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Débat sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires, un an après sa création.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique, Social et Européen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, deux ans après l'examen en première lecture de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, ou ANCT, et près d'un an après sa création juridique, le groupe RDSE a tenu à faire un point sur l'évolution de la mise en place de cette structure, non pas pour établir un bilan exhaustif de son action, mais pour permettre à l'ensemble des groupes parlementaires du Sénat – la chambre des territoires –, de s'exprimer sur leurs attentes légitimes.

Cette initiative partait d'un diagnostic. Premièrement, nous constatons une carence de l'ingénierie territoriale dans de nombreuses collectivités locales, qui, faute de moyens structurels, n'ont pas pu combler le désengagement brutal de l'État en la matière, notamment lors de la disparition de l'Atesat, l'assistance technique fournie par les services de l'État pour des raisons de solidarités et d'aménagement du territoire, qui a entravé ainsi leur fonctionnement et leur capacité à investir.

Ici et là, certaines d'entre elles, les mieux dotées, ont su s'adapter. Tel n'a pas été le cas des plus fragiles, souvent très rurales ou enclavées, ou encore d'autres collectivités situées en périphérie des villes.

Cette carence accentue la fracture territoriale, creusée par des années de déclin de la politique de l'aménagement du territoire, par le retrait de l'État stratège. Elle a eu pour conséquence d'accentuer la concurrence entre les territoires, plutôt que de favoriser leur solidarité.

Au-delà des enjeux relatifs à la transformation de l'économie et de l'emploi, aux mobilités et à l'accès aux services publics, notre pays doit s'engager résolument vers la transition écologique, énergétique et numérique de ces territoires, en révélant leur potentiel. Les bénéfices de cette charge collective et de ces opportunités doivent profiter à tous, en tout point du territoire.

La crise sanitaire conforte la volonté des élus locaux d'accroître la résilience économique, mais aussi durable, de nos territoires, garante d'une relance pérenne.

Que demandent les élus ? De l'équité, les mêmes chances de développement pour tous et un rééquilibrage des forces économiques permettant in fine d'adapter le maillage de nos services publics, donc de répondre aux besoins de nos concitoyens. Rien de plus, rien de moins, sinon la stricte déclinaison de l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ».

Pour ce faire, l'État doit soutenir l'autonomie des collectivités territoriales et intervenir là où c'est strictement nécessaire. L'ingénierie administrative, juridique et financière constitue un instrument fondamental là où l'initiative privée ou publique n'a pu se déployer. L'action de l'ANCT repose sur la subsidiarité.

L'ANCT, conformément à l'esprit initial de la proposition de loi, répondait à l'exigence suivante : transformer l'action publique déconcentrée au plus près de nos concitoyens et passer d'un État Léviathan à un État protecteur et facilitateur, qui, en renforçant l'efficacité de la déconcentration, vient soutenir l'exercice de la décentralisation.

Nos concitoyens et les élus qui portent leurs aspirations n'ont pas besoin de contraintes normatives supplémentaires, ni d'une nouvelle structure se plaçant au-dessus de l'existant, ni d'un ralentissement de la prise de décision.

Nous ne voulons ni plus d'État ni moins d'État. Nous voulons mieux d'État, à savoir le simple accompagnement des élus portant des projets indispensables pour la vitalité de leur territoire, qui sont parfois freinés par un excès de bureaucratie tatillonne.

Le deuxième élément du diagnostic était la complexité administrative.

À défaut de réussir la simplification des normes ou des circuits de financement, nous espérions proposer aux collectivités locales un accès aisé à leur application ou à leur recours, grâce à une logique de guichet unique. Tel était l'objet premier de l'ANCT, tel que nous l'envisagions. Il s'agissait de rompre avec les répercussions négatives sur les collectivités de la verticalité et du cloisonnement des services administratifs.

Cela supposait de doter l'administration territoriale des moyens correspondants, alors que les effectifs des directions départementales des territoires et de la mer, les DDT-M, ont subi une perte de 30 % de leurs effectifs entre 2012 et 2018 et rencontrent actuellement des difficultés à assurer l'ensemble de leurs missions.

Force est de le constater, ces moyens n'augmenteront pas en 2021, malgré l'accroissement de la charge de travail des préfectures, lesquelles ne cessent d'être sollicitées depuis la crise sanitaire.

Le rapport d'information portant sur l'ingénierie territoriale, remis en juillet dernier par Charles Guené et notre ancienne collègue Josiane Costes, recommandait la construction de ce guichet unique, « dans une culture de qualité de service et de résultat auprès des collectivités, en confortant les moyens des services déconcentrés de l'État […] et en association avec ses partenaires locaux ».

Par ailleurs, il s'agissait de sortir de la logique des appels à projets.

Permettez-moi de rappeler les propos de Mme Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires, tenus dans cet hémicycle le 8 novembre 2019 : « Pendant très longtemps, le Gouvernement lançait des appels à projets, auxquels les territoires répondaient. Bien évidemment, je n'ai pas besoin de vous rappeler que, de manière générale, c'étaient toujours les mêmes territoires qui répondaient à ces appels, à savoir ceux qui disposaient de moyens techniques et financiers. »

Sans contester l'utilité des programmes nationaux, il n'y a pas eu d'inflexion quant au recours aux appels à projets, et nous nous interrogeons quant à la place qui restera pour les projets émanant des collectivités.

C'est le service sur-mesure que nous espérions voir renforcé. À ce titre, le groupe RDSE avait fait adopter un amendement visant à doubler l'enveloppe consacrée à l'ingénierie territoriale, lors de l'examen de la loi de finances pour 2020.

Ce doublement est repris dans le projet de loi de finances pour 2021, et nous nous en réjouissons de ce premier pas.

Enfin, l'administration doit se réformer et faire cohésion. C'est le sens du recours à une agence, puisque, conformément à la définition retenue par le Conseil d'État, elle n'est ni indépendante ni inscrite dans le schéma traditionnel de l'administration centrale et de ses services déconcentrés.

Le rapport pour avis Cohésion des territoires, rédigé au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le PLF 2021, souligne la difficulté de « faire agence » ensemble, c'est-à-dire de concilier des agents issus de divers services.

L'instauration d'un guichet unique suppose donc un changement de culture administrative.

Certes, la transformation de l'action publique ne peut se faire en un an, encore moins dans un contexte de crise. Il ne serait pas juste de dresser un bilan prématuré, mais il est temps d'engager un changement de modèle et de travailler en mode projet, comme le recommandait Serge Morvan, dans son rapport de préfiguration de l'agence.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes pas en guerre, bien que certains puissent affirmer le contraire. Cependant, en guise de conclusion, je tiens à citer l'excellente circulaire de Georges Clemenceau – « le Tigre », ministre de la guerre, futur « père de la victoire » –, alors président du conseil , en date du 13 décembre 1917 :

« Les services du département de la guerre ne sont pas tous suffisamment dégagés de certaines méthodes de travail, dont la lenteur ne correspond pas aux nécessités de l'heure présente. Les errements du temps de paix continuent. Il est urgent qu'une chasse obstinée soit faite à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative : l'intérêt du pays l'exige. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)

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