompagner les mutations du monde économique. Il nous revient, en définitive, d'assurer l'efficacité de ces droits.

Pourtant, la nature particulière du droit de grève, que consacre le septième alinéa du préambule de 1946, fait spontanément penser à la définition de ce droit comme pouvoir de nuisance qui « vient contrarier, bousculer, contredire les autres droits ».

Les auteurs de cette proposition de loi prétendent concilier le droit de grève et les autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte : là est toute l'ambiguïté de ce texte. En effet, en réduisant les nuisances qu'elles provoquent, on risque fort de mettre à mal les grèves dans leur principe même.

Ces mesures, avant tout épidermiques, manquent selon moi de proportionnalité. Il me semble plus raisonnable de laisser de côté l'affichage politique pour rechercher une position d'équilibre à même de concilier le droit de grève et les autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte. On ne saurait évidemment pas envisager la suppression pure et simple de l'exercice de ce droit, quand bien même elle serait circonscrite à certaines périodes. Pour les élus du groupe RDSE, il s'agit là d'une ligne rouge.

Mes chers collègues, la grève représente un moment particulier du dialogue social. Elle est décidée en dernier ressort, en cas de rupture des négociations. Voter ce texte, c'est retirer aux salariés d'importants outils ; c'est les empêcher de peser dans la négociation collective.

Si les outils des uns sont disproportionnés par rapport à ceux des autres, le système s'effondre. On peut aboutir à des dérives, notamment à des détournements de l'exercice du droit de grève, que ce texte cherche justement à encadrer.

Nous sommes également conscients que la grève doit rester un droit collectif et revendicatif, non un droit détourné à titre personnel ou catégoriel.

Le droit de grève est bel et bien reconnu ; mais le législateur n'en a pas moins le pouvoir d'y apporter les limitations nécessaires afin d'assurer la continuité du service public, qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe à valeur constitutionnelle.

En ce sens, cette proposition de loi a au moins ce mérite : elle donne un début de réponse aux contournements du dialogue social que trahissent les recours abusifs aux préavis dormants et aux grèves dites de 59 minutes. Les désordres que ces grèves infligent à la marche du service public sont manifestes et disproportionnés.

Préserver l'exercice licite du droit de grève doit être notre priorité, dans un contexte marqué par de grandes mutations. Ces dernières sont non seulement techniques, mais aussi socioéconomiques. En parallèle, nous devons faire face à une conflictualité sous-jacente : à mon sens, ces facteurs sont plus décisifs que la nature même du droit de grève.

En tant que législateurs, nous devons veiller à ce que ce droit soit entouré de toutes les garanties inhérentes à son inscription dans notre texte fondamental, sans perdre de vue cette possibilité que le constituant nous a attribuée : faire évoluer sa mise en œuvre en fonction des mutations socio-économiques.

Ce travail passera par un dialogue social renforcé, peut-être même plus en amont encore, et par une meilleure application des textes existants, mais certainement pas par la suppression, même transitoire, de ce droit constitutionnel.

En ce sens, nous devons promouvoir la négociation en lui accordant le temps qu'elle exige ; cette négociation est, selon moi, un élément clef de consensus dans notre paysage national, réputé très conflictuel.

Optons pour un modèle de régulation sociale sans atteinte disproportionnée à nos droits constitutionnels. Ne soufflons pas sur les braises du mécontentement, dans un contexte social tendu, à la veille des jeux Olympiques et Paralympiques. Rouvrir le débat législatif sur l'exercice du droit de grève sans concertation préalable avec les partenaires sociaux, sans étude d'impact, ne serait-ce pas émettre un signal fort, préfigurant l'encadrement encore plus strict du droit de grève ?

Les élus du groupe RDSE en restent convaincus : le défi, en la matière, est de trouver de nouvelles formes d'expression de l'action collective des travailleurs. Ces dernières doivent être respectueuses des droits d'autrui et préserver leur efficacité. Or la suppression du droit de grève n'est pas de nature à concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte.

Les membres du groupe RDSE voteront à une large majorité contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

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