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Proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et au banc des commissions.)

 

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par la commission des affaires économiques est aussi passionnante et utile pour nos concitoyens que technique dans ses détails et potentiellement complexe dans sa mise en œuvre. Ce n'est pas sans rappeler nos débats de 2018 lors de la transposition de la directive sur le secret des affaires, en particulier sur la nécessité de concilier protection des intérêts économiques et liberté d'expression et d'information.

L'actualité ne cesse de le démontrer pour le meilleur et parfois le pire, les technologies de l'information et de la communication, surtout lorsqu'elles sont mal maîtrisées – nous en avons eu récemment un exemple (Sourires.) –, ne cessent de poser un défi à notre société, à nos pratiques quotidiennes, à nos rapports sociaux, à l'éducation de nos enfants et même à nos institutions.

Le développement des appareils connectés – téléphones intelligents, tablettes, etc. – et des applications liées a innervé l'ensemble de notre économie au travers d'une offre impressionnante de logiciels ad hoc, fournissant des services aussi variés que l'information journalistique, la banque, le paiement en ligne, des informations en temps réel sur le trafic et les transports en commun, ou encore les forums de discussion et l'organisation d'événements les plus divers.

Ce développement a fait émerger de nouvelles possibilités et de nouveaux modes de consommation qui sont, au premier abord, plus faciles et surtout plus instantanés. Ils sont désormais bien ancrés dans le mode de vie d'une part croissante de la population, et les crises récentes – gilets jaunes, grève des transports... – ont accentué cette tendance. Je n'en oublie pas pour autant nos compatriotes toujours exclus de l'accès à ces services, faute de bénéficier d'une couverture numérique dans leur territoire, ou simplement de savoir maîtriser l'outil informatique.

À côté des bénéfices annoncés ou constatés pour les consommateurs, cette transformation s'accompagne d'une forte concentration de l'offre dans les mains de quelques entreprises très puissantes : les géants du numérique, principalement américains, qui tendent à acquérir une situation de monopole ou d'oligopole à cause des « effets de réseau » désormais bien connus.

La croissance à deux chiffres du commerce en ligne depuis une décennie est une évolution majeure, et peut-être irréversible, qui entraîne des changements profonds dans la façon de consommer, bien sûr, mais aussi dans le monde du travail : progression spectaculaire du travail non salarié, et parfois remise en cause de droits attachés aux travailleurs. Je rappellerai également les enjeux du télétravail dans l'organisation du travail, un sujet sur lequel mon groupe a déjà fait des propositions.

Face à cette tendance de fond, le principe de la liberté du commerce est paradoxalement remis en question. Plus grave, comme dans d'autres pays, notre droit de la consommation et de la concurrence ne semble plus à même de répondre aux nouveaux enjeux.

Les auteurs de la proposition de loi ont ainsi identifié des limitations dans le choix des applications permettant d'accéder au commerce en ligne, dans la capacité à passer d'un réseau social à un autre, ainsi que des limitations qui résultent des acquisitions prédatrices d'entreprises ou d'applications, pourtant innovantes, par des acteurs déjà installés – une logique classique, finalement, de la concurrence dans un contexte d'économie de marché avec effets de réseau.

L'ambition du texte n'est donc pas mince ! Elle est de répondre à ces multiples défis, afin de redonner in fine du pouvoir aux consommateurs à l'ère du numérique.

Je reviens brièvement sur les dispositions de la proposition de loi. Concrètement, il s'agit de mieux codifier le fonctionnement du secteur des postes et communications électroniques, en précisant le rôle de l'Arcep et de l'Autorité de la concurrence et en leur donnant davantage de compétences, conjointement avec le secrétariat d'État chargé du numérique. Des sanctions administratives sont prévues en cas de non-respect de leurs obligations par les fournisseurs, pouvant aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial.

Par ailleurs, ces dispositions devront faire l'objet d'une notification à la Commission européenne, en vertu d'une directive de 2015 sur la réglementation des technologies de l'information.

Je salue également l'adoption, en commission, d'un amendement visant à instaurer la consultation de droit de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) préalablement à l'établissement de nouvelles obligations en la matière. C'est une mesure protectrice des libertés.

J'aurai donc peu de choses à ajouter sur un texte, rappelons-le, fort technique. Je tiens toutefois à regretter l'irrecevabilité, prononcée au titre de l'article 41 de la Constitution, qui a frappé l'amendement que plusieurs de mes collègues et moi-même avions proposé. Celui-ci tendait à créer une obligation d'information et de sensibilisation du Gouvernement auprès des consommateurs, afin que ces derniers soient correctement informés de l'évolution de leurs droits s'agissant de questions très complexes. C'est, me semble-t-il, un élément clé du succès d'un tel dispositif, dans la mesure où les utilisateurs non professionnels sont les premiers concernés.

Monsieur le secrétaire d'État, j'attire particulièrement votre attention sur ce point : si elles venaient à être adoptées également par l'Assemblée nationale, pour rendre de telles dispositions pleinement effectives, il serait impératif de prendre des mesures fortes d'information du grand public, afin que les consommateurs, qui sont aussi des citoyens, sachent à quoi ils peuvent prétendre et comment ils sont protégés dans le cadre de leurs relations avec les plateformes. N'oublions pas que le modèle économique du numérique repose aussi sur la confiance.

Cela étant, le RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SOCR, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

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