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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 juin 2021

 

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, depuis quelques semaines, un peu partout en Europe, les États membre sont entrés dans une nouvelle ère, celle du possible retour à une vie normale. Un temps critiquée pour son démarrage plutôt lent, il faut aujourd'hui reconnaître que la stratégie européenne de vaccination ne fonctionne pas si mal.

Nous devons néanmoins rester vigilants au regard de la situation mondiale. Il suffit d'observer les difficultés sanitaires en Asie, une région auréolée, hier, pour sa gestion de la pandémie. Une fois de plus, l'ampleur de cette pandémie invite à l'humilité et à une certaine retenue dans la critique des politiques publiques en la matière.

Dans ces conditions, comment aborder l'avenir ? La Commission européenne a proposé de réviser la recommandation encadrant les restrictions des déplacements non essentiels dans l'Union européenne. C'est une bonne chose ; on ne peut que partager cette orientation, qui s'inscrit dans la logique de l'accord interinstitutionnel trouvé sur le certificat covid numérique de l'Union européenne.

Le groupe du RDSE a déjà eu l'occasion d'affirmer son soutien à ce certificat, sous réserve que celui-ci ne constitue ni un outil discriminatoire ni un billet pour la captation des données personnelles.

Notre salut dépend aussi de la situation vaccinale dans les autres continents. La pandémie ne sera terminée qu'après la vaccination d'au moins 70 % de la population mondiale. Il faut souligner l'effort de solidarité qu'a consenti l'Europe, dont près de 40 % de la production de doses a été exportée pour contribuer à la lutte contre la pandémie.

Je citerai toutefois un autre chiffre : seuls 2,1 % des Africains ont reçu au moins une dose. À l'évidence, c'est bien trop peu. À moins que la levée des brevets apparaisse comme l'alternative au partage des doses ? On entend bien souvent au sein du Gouvernement que cette question ne serait pas taboue, mais cette sémantique n'est pas tout à fait une approbation claire. Monsieur le secrétaire d'État, qu'en est-il exactement de la position française ?

Vendredi dernier, la Commission européenne semble avoir fait un petit pas en proposant d'utiliser les flexibilités de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, les fameuses licences obligatoires. L'Europe apparaît toutefois de plus en plus isolée face à la demande de levée pure et simple des brevets.

Mes chers collègues, bien que la situation sanitaire ne soit pas stabilisée, il faut préparer le monde d'après, celui du retour à une croissance économique durable. Dans cette perspective, notre pays pourra abonder son plan national pour la reprise et la résilience grâce aux fonds européens qui seront très vite débloqués.

Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, la Commission veillera à ce que la France engage un certain nombre de réformes structurelles. Quelles sont les réformes qui entreraient dans le champ des exigences européennes ?

Dans notre plan national, il est par exemple question d'encourager la solidarité entre les générations. La réforme des retraites pourrait-elle faire partie des projets à court terme ? Cette réforme semble revenir dans le débat public. Est-ce vraiment le moment, alors que la cohésion nationale doit être préservée à tout prix ?

La Commission exige également que nos politiques investissent six domaines d'action, dont celui de la transition écologique. Je m'inquiète toutefois d'une petite contradiction : alors qu'il est, à juste titre, exigé de verdir notre économie, dans le même temps, certaines mesures de la PAC vont à l'encontre d'un développement durable. Je citerai un seul exemple : les aides au maintien du secteur de production biologique sont menacées, alors que l'objectif de 15 % de surfaces cultivées en bio ne sera probablement pas atteint l'année prochaine.

J'ai eu l'occasion de le rappeler la semaine dernière lors du débat sur le Pacte vert : le verdissement de l'agriculture est non négociable.

Dans ce monde d'après, le nécessaire retour à une plus grande autonomie industrielle au sein de l'Union européenne alimente également les discussions. Le groupe du RDSE partage fortement cet objectif. Dans cette perspective, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, la France a souvent défendu la lutte anti-dumping. L'instauration d'un taux mondial d'imposition minimum des sociétés est donc une bonne nouvelle, mais le taux de 15 % sera-t-il suffisant pour instaurer une concurrence plus équitable ? Probablement pas !

Enfin, le débat sur le remboursement de la dette commence à émerger chez les partisans de l'orthodoxie budgétaire. Le pacte de stabilité et de croissance est suspendu, et c'est une bonne chose que son rétablissement ne soit pas prévu au moins avant 2023. Il faudra de toute façon rediscuter des règles au regard des lignes que la pandémie a permis de franchir dans le domaine budgétaire.

À mon sens, la question serait plutôt : ne faudrait-il pas un second plan de relance, comme le défend le commissaire à l'économie Paolo Gentiloni ? Le Président de la République a évoqué la possibilité de défendre un nouveau plan d'investissements massifs. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez suggéré la création d'une capacité d'investissement commune. Comment ce plan s'articulerait-il avec la nouvelle stratégie industrielle que propose la Commission ?

Par ailleurs, l'Europe ne devrait-elle pas profiter de l'élan impulsé en matière économique pour relancer l'Union pour la Méditerranée ? L'intégration régionale que promeut cet accord est trop lente, alors que les pays d'Afrique du Nord rencontrent de véritables difficultés économiques. L'Europe a tout intérêt à soigner cette zone au regard des défis migratoires qu'elle impose aux frontières extérieures de l'Europe.

Nous l'avons encore tristement constaté récemment, avec les images bouleversantes de Ceuta.

Si le Maroc et la Turquie ont les mains libres pour exercer sans état d'âme un chantage migratoire, n'est-ce pas aussi parce que l'Europe n'a pas suffisamment consolidé sa politique migratoire ? La politique européenne d'externalisation, qui revient à déléguer le contrôle de ses frontières, trouve ici ses limites. L'augmentation des moyens de Frontex n'est pas non plus une réponse suffisante, d'autant que la Cour des comptes européenne vient de dresser un tableau sévère du fonctionnement de l'agence.

Il faudra rapidement trouver des mécanismes permanents et solidaires de régulation conformes à la tradition d'accueil de l'Union européenne, ce que le pacte sur les migrations en discussion ne promet pas complètement.

M. le ministre des affaires étrangères a évoqué ici, il y a quelques semaines, lors de l'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la « diplomatie des valeurs » menée par la France. On ne peut qu'encourager notre pays à exercer une telle diplomatie pour peser dans le sens d'un monde plus solidaire à tous les niveaux : sanitaire, économique et humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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