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Proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis une fois encore – je n'ose dire une fois de plus – pour parler d'agriculture.

Après avoir dressé le constat amer de notre déclin agricole, le présent texte en analyse les causes, qui sont multifactorielles : charges excessives, surtransposition, coût de l'innovation, sans compter l'absence depuis très longtemps d'une politique transversale.

Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, MM. Duplomb, Louault et Mérillou, de leur engagement constant. Toutefois, depuis des années, je milite pour une loi agricole qui englobe tous les enjeux de l'agriculture, et ils sont nombreux !

La santé publique, la valeur partagée, la protection de l'environnement, le foncier, la préservation de la ressource en eau, le maintien d'un métier non délocalisable, la transmission, l'adéquation à l'évolution des goûts et souhaits des consommateurs ou encore la sauvegarde des paysages : tous ces enjeux méritent d'être étudiés dans leur interconnexion. Les dissocier, comme on l'a fait, conduit inévitablement à des politiques morcelées qui, effectivement, font oublier la compétitivité.

En France, dans le monde syndical comme dans la sphère politique, on oppose souvent l'écologie à l'économie. Nos débats, trop fréquemment clivés, en témoignent. Je suis convaincu que c'est une erreur : on ne saurait concevoir les politiques agricoles en regardant par le petit bout de la lorgnette.

En effet, le constat du réchauffement climatique ou encore l'annonce de milliers d'espèces disparues ou menacées nous obligent à revoir nos modes de production et de consommation.

Je pense notamment à la rareté de l'eau : la situation devient très tendue. Dans nos territoires du sud, des communes sont régulièrement ravitaillées en eau potable, et les préfets ont déjà pris, à ce jour, des arrêtés pour limiter certains usages. On ne peut pas l'ignorer.

Il faut concevoir la gestion de l'eau dans sa globalité, en sachant que l'agriculture en a besoin, car elle est source de vie, y compris l'agriculture bio.

Le triptyque santé, économie, environnement doit être au cœur de nos argumentations. Ces trois domaines doivent être pris en considération ensemble.

Nous avons un devoir moral envers les générations futures.

Ce travail est complexe, mais possible. En revanche, caricaturer un modèle qualitatif, en le limitant à des niches et en faisant peser sur lui tout le poids du déclin agricole, ce n'est pas entendable.

Je suis persuadé qu'il y a de la place pour toutes les formes d'agriculture, à condition qu'elles soient sincères et qu'elles répondent aux enjeux.

Quand je parle de sincérité, je pense au bio, qui a suscité un véritable engouement. Les aides en témoignent, en particulier celles de la politique agricole commune, qui s'est verdie. Mais le bio traverse aujourd'hui la même crise que l'agriculture conventionnelle, au point que de nombreux agriculteurs pensent revenir à leurs anciens modes de production, car le seul filtre, ici, est le volet économique : ce serait une erreur.

Il faut prendre en compte les deux autres enjeux, à savoir la santé et l'environnement, qui sont indissociables du premier. Dès lors, on comprend que les gouvernants doivent soutenir la filière pour traverser cette crise conjoncturelle.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, au risque de choquer : les organisations professionnelles doivent également se structurer et se solidariser.

Ainsi, dans le secteur du vin, que je connais bien, il n'existe pas en France de stratégie nationale. Les stratégies déployées se limitent aux bassins viticoles et certaines appellations d'un même territoire se concurrencent entre elles. Dans un contexte de crise, pouvons-nous encore nous offrir ce luxe ? Ne pouvons-nous pas nous réunir autour d'une table, comme l'ont fait nos voisins espagnols et italiens, pour élaborer des stratégies communes et offensives ?

Comment imaginer qu'un vin vendu 75 centimes le litre en sortie de cave se retrouve à 5 euros le verre de 15 centilitres dans nos restaurants ? Cherchez l'erreur !

Cet exemple vaut pour plusieurs filières agricoles. Tout le monde doit gagner de l'argent, à condition que la valeur soit partagée, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Comment le présent texte nous permettra-t-il de mieux traiter cette problématique ? J'ai l'impression d'y retrouver le morcellement de nos politiques agricoles, pourtant largement critiqué. En effet, ses mesures sont conçues au seul prisme de la compétitivité, donc, essentiellement, de l'économie. Ou sont les autres enjeux ?

Pour entrer dans le détail de cette proposition de loi, le RDSE se réjouit de plusieurs avancées, qu'il s'agisse des clauses miroir, de la transposition, de la création du livret Agri ou du diagnostic carbone dans les exploitations.

Mes chers collègues, inutile de vous dire ma satisfaction au sujet de l'article 8 bis : les paiements pour services environnementaux exigent un rapport de bilan exhaustif.

Depuis 2016, mon collègue Franck Montaugé et moi-même n'avons cessé d'expliquer les services rendus les agriculteurs : stockage de carbone, lutte contre les incendies via le pastoralisme, ouverture des espaces, maintien des paysages, etc. Ces efforts doivent être pris en compte et récompensés.

À l'inverse, je déplore l'adoption de l'article 1er, car je ne vois pas en quoi un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles serait nécessaire. Alors que l'on déplore la complexité administrative et prône la simplification, le texte ajoute encore une couche à l'organigramme du ministère de l'agriculture, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et des chambres d'agriculture. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cela signifie-t-il que ces structures n'ont pas de vision prospective ou d'objectifs en matière de compétitivité ? Si tel est le cas, c'est grave, car c'est le cœur même de leur mission : établir des évaluations et des stratégies.

De même, l'article 11 me choque. Il revient sur la loi Égalim en décalant de 2022 à 2025 l'échéance pour les produits de qualité durable, dont 20 % de bio, alors que nous n'avons pas assez de recul.

La solution ne serait-elle pas plutôt la relance des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui structureraient la demande et l'offre locales autour de ces objectifs de qualité ? Dans l'Hérault, par exemple, qui compte parmi les départements précurseurs en la matière, le pari est presque gagné grâce à dix PAT, dont un départemental.

Enfin, je m'étonne de l'article 18, qui réhabilite le conseil et la vente de produits phytopharmaceutiques. Comment peut-on être à la fois juge et partie ?

Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai, comme la grande majorité des membres de mon groupe.

Le présent texte – nous le savons – est éminemment politique, à l'heure où le projet de loi d'orientation agricole se profile. Ce dernier nous permettra d'examiner tous les enjeux – je dis bien tous les enjeux – et de concevoir les actions cohérentes à même d'y répondre ; du moins, je l'espère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)

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