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Proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

 

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, force est de le constater, la réalité nous a une nouvelle fois rattrapés lors de l'examen de cette proposition de loi visant à lutter contre la haine en ligne. Encore, la haine frappe en ligne et toujours sous le sceau de l'anonymat.

Mais s'il est nécessaire de légiférer sur ces sujets, il faut le faire de manière dépassionnée et visant un texte ayant le plus d'effectivité possible dès son entrée en vigueur.

Il faut aussi prendre son temps, et c'est sans doute ce qui nous a manqué pour parvenir à un texte de compromis avec l'Assemblée nationale. Car, en l'état, disons-le, cette proposition de loi ne permettra pas une lutte efficace contre la haine en ligne, simplement parce que l'obligation de retrait en vingt-quatre heures des contenus manifestement haineux est inapplicable.

J'en veux pour preuve l'Allemagne : près de 1 million de messages ont été signalés en vertu de la loi NetzDG et seulement 17 % de ces contenus ont été supprimés. Si aux mêmes maux nous appliquons les mêmes remèdes, nous pâtirons aussi du même effet pervers, à savoir une sur-censure.

L'autre point d'achoppement est le fait d'intégrer les moteurs de recherche dans le champ de la proposition de loi. L'Assemblée nationale s'y évertue bien que ceux-ci ne jouent pas un rôle majeur dans la diffusion des propos.

Loin de nous rassurer, les apports de l'Assemblée nationale en deuxième lecture ont suscité une certaine incompréhension.

L'ajout à l'article 1er d'une disposition visant à créer une obligation de suppression en une heure des contenus à caractère terroriste et pédopornographique est maladroit, car il n'a fait l'objet d'aucune concertation ni d'aucune évaluation.

Je passe sur le vote de l'Assemblée nationale, qui a retiré à l'article 1er des contenus devant être supprimés en vingt-quatre heures tous ceux faisant référence à la traite des êtres humains, au proxénétisme et exposant les mineurs aux messages violents, notamment terroristes. N'est conservée que l'exposition à des messages à caractère pornographique. Si le retrait en vingt-quatre heures est selon moi inefficient et dangereux, que dire de la classification proposée par l'Assemblée nationale ?

C'est la raison pour laquelle je tiens à saluer une nouvelle fois le travail effectué par le rapporteur, qui a permis le retour à un texte équilibré.

Le rétablissement à l'article 1er de l'abrogation de la sanction à l'encontre des hébergeurs ne supprimant pas les contenus haineux s'inscrit dans la droite ligne des propos que nous avons pu tenir.

À l'article 2, la proportionnalité des obligations de moyens renforcées mises à la charge des grands opérateurs de plateforme prend en compte les différences entre les opérateurs. En effet, selon leur taille et leurs moyens, ceux-ci ne disposent pas de la même force de frappe pour lutter contre les propos haineux. Il était donc nécessaire de s'adapter, au risque de renforcer les plateformes déjà hégémoniques et de pénaliser les plateformes les plus modestes.

Je soulignerai enfin les apports de la commission de la culture, notamment à l'article 4, qui permettent de donner davantage de prérogatives au CSA pour établir des recommandations concernant les obligations de moyens et de diligence des opérateurs en ligne. Sont aussi à mettre à son crédit les différentes dispositions visant à lutter contre la viralité et à favoriser l'interopérabilité, enjeux sur lesquels j'avais mis l'accent en première lecture.

Tous ces éléments nous permettent d'avoir un texte qui, s'il n'est certes pas parfait, comme je l'ai déjà souligné, nous met en accord avec nos engagements européens.

Je regrette d'autant plus nos désaccords avec l'Assemblée nationale que sur bon nombre de sujets nous sommes en phase, notamment sur la régulation des grandes plateformes, sur l'interdiction de la surveillance généralisée ou sur le contrôle des algorithmes.

Nous sommes également d'accord sur la nécessaire prévention quant à la haine en ligne. Car trop souvent l'absence de suivi, d'écoute et de sensibilisation conduit au drame chez les publics les plus sensibles – je pense aux enfants. La formation des enseignants et le renforcement des sanctions pour les mineurs étaient donc nécessaires.

Pour conclure, il me semble urgent d'attendre concernant la lutte contre la haine en ligne.

Il faut attendre d'abord parce que ce texte soulève des interrogations sur sa conformité au droit de l'Union européenne en raison de l'abaissement des exigences requises pour la notification.

Il faut attendre ensuite parce qu'en parallèle la législation bruxelloise évolue, avec l'obligation pour les pays membres de transposer la directive Service des médias audiovisuels, ou SMA, qui fixe le socle de règles communes pour les plateformes de partage de vidéos, les réseaux sociaux et les plateformes de diffusion en direct.

Il faut attendre enfin le futur règlement européen sur les contenus terroristes, ou encore les négociations en amont du Digital Services Act.

Vous l'aurez compris, le RDSE, comme en première lecture, votera globalement pour ce texte.

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