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Proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

 

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, reconnu moi-même handicapé et en tant qu'ancien président de la MDPH du Pas-de-Calais, vous comprendrez ma sensibilité à la question du handicap et mon attachement à toute initiative permettant d'améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap. Je suis d'ailleurs intervenu à plusieurs reprises auprès de vous, madame la secrétaire d'État, et j'ai défendu plusieurs amendements en ce sens, en particulier dans le cadre des débats relatifs à la loi ÉLAN, pour améliorer l'adaptation du logement des personnes handicapées.

Aussi, au nom du groupe du RDSE, je salue l'initiative de notre collègue Alain Milon, dont le texte vise à améliorer la prestation de compensation du handicap. Je me félicite également de l'adoption unanime de ce texte par la commission des affaires sociales.

Pour bien comprendre les enjeux de ce texte, il me semble nécessaire de revenir quelques instants sur les reproches qui ont pu être faits à cette prestation depuis sa mise en place par la loi de février 2005, dont elle constituait une des mesures phares.

Tout d'abord, et alors qu'elle a pour objet de répondre aux difficultés quotidiennes spécifiques engendrées par une situation de handicap, elle ne couvre pas les besoins réels des personnes. J'en veux pour seul exemple l'impossibilité de mobiliser la PCH pour les interventions au titre de l'aide-ménagère.

Ensuite, la PCH laisse encore de lourds restes à charge aux bénéficiaires, notamment sur les aides techniques ou sur l'aménagement du logement.

En outre, elle ne répond pas, ou insuffisamment, aux besoins spécifiques des enfants en situation de handicap ou des personnes souffrant d'un handicap psychique.

Enfin, et je m'arrêterai là, les personnes dont le handicap survient après cinquante-neuf ans ne peuvent y prétendre.

Plusieurs de ces difficultés avaient d'ailleurs été pointées dans un rapport de l'IGAS, remis en 2016, dont les préconisations n'ont malheureusement pas été traduites dans notre droit.

Nous partageons l'objectif et la philosophie de l'article 1er, lequel tend à supprimer la limite d'âge des soixante-quinze ans au-delà de laquelle il ne serait plus possible de former une demande de PCH pour un handicap survenu avant soixante ans. Elle n'avait aucun sens ni aucune justification. Je pense néanmoins que nous devons aller plus loin en supprimant la barrière des soixante ans. Aujourd'hui, en effet, un handicap survenu après soixante ans sera traité au titre du vieillissement, donc avec une prise en charge moins favorable.

Il nous faut ainsi relancer la réflexion engagée sur la création d'un dispositif unique, à savoir celui d'une prestation universelle autonomie permettant de compenser toute forme de perte d'autonomie, qu'elle soit liée à l'âge ou au handicap.

Cette évolution, qui a fait l'objet d'engagements pris par plusieurs Présidents de la République, était d'ailleurs déjà présente dans la loi de 2005, qui allait même plus loin en prévoyant la suppression, dans les cinq ans, de toute référence à l'âge. Près de quinze ans plus tard, nous en sommes toujours au même point ! Pourtant, l'OMS n'opère plus cette distinction depuis 2001. Cette évolution, outre le fait qu'elle adresserait un message extrêmement fort à nos concitoyens les plus fragiles, permettrait un triple progrès : réaffirmer la solidarité nationale à l'égard des personnes souffrant d'une perte d'autonomie ; mettre fin à cette incompréhensible discrimination par l'âge ; enfin, opérer une simplification de la gouvernance des différents dispositifs mobilisés.

L'article 2 aborde, quant à lui, la sensible question du reste à charge, fréquemment décrié par les familles et les associations. Nous nous félicitons que notre commission des affaires sociales soit allée plus loin que la proposition de notre collègue député Philippe Berta. Cet article apporte enfin la clarification que l'État n'a jamais souhaité opérer, jusqu'à en être condamné par le Conseil d'État.

Il répond ainsi à une double attente : celle des personnes en situation de handicap et de leurs familles de ne pas limiter les interventions des fonds départementaux de compensation aux seuls bénéficiaires de la PCH ; celle des départements de ne pas voir leurs budgets croître de manière exponentielle en n'inscrivant pas les interventions des fonds dans la limite des crédits qui leur sont affectés.

Là encore, le sujet mériterait d'être approfondi. N'est-on pas en droit de s'interroger sur l'existence même d'un reste à charge pour des personnes confrontées au quotidien aux limites et contraintes que leur impose leur handicap ?

La question doit en tout cas se poser à nous au regard des coûts énormes que peuvent représenter certains appareillages, parfois vendus moitié prix à l'étranger.

L'amélioration de la PCH, mes chers collègues, ne pourra se faire à budget constant, d'autant que la situation, à certains égards, se dégrade : diminution du nombre de logements accessibles dans la loi ÉLAN ; mise en cause du complément de ressources ou encore désindexation de l'AAH par rapport à l'inflation.

Certaines associations déplorent également un resserrement de l'évaluation des besoins, ainsi que des décisions des CDAPH de plus en plus restrictives. On le sait, les départements sont confrontés à de réelles difficultés financières et le rapport de l'IGAS, que je citais en référence, pointait déjà la tension des moyens dédiés aux MDPH.

Les départements doivent avoir les moyens d'un accompagnement sans faille de nos concitoyens les plus fragiles, et l'État doit impulser cette dynamique en la traduisant dans la future loi de finances.

J'en viens à l'article 3, qui nous semble frappé au coin du bon sens. En effet, il tend à limiter les procédures administratives imposées aux personnes souffrant d'un handicap par l'harmonisation des durées d'attribution des différents éléments de la prestation.

Nous saluons également le progrès considérable que constitue l'instauration d'un droit à vie à la PCH pour les handicaps qui ne sont pas susceptibles de connaître une évolution positive.

Satisfaisante, aussi, est l'évolution concernant une nouvelle approche de l'effectivité de l'aide, afin, espérons-le, de mettre fin aux effets pervers de la récupération des indus, qui pouvait conduire certains bénéficiaires à renoncer par anticipation à une partie de leurs prestations.

Enfin, l'article 4 propose la création d'un comité stratégique, placé auprès de vous, madame la secrétaire d'État. Si la concertation apparaît toujours comme une bonne chose, il est nécessaire qu'elle soit effective et productrice d'effets. Nous serons donc vigilants quant à la gouvernance de ce comité, sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement.

À cet égard, nous formons le vœu que le décret prévu dans le texte suive rapidement l'adoption de la loi, afin de ne pas revivre l'expérience douloureuse du reste à charge. Les enjeux sont en effet énormes en ce qui concerne les deux champs ciblés par l'article 4, à savoir la question du handicap chez l'enfant et celle du transport. Les dysfonctionnements constatés sont nombreux et épuisent les familles. Ce comité devra faire en sorte d'apporter des réponses concrètes, optimales et basées sur les réalités du terrain.

Je l'ai exprimé à plusieurs reprises par le passé, et je le redis aujourd'hui : les familles et les personnes en situation de handicap attendent depuis 2005 que notre société évolue ! Il est temps que les engagements pris se traduisent enfin dans leur vie quotidienne !

Pour toutes ces raisons, et avec beaucoup d'espoir, notre groupe votera favorablement la proposition de loi de notre collègue Alain Milon. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

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