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Proposition de loi relative à la maîtrise de l'organisation algorithmique du travail

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le développement technologique a longtemps été associé à la notion de progrès et force est de constater qu'il a pu être porteur d'avancées réelles dans de nombreux domaines sociaux et économiques, y compris dans le monde du travail.

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Néanmoins, il emporte aussi son lot d'inquiétudes et de questionnements, dès lors qu'il percute les droits des salariés ou interfère avec les conditions de travail ou les processus de recrutement, à l'image de la récente polémique autour du groupe Amazon, dont l'algorithme d'analyse des candidatures favorisait celles des hommes – quelle ironie pour un groupe portant un tel nom ! (Sourires.)

Les débats actuels sont d'ailleurs denses sur les risques que porte intrinsèquement la progression exponentielle de l'intelligence artificielle, qu'il s'agisse de son fonctionnement désincarné ou des abus potentiels de son usage.

Évidemment, l'argument selon lequel l'outil est par nature innocent et seuls les usages peuvent être détournés est absolument irrecevable. Il est au contraire de la responsabilité des concepteurs d'en garantir toutes les sécurités d'utilisation et de celle du législateur de fixer le cadre d'exercice de cette responsabilité.

C'est précisément l'objet de cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

La commission n'a pas adopté le texte, au motif qu'il n'apporterait pas de garanties supérieures aux salariés et que des travaux du même ordre sont en cours à l'échelle européenne. Et alors ? Pourquoi attendre l'Europe ?

Pour ma part, j'estime que, lorsqu'il s'agit de la relation au travail, les garanties et protections des salariés méritent toujours d'être interrogées et renforcées, d'autant plus dans un contexte où les discussions européennes semblent assez mal engagées…

Gardons en mémoire que l'économie des plateformes concernera, d'ici à 2025, 43 millions de salariés !

Au-delà des plateformes, nombre d'entreprises ont aujourd'hui pris le virage du numérique avec pour objectifs affichés d'améliorer leurs processus d'organisation, de simplifier et d'améliorer leurs moyens d'action ou encore d'optimiser la gestion du travail.

L'informatique peut certes constituer une aide, mais n'oublions pas que, derrière ces logiciels et algorithmes, se trouvent des programmateurs qui paramètrent leurs outils en fonction des consignes qui leur sont données.

La décision automatisée est d'autant plus dangereuse qu'elle est, par nature, prise de façon opaque et qu'elle peut reproduire à l'envi des comportements discriminants avec le risque d'une standardisation des décisions. Cela est d'autant plus inquiétant pour les intelligences artificielles (IA) dites apprenantes, capables d'acquérir une autonomie croissante et dont le fonctionnement devient complexe à expliquer, voire difficile à maîtriser.

Aussi me semble-t-il pertinent, comme le dispose l'article 1er de la proposition de loi, de clarifier la nature juridique du recours à l'algorithme comme une expression du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur, traduisant ainsi l'une des conclusions de la mission d'information sénatoriale consacrée à l'ubérisation de la société.

Même si elle est automatique et invisible, une décision issue d'un traitement automatisé n'en a pas moins des conséquences pour le salarié. Celui-ci doit être en mesure, d'une part, de se défendre face à une décision qui lui est défavorable et, d'autre part, de la contester, si elle est l'expression d'une discrimination. De ce point de vue, contraindre l'employeur à apporter la preuve que son algorithme n'est pas discriminatoire va dans le bon sens.

Enfin, la proposition de loi s'attaque au sujet épineux des plateformes et du lien de subordination que celles-ci imposent à leurs collaborateurs présentés, souvent à tort, comme indépendants.

Or, le plus souvent, ils n'ont que peu ou pas la maîtrise de la gestion de leurs missions ou de la fixation de leurs tarifs, comme ils ne peuvent pas véritablement négocier leur contrat ni contester les sanctions qui leur sont appliquées.

Il s'agit ici, sans attendre l'issue des négociations européennes, mais avec la préoccupation de protéger les salariés de ces plateformes, d'intégrer dans notre droit du travail les jurisprudences Uber, Deliveroo et Elite Taxi.

Cette définition permettra d'harmoniser les responsabilités entre les employeurs lambda et les plateformes, lesquelles ont trop souvent exploité les failles du vide juridique les concernant.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, CRCE et GEST. – Mme la rapporteure applaudit également.)

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