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Débat d'actualité sur le thème : « Impacts économique, social et politique de l'intelligence artificielle générative »

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de ChatGPT à Midjourney en passant par DeepMind, l'intelligence artificielle a franchi des étapes inimaginables il y a encore quelques années, une évolution qui suscite à la fois intérêt et inquiétudes.

Intérêt, car l'intelligence artificielle dite « générative » – celle qui nous intéresse aujourd'hui – est une nouvelle révolution industrielle, porteuse d'innovations à venir tant pour les biens que pour les services.

Inquiétudes, car son mode de fonctionnement est de prendre ses propres décisions indépendamment de l'homme. Dit ainsi, cela peut faire peur. À force de progrès, dans quel univers allons-nous basculer ? Sera-ce celui dépeint par Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, où technologie et humanité se fondent ?

Nous n'en sommes pas là, heureusement, mais n'attendons pas que certains des enjeux de l'intelligence artificielle soient hors de contrôle. Au moment où nous parlons, je ne pense pas que la question soit encore celle de savoir si cette technologie est souhaitable ou non. Elle est déjà à l'œuvre, et les investisseurs s'y engouffrent avec allégresse. Par conséquent, nous en sommes plutôt à savoir comment l'encadrer, afin de ne pas la subir.

L'éthique est un des premiers enjeux de l'intelligence artificielle générative. Par exemple, doit-on permettre ses usages pour des prescriptions médicales, des fonctions d'encadrement du travail, ou encore des programmes de surveillance ? Ce dernier point me conduit à celui de la protection des données personnelles.

Tout d'abord, on doit se réjouir que deux plaintes aient été récemment déposées en France auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Cnil, par deux spécialistes de la protection des données personnelles.

Ensuite, faisons confiance à l'Union européenne, qui travaille aussi sur ce sujet au travers de l'Artificial Intelligence Act.

Bien entendu, on sait que la mise en place d'un cadre réglementaire va prendre du temps, alors que le caractère exponentiel de cette technologie lui est presque intrinsèque. L'Italie a purement et simplement interdit ChatGPT. Quelle est aujourd'hui votre position, monsieur le ministre, sur le principe d'un moratoire ?

À une autre échelle que celle des pays, on observe également que des institutions se mobilisent. Je pense par exemple à l'interdiction par Sciences Po d'utiliser le robot conversationnel d'OpenAI en dehors d'un encadrement pédagogique.

En effet, l'une des grandes craintes suscitées par cette technologie est l'appauvrissement des cerveaux, dans la mesure où l'intelligence artificielle générative inviterait à la paresse de l'esprit critique et de l'effort de construction intellectuelle. Une vaste réflexion menée au sein de l'éducation nationale pourrait permettre d'en circonscrire l'usage, au moins durant le temps scolaire. Il faut en tout cas rapidement s'intéresser à cet enjeu.

Le RDSE, attaché à l'esprit des Lumières, souhaite que la question des sources soit également bien appréhendée vis-à-vis de cette technologie, qui peut alimenter contre-vérités et mauvaises informations. Dans nos sociétés démocratiques, le rapport à la vérité est essentiel. On le sait, il doit absolument être maîtrisé, ce qui est complexe quand on ne connaît pas le cheminement de l'intelligence artificielle générative dans la confrontation des sources.

Enfin, je n'oublie pas une autre question cruciale : l'intelligence artificielle peut-elle être une réponse à la pénurie de compétences dans certains secteurs, ou est-ce au contraire une terrible promesse de destruction d'emplois ?

Les avis des experts sont partagés. Selon certains, près de 46 % des tâches administratives et 44 % des emplois juridiques seraient susceptibles d'être automatisés. D'autres études affirment que les développements de l'intelligence artificielle créeraient de nouveaux métiers en compensation de ces pertes, ne serait-ce que pour accompagner le développement de cette technologie et ses impacts.

Au fond, la question est celle-ci : comment partager équitablement les gains de productivité ? On se demande aussi ce que cette innovation peut offrir à la société : une nouvelle organisation du travail, par exemple une semaine de quatre jours ? Il faut en tout cas se préparer à une évolution des emplois, le plus important étant d'éviter leur précarisation, cette ubérisation que l'on a pu regretter dans certains secteurs.

Aussi, monsieur le ministre, il revient à la puissance publique de s'engager fermement sur ce chantier, afin de rappeler que tout n'est pas permis à l'intelligence artificielle et que sa vocation devrait être de supprimer des tâches et non des métiers.

En attendant, mon groupe ne souhaite pas verser dans la technophobie, sous réserve que l'humanisme reste la valeur centrale du progrès.

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