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Proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

 


M. Stéphane Artano.  Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'encadrement, voire la limitation stricte, du démarchage téléphonique est un véritable serpent de mer de la protection des consommateurs.
En 2011, déjà, le groupe du RDSE avait présenté et fait adopter par le Sénat une proposition de loi, plus ambitieuse que celle-ci, qui prévoyait le passage de l'opt out à l'opt in, c'est-à-dire à l'obligation de recueillir le consentement préalable du consommateur, en amont de toute activité de démarchage par voie téléphonique. À l'époque, M. Jacques Mézard avait résolument dénoncé les dérives constatées dans ce secteur d'activité, qui confinent parfois au harcèlement des consommateurs.
Ces dérives touchent particulièrement les personnes âgées ou vulnérables, et celles qui utilisent encore le téléphone fixe, dont l'usage, en raison des évolutions technologiques, se fait de plus en plus rare. Ces personnes ignorent souvent les droits qui leur sont reconnus dans le code de la consommation ou dans les textes relatifs à la protection des données personnelles – loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés informatiques, règlement général européen sur la protection des données, entré en vigueur l'an dernier.
Face à ces pratiques commerciales agressives, de nombreuses sociétés de télémarketing n'hésitant pas à appeler les personnes plusieurs fois dans le même mois, à des horaires inopportuns, en soirée ou le week-end, il paraît en effet indispensable de renforcer les droits des citoyens. Ceux-ci devraient pouvoir ne plus être importunés chez eux et assaillis d'offres et d'informations commerciales diverses qu'ils n'ont pas sollicitées.
On peut donc regretter que la proposition de loi de 2011 n'ait jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Une autre proposition de loi, présentée l'an dernier par le député Pierre Cordier, reprenait le principe de l'opt in. Elle a été adoptée par les députés, mais après la suppression de son article 1er, qui en portait le dispositif principal ; autant dire qu'elle a été vidée de sa substance…
Puisque l'on parle de serpent de mer, je pense aussi au sujet connexe de la localisation des centres d'appel, secteur évalué à plus de 250 000 emplois en France. Le rapport du député Marc Le Fur de 2012 indiquait qu'une grande partie des centres d'appel était néanmoins située à l'étranger, principalement dans des pays francophones à bas coûts – le Maroc, la Tunisie ou encore le Sénégal –, mais également dans des pays européens – Portugal ou Roumanie.
L'amendement déposé en septembre dernier par des députés de la majorité – La République En Marche et Mouvement démocrate – au projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit PACTE, tendait à obliger les démarcheurs téléphoniques à indiquer, avant toute mise en relation, le pays d'implantation de ces centres, mais, de nouveau, sans succès.
On invoque souvent le fait que les plateformes sont situées à l'étranger pour expliquer les entorses au droit français, mais les textes européens sur le conflit de lois sont clairs : les conflits de consommation sont en principe régis par la loi du pays de résidence habituelle du consommateur. Cela semble logique dans la mesure où c'est la loi de ce pays qui prévoit le niveau de protection auquel le consommateur peut légitimement s'attendre, et ce, même si le professionnel n'exerce pas son activité dans l'Union européenne.
Enfin, plusieurs voisins européens ont d'ores et déjà opté pour le régime du consentement préalable – l'Allemagne, l'Espagne ou encore le Danemark –, ce qui montre que le changement de régime n'est pas impossible.
Quoi qu'il en soit, la présente proposition de loi devrait rencontrer un meilleur succès que les tentatives passées. Il est vrai que son approche est différente, d'aucuns diront « plus timide », dans la mesure où elle conserve le régime actuel de la désinscription, tout en tentant de le rendre plus efficace. Cela dit, son objet est plus large, puisqu'elle concerne aussi la lutte contre les appels frauduleux, ce à quoi l'on ne peut que souscrire.
Je salue certains apports de la commission concernant, par exemple, les informations à délivrer obligatoirement au consommateur lors d'un démarchage, ou encore l'accessibilité des données essentielles de l'organisme gérant la liste d'opposition.
En revanche, pourquoi avoir supprimé l'article 5, qui encadrait davantage l'exception client, c'est-à-dire la possibilité de démarchage lorsque des relations contractuelles préexistent ?
Pour le reste, la commission a conservé le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, aggravant notamment fortement les sanctions en cas de manquement à diverses dispositions relatives aux professionnels, telles que l'obligation de décliner son identité et la nature commerciale de son activité, l'interdiction de recourir aux numéros masqués ou encore la nécessité de vérifier régulièrement la liste d'opposition. On passe ainsi à des sanctions vingt-cinq fois plus sévères.
Les mesures de lutte contre les pratiques frauduleuses – rappel à un numéro surtaxé sans offre réelle, appels en absence, SMS frauduleux, et j'en passe – vont aussi globalement dans le bon sens.
Toutefois – c'est mon dernier point –, les solutions ne relèvent pas uniquement, ni peut-être essentiellement, du domaine de la loi. Elles doivent passer par un renforcement des contrôles opérés par la DGCCRF, dont les agents sont habilités à rechercher et à constater les manquements au cadre régissant l'opposition au démarchage téléphonique. Les contrôles sont aujourd'hui insuffisants.
Une autre piste, évoquée par le rapporteur, est la réduction du coût d'utilisation du service de vérification des listes d'opposition pour les entreprises et, surtout, l'amélioration du fonctionnement du service d'opposition Bloctel, dont les résultats sont pour l'instant très décevants.
Enfin, plus généralement, il faut améliorer la connaissance par les entreprises de leurs obligations et par les consommateurs de leur droit de s'inscrire sur des listes d'opposition et de faire opposition au traitement des données à caractère personnel.
Les membres du RDSE continuent de soutenir l'idée d'un plus strict encadrement du démarchage téléphonique et regrettent que cette proposition de loi n'aille pas plus loin. Les amendements de ma collègue Nathalie Delattre, que je défendrai tout à l'heure, portant sur la mise en place d'un préfixe et sur l'encadrement des dates et horaires de démarchage vont dans ce sens.
Pour le reste, conscients des enjeux tant en termes d'emploi que du droit au respect de la vie privée et à la tranquillité, nous déterminerons notre vote à l'issue des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

 

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