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Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale

 

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'abstention record lors des dernières élections départementales et régionales doit nous interroger. D'abord, sur l'offre politique que nous proposons, qui, manifestement, intéresse de moins en moins nos concitoyens ; ensuite, sur le rôle des différents échelons de nos collectivités territoriales, d'une part, et sur la représentation de l'État, d'autre part.

Ce tiraillement entre pouvoir local et pouvoir national, entre centralisme et fédéralisme, a toujours existé en France, avec un penchant historique pour un centralisme hérité de l'Ancien Régime, puis de la Révolution française. Le législateur, notamment depuis 1958, a cherché à corriger ses excès, ceux d'une politique descendante, déconnectée des territoires, mais l'impression pour beaucoup reste la même : trop de décisions dépendent encore de considérations parisiennes. Cette crise de la covid-19 nous l'a trop souvent rappelé.

Aussi, l'annonce de ce projet de loi 3D, puis 4D, puis finalement 3DS, a suscité chez les élus locaux beaucoup d'espoir, non pas celui de bouleverser l'équilibre institutionnel – les lois NOTRe et Maptam ayant fait suffisamment de dégâts –, mais bien celui de simplifier, de fluidifier les relations, les compétences et l'exercice du pouvoir au sein de nos collectivités locales et de leurs groupements. Nous héritons à l'arrivée d'un texte complexe, dont on a des difficultés à en comprendre le but et l'objectif si ce n'est qu'il ajoute encore plus de confusion chez les élus locaux et les citoyens.

Concernant la différenciation, nous sommes confrontés à un principe que l'on appréhende mal. Si l'idée, que nous comprenons tous, est bien de prévoir dans certains cas une application différente de la loi selon les spécificités locales, ce à quoi nous aspirons tous, le texte initial peinait à l'exprimer clairement : les apports de la commission des lois ont été précieux en ce sens.

Ce texte vient à la fois consacrer un principe et, en même temps, en prévoir une application très limitée. Dans la version initiale du texte, quatre articles seulement y étaient consacrés. Il faut reconnaître qu'il y avait de quoi rester sur notre faim !

La logique aurait également voulu qu'en parallèle soit consacré un véritable pouvoir réglementaire local, mais, une fois de plus, on fait face à de menues mesures : on met en œuvre ce pouvoir seulement pour déterminer le nombre d'élus dans les CCAS, pour fixer le délai de publication de la liste des terrains qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en défens ou encore pour la facturation de la redevance d'occupation pour travaux. Je ne dis pas que cela ne constitue pas une avancée, mais c'est, hélas, trop maigre. Là encore, nous saluons les apports de la commission, qui a essayé de revoir l'ambition à la hausse, notamment en faveur des conseils départementaux.

Pour ce qui est du deuxième « D », celui de décentralisation, la portée des mesures proposées est faible. On y retrouve pêle-mêle une clarification des compétences en matière de transition énergétique, à l'article 5, et diverses dispositions concernant les transports, notamment la possibilité de transfert d'une partie des routes nationales vers les départements et les métropoles.

Pour revenir sur cet article 5, je rappellerai que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Je crains bien que, là, ce soit le cas. Le Conseil d'État a d'ailleurs proposé de supprimer cet article, considérant, d'une part, qu'il est sans portée juridique sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et, d'autre part, qu'il tend à altérer la lisibilité de la répartition des compétences entre ces collectivités.

Sur le transfert des routes, on retrouve en fond la même musique jouée lors des lois NOTRe et Maptam : le renforcement du couple EPCI-région. Si nous pouvons nous interroger quant à la réalité du réseau transféré, de son financement ou de l'éclatement de cette compétence, nous sommes d'autant plus inquiets que cela risque de s'effectuer au détriment de l'échelon communal, mais, surtout, du département. Le groupe du RDSE s'était battu à l'époque pour le maintien de l'échelon départemental : comptez sur nous pour vous rappeler son utilité et la proximité qu'il apporte au quotidien, notamment dans les territoires ruraux. À ce titre, nous proposerons plusieurs amendements visant à renforcer l'action des conseils départementaux, en les associant davantage aux ORT, en prévoyant qu'ils puissent verser des aides de proximité en faveur de l'activité économique ou encore en leur donnant un rôle plus important dans la lutte contre l'illectronisme.

Parmi les éclaircies dans cette partie relative à la décentralisation, on trouve les mesures relatives à la loi SRU et à la facilitation de l'acquisition des biens sans maître. À ce titre, je salue l'adoption par la commission de l'amendement du président Requier allant en ce sens.

Actualité oblige, nous retrouvons également des mesures d'ordre sanitaire, notamment sur la gouvernance des ARS afin d'y renforcer le poids des élus locaux. Nous y sommes favorables, mais nous nous interrogeons sur le véritable levier politique que cette mesure pourrait représenter et la place que la parole des élus pourrait y prendre.

Concernant la déconcentration, je le répète, là encore, le contenu est décevant avec seulement cinq articles sur ce sujet dans le projet de loi initial. Nous serons particulièrement vigilants sur la transition des MSAP en espaces France Services, avec les risques de non-homologation qui peuvent parfois exister.

Le rôle du préfet est, lui, à réhabiliter. Localement, c'est le trio préfet-maire-président du département qui a été privilégié durant cette crise, et il a fait preuve de toute son efficacité.

La partie simplification est sûrement celle qui résume le mieux l'esprit confus de ce texte, où l'on évoque tour à tour la CNIL, la coopération territoriale transfrontalière, les expérimentations en matière de relance économique, ou encore la transparence dans les EPL.

Pour conclure, je regrette que le Gouvernement n'ait pas donné aux collectivités les moyens de leurs ambitions, à savoir davantage d'autonomie fiscale. En effet, il n'y pas de pouvoir local sans pouvoir fiscal. L'idée n'est pas de remettre en cause la péréquation, ciment de la solidarité nationale, mais bien de permettre, dans chaque territoire, une véritable politique différenciée selon les besoins. Je prendrai l'exemple de la Gemapi, pour laquelle les moyens sont aujourd'hui insuffisants, de nombreuses collectivités se trouvant dos au mur pour faire face à leurs besoins d'investissement. La taxe Gemapi connaît une application très irrégulière selon la proximité de la menace climatique. Nous sommes confrontés à une véritable inégalité territoriale, avec des élus à qui l'on répond : « Aide-toi, le ciel t'aidera ! »

Voilà les quelques éléments auxquels le groupe du RDSE restera attentif. Il réserve son vote, qui dépendra du sort des amendements qu'il a proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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