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Débat sur le thème : quelle doctrine d'emploi de la police et de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l'ordre ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

 

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur l'initiative de nos collègues du groupe CRCE, que je remercie, nous débattons aujourd'hui d'un sujet très médiatisé, en particulier depuis que s'est développé l'usage des LBD, suivi de leur remise en cause. Cette médiatisation a même dépassé nos frontières, puisque le Parlement européen a adopté, le 14 février 2019, une résolution rappelant l'importance d'un recours proportionné à la force.

Il s'agit pourtant d'un sujet sur lequel le législateur n'a, en réalité, que peu de prise. De fait, en matière policière comme militaire, les conditions d'emploi de la force ont toujours relevé du domaine réglementaire, plus précisément d'une doctrine – mot qui figure dans l'intitulé de ce débat –, susceptible d'évoluer dans le temps, en fonction de la modernisation des équipements ou par nécessité d'adaptation rapide aux menaces.

Il est ainsi utile de rappeler que le code de déontologie applicable aux forces de l'ordre, conformément à l'article L. 434-1 du code de sécurité intérieure, est établi par décret en Conseil d'État, donc au niveau infralégislatif. Par ailleurs, la doctrine de maintien de l'ordre est définie par les directions générales, sous l'autorité du ministère de l'intérieur.

Il revient au juge de veiller à ce que cette doctrine respecte les principes fixés par la loi, notamment les règles énoncées à l'article L. 435-1 du code de sécurité intérieure en ce qui concerne l'usage des armes : « Dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent […] faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée. »

S'agissant spécifiquement du maintien de l'ordre, le même article prévoit, dans son 2°, que l'usage des armes ne peut intervenir, pour la défense des lieux occupés par les forces de l'ordre ou des personnes qui leur sont confiées, qu'après deux sommations faites à haute voix. Saisi par un manifestant s'estimant victime de violences, le juge s'assurera que l'ensemble de ces conditions étaient réunies au moment de l'usage de la force dans le cadre d'une manifestation.

Depuis quelques années, on constate une multiplication des recours devant le juge judiciaire pour violence avec arme. Certains regrettent qu'ils aient donné lieu à peu de condamnations et mettent en cause le rôle de l'IGPN.

Pour notre part, nous n'oublions pas l'extrême difficulté de la tâche assignée à nos forces de l'ordre : sans que cela excuse aucun comportement fautif, elles doivent faire face à une violence de plus en plus banalisée, continue et provocatrice.

C'est dans ce contexte que le juge administratif également est de plus en plus saisi, aux fins de rechercher une responsabilité administrative pouvant remonter des agents de maintien de l'ordre jusqu'au préfet, voire au ministre de l'intérieur – avec, chaque fois, la nécessité de traiter de la question complexe de la proportionnalité.

Dans ces conditions, a-t-on intérêt à renforcer l'encadrement législatif des doctrines de maintien de l'ordre ? Je ne le crois pas.

Il est toujours difficile pour le législateur de se projeter dans la situation d'un fonctionnaire chargé de maintenir l'ordre ou d'assurer la sécurité. Sur le terrain, la subjectivité prend le dessus, la rapidité des événements également.

J'ai souvenir des débats qui nous ont longuement tenus en éveil après les attentats de 2015, tant il était difficile de trouver les mots pour permettre aux forces de l'ordre d'intervenir en cas de périple meurtrier sans exposer nos concitoyens à des risques de bavures. Face aux raidissements – c'est un euphémisme... – observés des deux côtés et à l'influence croissante des Black Blocs parmi les manifestants, nous avions proposé des solutions vidéo pour tenter, en objectivant les rapports de force, de sortir des subjectivités qui opposent agents du maintien de l'ordre et manifestants.

À ceux qui doutent de l'existence de grands hommes d'État au sein de nos forces de l'ordre, je rappellerai les directives données par le préfet de police Maurice Grimaud, le 29 mai 1968, aux agents placés sous sa responsabilité : « Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu'une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n'a pas de limites. »

Très attaché à la liberté de manifester, notre groupe est tout autant un défenseur de l'ordre républicain. (M. Daniel Chasseing opine.) Nous considérons que la désescalade doit aujourd'hui venir de ceux qui, parmi les manifestants, remettent en cause la légitimité du monopole de la violence exercé par l'État. Étant entendu que, bien évidemment, les abus de pouvoir doivent être examinés par le juge au cas par cas, dans le cadre des voies de recours ouvertes à ceux qui s'en estiment victimes.

C'est ainsi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que régneront dans notre pays l'ordre républicain et l'État de droit, auxquels nous sommes tous attachés ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants.)

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