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Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu'en prise directe avec les enjeux les plus contemporains, la douane a déjà une longue histoire derrière elle.

Les échanges de marchandises sont régulés depuis l'Antiquité : pensons au teloneion grec, qui a donné le « tonlieu » du Moyen-Âge, à la pratique de l'affermage, qui a de beaucoup précédé l'instauration d'une douane proprement étatique, ou encore aux nombreux octrois, droits de haut-passage, droits de traite, et j'en passe.

Créée en 1791 à la suite du démantèlement de la Ferme générale, ce qui s'est d'abord appelé la Régie nationale des douanes joue, depuis plus de deux siècles, un rôle essentiel dans l'exercice de notre souveraineté économique, au gré des vicissitudes de l'histoire, oscillant entre des périodes protectionnistes et des périodes plus libre-échangistes.

Aujourd'hui, la direction générale des douanes et droits indirects compte un peu plus de 16 000 agents, soit à peu près l'équivalent des effectifs du ministère des affaires étrangères, pour un budget de 1,6 milliard d'euros par an. Toutefois, l'échelle de la politique douanière est désormais européenne, dans le cadre de l'Union douanière qui constitue l'un des piliers de l'UE.

Certains types de fraudes sont répandus au sein de l'Union. Ainsi, en matière fiscale, de la fraude « carrousel » sur la TVA, qui consiste à se faire rembourser dans un pays voisin des montants de TVA qui n'ont en fait jamais été acquittés. La douane française intègre la lutte contre les fraudes intra-européennes dans sa politique de renforcement du contrôle aux frontières intérieures de Schengen.

Les techniques de fraude apparaissent toujours plus sophistiquées et les douanes sont engagées dans une lutte permanente entre le glaive et le bouclier. La situation actuelle se caractérise par une recrudescence des grands trafics illégaux : stupéfiants, tabac et autres produits contrefaits, objets d'art, antiquités ou animaux, mais également, hélas ! trafic d'êtres humains... Ces flux illicites sont d'autant plus difficiles à combattre qu'ils s'insèrent dans la masse du fret légal, ce qui les rend moins aisément détectables. La numérisation de l'économie, en particulier l'usage de cryptoactifs, démultiplie aussi les outils de contournement des contrôles douaniers.

Face à ces défis, l'administration des douanes doit pouvoir disposer de moyens d'action efficaces et correctement dimensionnés. La recherche des auteurs d'infractions douanières est ainsi un objectif à valeur constitutionnelle qui doit être préservé dans le nouveau cadre légal que nous nous apprêtons à examiner.

L'origine de ce projet de loi, cela a déjà été dit, est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022 invalidant l'article 60 du code des douanes, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. On mesure à nouveau la portée majeure de cette procédure, introduite dans notre droit par la révision de 2008, qui permet d'effectuer un contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Il est vrai que la rédaction de cet article 60 pouvait apparaître un peu succincte. Alors que les échanges extérieurs se sont considérablement développés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en même temps que les droits de l'individu et l'intégration européenne, les bases juridiques du contrôle douanier, elles, sont restées en grande partie jurisprudentielles.

Le présent projet de loi procède à une réécriture en profondeur du code des douanes, en particulier à l'article 2, qui remplace la disposition déclarée inconstitutionnelle par une série d'articles nettement plus détaillés – d'aucuns diront peut-être un peu bavards… Cette réécriture sera complétée par une ordonnance prise sur le fondement de l'habilitation qui figure à l'article 15, habilitation dont je propose par ailleurs de réduire le délai à deux ans, conformément à l'avis du Conseil d'État.

Quoi qu'il en soit, ce projet de loi constitue une base indispensable à la pérennité du cadre légal des interventions des agents des douanes, le cadre actuel devenant caduc à compter du 1er septembre prochain.

Plusieurs modifications adoptées en commission tendent à rapprocher le droit des visites douanières de la procédure pénale, en posant des conditions comme l'information du procureur de la République. Ma collègue Nathalie Delattre a, pour sa part, déposé une série d'amendements visant à préserver des moyens légaux suffisants pour la pleine réalisation des missions des agents des douanes. Il s'agit toujours d'assurer un équilibre subtil entre les libertés individuelles et les moyens de la puissance publique.

La création d'une réserve opérationnelle, sur le modèle de celles de l'armée ou de la police, est une proposition intéressante pour une administration dont près de la moitié des agents sont sous uniforme. Ne faudrait-il pas également un renforcement pérenne des moyens matériels et humains de la douane, à l'instar de ce qui se fait chez certains de nos voisins ?

En conclusion, les membres du RDSE reconnaissent la nécessité de légiférer rapidement sur cette question. Ils se montreront attentifs au sort des différents amendements déposés, avec néanmoins un avis a priori favorable sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Alain Richard, rapporteur pour avis, et Marc Laménie applaudissent également.)

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