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Débat sur le thème : « Respect des libertés publiques, protection de la vie privée : un nécessaire état des lieux des fichiers dans notre pays. »

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

 

 

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à remercier nos collègues du groupe CRCE de nous permettre de nous interroger aujourd'hui sur les libertés individuelles et sur la protection de la vie privée de nos concitoyens dans le cadre du fichage. C'est d'autant plus important que la France est plongée dans un état d'urgence – et donc d'exception – quasi permanent depuis la nuit du 13 novembre 2015.

Loin de moi l'idée de remettre en cause les raisons pour lesquelles ces lois ont été votées, puis prorogées, tant la folie terroriste qui nous a frappés méritait une réponse forte, mais il est à mon sens nécessaire d'interpeller sur la vigilance, l'exigence dont nous devons faire preuve à l'égard de ces régimes, qui sont, hélas ! devenus la norme.

Concernant le régime d'état d'urgence mis en place en 2015, s'il a pris fin en 2017, force est de constater que nombre de ses dispositions sont entrées dans le droit commun.

M. Loïc Hervé. Eh oui !

Mme Maryse Carrère. Il en résulte une hausse des prérogatives dévolues au juge administratif, au détriment du juge judiciaire, que ce soit en termes de liberté surveillée ou en cas de fermeture de lieux de culte.

Si le procédé à l'avantage de la rapidité d'exécution, il représente aussi une perte de garanties pour les justiciables, qu'il ne faut pas minorer.

À ces mesures, que nous avons consacrées dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, puis prorogées en octobre dernier, est venu s'ajouter ce que personne n'aurait imaginé il y a encore un an : un état d'urgence sanitaire. Celui-ci n'a que peu de choses en commun avec celui de 2015. Il est beaucoup plus sensible, car c'est l'ensemble de la population qui voit ses libertés restreintes, qu'il s'agisse de la liberté d'aller et venir, de la liberté de réunion ou même de la liberté d'entreprendre.

C'est toute une vie qui est chamboulée depuis près d'un an, au rythme des confinements, des couvre-feux et, hélas ! des fermetures administratives. À l'instar des dispositifs antiterroristes, ces mesures ont conduit à un renforcement du pouvoir du juge administratif au détriment de celui du juge judiciaire. Ce sont des mesures exceptionnelles comme les audiences à huis clos pour les justiciables, le recours aux ordonnances ou encore l'obligation de placement à l'isolement.

Les enjeux, ce sont nos données personnelles et la vulnérabilité de nos concitoyens face à de nouvelles formes d'intrusion dans leur vie privée et de fichage.

À titre d'exemple, j'évoquerai l'application StopCovid, rebaptisée TousAntiCovid, qui a connu des débuts mitigés et dont l'utilisation se révèle délicate : elle était en effet peu intuitive à ses débuts, nécessitait d'être redémarrée à chaque utilisation, était, et reste, très peu téléchargée et utilisée. Ensuite, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, elle collectait plus de données que prévu. Je vous épargnerai les remarques sur son incompatibilité avec les systèmes choisis par nos voisins européens.

Oui, madame la ministre, la version TousAntiCovid a apporté de la lisibilité et éteint certains doutes. Mais voilà, le projet de modification du décret du 29 mai 2020 vient jeter de nouvelles zones d'ombre sur cette application.

Il deviendrait ainsi possible de scanner des QR codes pour entrer dans des lieux clos. Or on ne sait rien de ce futur système, des lieux qui seraient concernés, encore moins de la manière dont seraient conservées les données.

M. Loïc Hervé. Effectivement !

Mme Maryse Carrère. Il est par ailleurs prévu de lancer une collecte de données de manière anonyme pour, selon l'avis du Comité de contrôle et de liaison Covid-19, connaître les « données de navigation de l'utilisateur, le temps d'activation moyen du Bluetooth dans la journée, le temps d'ouverture moyen de l'application, le nombre de contacts scorés, le nombre de contacts croisés ». Tout cela sans que l'on sache ni pourquoi, ni comment, ni même dans quel but…

Il y a là de quoi laisser quelque peu perplexe, d'autant plus que ce projet de décret supprime également la limite de temps à l'obligation de publication du rapport sur l'application TousAntiCovid.

Aujourd'hui, des millions de données circulent chaque jour dans notre pays, des millions d'informations sont collectées sur chacun d'entre nous.

Madame la ministre, vous connaissez l'attachement du groupe du RDSE aux libertés, mais aussi son sens des responsabilités lorsqu'il y va de la sécurité de notre pays. Je me permets donc de vous alerter sur le fait que toute abdication de liberté, si on veut qu'elle soit consentie, doit être limitée dans le temps. Aussi, nous formons le vœu que, à la sortie de cet état d'urgence sanitaire, nous n'intégrions pas, ou peu, de mesures exceptionnelles dans notre droit commun afin de ne pas fragiliser notre État de droit. Chaque citoyen doit pouvoir savoir où il est fiché et quelles données le concernant sont connues des services de l'État ou d'autres.

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