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Débat sur sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l'heure de la relance ? »

 

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le ministre, chaque crise majeure que traverse notre société nous conduit à repenser l'efficacité de l'État. À cet égard, les Lettres sur la réforme gouvernementale de Léon Blum en 1918 sont sans nul doute un exemple des plus significatifs.

La catastrophe sanitaire que nous traversons et la crise économique et sociale que nous devrons surmonter au cours des prochaines années n'échappent pas à la règle. La crise agit en effet comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, supportables par le passé, anachroniques aujourd'hui, mais aussi de solutions qui s'imposent à nous et méritent d'être pérennisées.

Souvenons-nous, mes chers collègues, au mois de mai 2020, au sortir du premier confinement, le Président de la République, comme le Premier ministre, identifiait un couple maire-préfet de département, capable non seulement d'assurer de concert la scolarisation des enfants de soignants, de fournir des masques, d'organiser une aide concrète pour les citoyens isolés, mais aussi de prendre part à des décisions locales de confinement et de couvre-feu.

Ce binôme s'est imposé par temps d'urgence comme un outil plus opérationnel, attestant d'une décentralisation et d'une déconcentration de fait.

Monsieur le ministre, au quotidien, c'est bien au maire et aux conseillers départementaux que les concitoyens s'adressent pour obtenir des réponses concrètes, de même que c'est le préfet que les élus interrogent pour obtenir des réponses et prendre les décisions locales qui s'imposent. À l'instar des élus, le préfet est un interlocuteur naturel, fin connaisseur des territoires, des leviers et des difficultés de proximité.

Plus encore, le couple maire-préfet contribue, par ses réponses à nos concitoyens, à faire accepter, bon an mal an, des mesures de restriction sanitaires.

Aussi, nous pensons qu'il est désormais temps que cette décentralisation de fait puisse être pleinement légitimée et, de ce fait, améliorée, généralisée ou adaptée à l'ensemble de nos territoires. Notre droit est-il à la hauteur de cette décentralisation ?

Chacun ici a en mémoire l'article 72 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

Si, comme le Président de la République l'a déclaré, nous sommes en état de guerre sanitaire, alors les intérêts nationaux commandent bien la mobilisation supplémentaire et élargie des préfets de département. Toutefois, les capitaines, si près du front, sont parfois loin des états-majors.

M. Jean-Claude Requier. C'est vrai !

M. Jean-Yves Roux. Si, compte tenu de notre organisation territoriale, le préfet de département a partagé ses compétences avec le préfet de région, il a, en corollaire, trop souvent perdu la connaissance de l'ensemble des décisions de l'administration déconcentrée, d'autant que, il faut le dire, de puissantes administrations centrales – je pense à l'éducation nationale – échappent encore à une réelle déconcentration.

Mes chers collègues, avez-vous tenté d'interroger votre préfet sur des décisions de l'agence régionale de santé (ARS) ? Avez-vous fait de même avec vos rectorats, vos directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), afin d'adapter aussi vite vos politiques locales en conséquence ?

Concrètement, l'ARS, pour ne prendre que cet exemple, ne peut pas répondre, au cœur de notre crise sanitaire, à chacun des élus mobilisés aux quatre coins de régions gigantesques et forcément disparates. Le préfet, lui, le peut.

Pour cela, nous disposons également d'un outil réglementaire quelque peu oublié, mais qui porte en germe tout un champ de possibilités, en donnant corps à un trio opérationnel : le maire, le préfet et le conseiller départemental.

Sans préjudice des dispositions du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration permet en effet au préfet de région de « proposer au Premier ministre une modification des règles d'organisation des services déconcentrés et de répartition des missions entre ces services, pour s'adapter aux spécificités du territoire dont il a la charge ».

Plus encore, la conférence nationale de l'administration territoriale de l'État, qui, je dois le rappeler, œuvre tout à fait séparément des élus de terrain, a pour sa part toute légitimité pour « proposer au Premier ministre tout projet de modification législative ou réglementaire nécessaire à la modernisation et à l'efficacité de l'administration territoriale de l'État. » Faisons-le, nous y sommes prêts !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous allez me répondre que le projet de loi 4D – pour décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification – arrive et que l'on peut attendre que la décentralisation de fait devienne une décentralisation de droit. Nous y veillerons bien sûr, mais nous savons que le temps de la loi est long, celui des décrets aussi. Quant aux changements culturels, ne nous ont-ils pas déjà précédés ?

Aussi, monsieur le ministre, nous pensons utile de proposer une approche inédite, de procéder dès à présent à des expérimentations préalablement au vote du projet de loi 4D, afin que le préfet du département soit, au moins dans les départements les plus ruraux, l'interlocuteur décisionnaire auprès des maires et des conseils départementaux et qu'il puisse, de la même manière, s'appuyer sur le maillage des sous-préfectures. Nul doute que vous trouverez ici des candidats et des partenaires pour y parvenir.

Pour cela, nous souhaitons que chaque préfet puisse connaître des décisions qui relèvent non pas strictement de l'organisation territoriale, mais de sa responsabilité constitutionnelle, et qu'il puisse les transmettre. Comme disait Albert Einstein, « ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d'agir ».

Nous pourrions également avancer sur un autre point : le pouvoir de dérogation des préfets, tel qu'il est prévu lui aussi par la charte de déconcentration. Il pourrait, à notre sens, être généralisé dès à présent. Le 18 février dernier, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a procédé à l'audition d'Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). À cette occasion, Alain Lambert nous a appris que peu de préfets usaient de ce pouvoir de dérogation, mais que, dans 80 % des cas, les dérogations avaient été très positives.

Il y a là aussi sans doute matière à faire vivre une décentralisation de fait sans plus attendre. Les maires comme les conseillers départementaux, avec le concours de leur préfet, pourront, dans la légalité absolue de leurs actes, être ainsi plus efficaces.

En temps de crise, l'appareillage technocratique et le cloisonnement des responsabilités ne sont pas de mise. Nous avons plus que jamais besoin d'une décentralisation ascendante, d'une déconcentration plus complète, intégrant la compétence santé et, j'ose le dire, dans le droit-fil du rapport d'information sur les nouveaux territoires de l'éducation que j'ai rédigé avec Laurent Lafon. C'est le bon moment.

Mes chers collègues, pour conclure, je redirai ici notre fierté de travailler avec les grands serviteurs de l'État que sont nos préfets. Ils savent comme nous que la proximité est non un simple principe, mais bien une condition de l'efficacité de nos actions communes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

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