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Projet de loi de finances pour 2020 : mission immigration, asile et intégration

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe connaît depuis 2015 une hausse significative des flux de migrants, obligeant les États membres à consentir des efforts financiers importants, à la fois pour traiter les demandes, accueillir les personnes dans des conditions convenables et lutter contre l'immigration irrégulière.

La mission « Immigration, asile et intégration », dont nous examinons les crédits aujourd'hui, correspond en réalité à un peu plus de 20 % de l'ensemble des crédits alloués à la politique française de l'immigration et de l'intégration.

Elle se décompose en deux programmes : le programme 303, « Immigration et asile », qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que ceux qui sont liés à l'immigration irrégulière ; le programme 4, « Intégration et accès à la nationalité française », qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés.

On constate, à périmètre constant, une hausse de 9,8 % en crédits de paiement et de 6,3 % en autorisations d'engagement. Depuis 2017, il s'agit d'un quasi-doublement des crédits de cette mission.

Tout d'abord, le projet de loi de finances prévoit des investissements significatifs pour faire face à la hausse de près de 22 % des demandes d'asile déposées en 2018. Les moyens de l'Ofpra sont ainsi considérablement renforcés, avec une hausse de 200 équivalents temps plein et une subvention augmentée de 30 %.

Pour la CNDA, il est prévu une hausse de 25 % en autorisations d'engagement et une augmentation de 59 % du nombre d'équivalents temps plein. Ces efforts financiers permettront, je l'espère, de réduire le délai de traitement des demandes d'asile, qui est actuellement de plus de six mois.

Je veux également saluer la hausse de plus de 7 % des crédits du programme 4, « Intégration et accès à la nationalité française », qui permet de financer la mise en œuvre de l'intégration des étrangers en situation régulière, via notamment le contrat d'intégration républicaine, le CIR, qui a été créé par la loi de 2016 et enrichi par la loi de 2018. Ce sont ainsi plus de 12 millions d'euros qui sont prévus dans ce projet de loi et qui financeront les formations linguistiques et l'insertion professionnelle.

Néanmoins, je partage l'inquiétude de mes collègues de la commission des lois et de la commission des finances s'agissant des prévisions du Gouvernement en matière de demandes d'asile.

Le scénario sur lequel est construit le projet de loi de finances repose sur la prévision d'une hausse de 12 % de la demande d'asile en 2019, puis d'une stabilisation en 2020. Or le Gouvernement avait fait la même erreur sur le projet de loi de finances pour 2019 puisqu'il avait prévu une stabilisation des demandes en 2019, alors que, en réalité, la hausse est déjà de 12 % à l'heure où je vous parle.

Ces prédictions conduisent à ce que le projet de loi de finances sous-finance un certain nombre de programmes. Par exemple, si la dotation budgétaire pour le financement de l'allocation pour demandeur d'asile, l'ADA, progresse de 33 % par rapport à 2019, elle reste inférieure aux crédits votés dans la loi de finances rectificatives de 2019 pour répondre, d'ores et déjà, aux besoins de cette année. Nul besoin d'être prophète pour savoir que l'enveloppe prévue dans le projet de loi de finances pour 2020 sera insuffisante !

Néanmoins, le sujet qui m'inquiète le plus reste l'hébergement des demandeurs d'asile.

Actuellement, seul un demandeur sur deux est hébergé dans une structure appropriée. L'autre moitié est orientée vers l'hébergement d'urgence, destiné aux personnes en détresse, ou alors dans des hôtels qui ne répondent pas du tout à leurs besoins. Or le projet de loi de finances ne prévoit aucune création de nouvelles places pour l'année 2020, le Gouvernement se reposant sur l'effort, très important il est vrai, consenti l'année dernière.

Enfin, s'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière, je crains que, en l'état, le projet de loi de finances ne permette ni une meilleure exécution des obligations de quitter le territoire français, les OQTF, prononcées ni d'assurer des conditions de vie dignes dans les centres de rétention administrative, les CRA. En effet, cette mission voit ses crédits diminuer de 26,39 % en autorisations d'engagement et de 9,98 % en crédits de paiement.

Le Gouvernement explique cette diminution par la hausse significative des crédits alloués à cette politique dans le projet de loi de finances pour 2019, une augmentation qui avait pour objet de financer de nouvelles places de rétention, aujourd'hui en cours de construction, et dont les programmes sont en voie d'achèvement.

Malgré cette hausse de 35 % des places en CRA depuis 2017, les chiffres restent alarmants : les taux d'occupation de ces centres sont en constante augmentation et atteignent en moyenne, pour le premier semestre 2019, un niveau d'environ 87 %.

J'ai eu l'occasion de visiter le CRA de Vincennes il y a quelques mois et j'ai été bouleversée par les conditions de vie de ces femmes et de ces hommes, lesquelles ne sont pas conformes à l'idée que je me fais de la dignité humaine.

C'est la raison pour laquelle je considère qu'une poursuite de l'effort amorcé l'an dernier aurait été plus que nécessaire.

Enfin, je suis également surprise que les crédits alloués aux frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière à l'issue d'une rétention stagnent à hauteur de 30 millions d'euros, alors que l'exécution réelle des décisions d'OQTF a atteint un taux historiquement bas de 15 %.

Le groupe du RDSE souhaiterait que les débats se concentrent non pas sur des questions d'écritures comptables, mais sur les sujets de fond, et ils sont nombreux, ayant trait à la politique migratoire et d'asile qui est actuellement menée dans notre pays.

Le budget présenté par le Gouvernement permettra-t-il de conduire la politique que celui-ci entend mener vis-à-vis des personnes étrangères présentes sur notre sol ? Sur le long terme, que dit l'évolution budgétaire du coût de cette politique? Voilà deux questions qui nous préoccupent vivement.

Mes chers collègues, le projet de loi de finances que nous examinons prévoit en matière d'immigration, d'asile et d'intégration des efforts financiers timides et sûrement insuffisants. Cependant, ils ont le mérite d'exister. C'est la raison pour laquelle mon groupe s'abstiendra majoritairement lors du vote des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

 

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