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Proposition de loi visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

 

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, éloignons-nous des polémiques pour revenir au sujet d'aujourd'hui et faisons preuve d'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)

Est-il nécessaire de rappeler que chaque année, en France, près de 4 500 enfants décèdent avant d'avoir atteint l'âge de la majorité ? Par ailleurs, en 2017, selon les données de l'Insee, ce sont près de 6 500 enfants et jeunes de moins de 25 ans qui sont décédés, dont 2 700 âgés de moins de 1 an et 2 400 âgés de 15 à 24 ans.

La douleur liée à la perte d'un être cher est incommensurable. Si l'on y ajoute les démarches administratives, l'organisation des funérailles, le deuil, les parents concernés ne sont généralement pas en mesure de reprendre leur travail à l'issue des cinq jours prévus par la loi. Mes chers collègues, qui d'entre nous le pourrait ?

Actuellement, en application de l'article L. 3142-4 du code du travail, les salariés dont l'enfant décède disposent uniquement d'un congé de cinq jours, pris en charge par l'employeur. Il est évident que, sur le plan émotionnel et d'un point de vue pratique, une telle durée est très insuffisante.

En effet, cette période de congé permet tout d'abord aux parents endeuillés d'accomplir les démarches qui s'imposent après le décès, telles que l'organisation des obsèques ou encore la mise à jour du livret de famille. Même si l'on ne peut évaluer la durée du congé qui serait nécessaire pour faire face à la perte d'un enfant, il est indispensable que les parents s'accordent un temps de répit avant de reprendre leurs activités professionnelles.

C'est en partant de ce constat que notre collègue député Guy Bricout, que je salue, a proposé de porter la durée de ce congé de cinq à douze jours consécutifs. Il estime, et nous le rejoignons, que le congé de cinq jours prévu en cas de décès d'un enfant est insuffisant pour permettre aux parents « de surmonter ce terrible moment, de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue des funérailles et, a fortiori, pour régler toutes les formalités pratiques et administratives ».

Les besoins des familles endeuillées ne sont pas les mêmes selon les situations, sociale ou financière, dans lesquelles elles se trouvent.

Je tiens aussi à souligner que, même si de nombreux salariés bénéficient de la bienveillance de leur employeur et de leurs collègues, d'autres n'ont d'autre choix que de prendre des jours de congé décomptés de leur temps de congé annuel ou de demander un arrêt maladie à leur médecin. Il est quelque peu immoral qu'un parent endeuillé ait à recourir à pareille alternative afin de récupérer émotionnellement avant la reprise de son travail.

Ainsi, mes chers collègues, vous comprendrez pourquoi nous déplorons l'adoption, par l'Assemblée nationale, le 30 janvier dernier, d'un texte ne répondant pas convenablement aux ambitions initiales de son auteur. Cette nouvelle version a suscité une grande émotion, tout à fait compréhensible, des parents concernés, une indignation de la classe politique et de l'opinion publique et une réaction du Gouvernement, qui a souhaité que le texte soit amélioré, après que le Président de la République lui a demandé de « faire preuve d'humanité ».

L'humanité est un marqueur du Sénat. Oui, mes chers collègues, nous devons en faire preuve. C'est pourquoi le groupe RDSE se félicite de ce que la commission des affaires sociales ait adopté, à l'unanimité, un texte qui améliore « les droits d'absence des salariés à la suite du décès d'un enfant, suivant l'intention initiale des auteurs du texte ».

Comme l'a déjà indiqué Mme la rapporteure, contrairement à ce qui a pu être avancé lors des débats, le texte proposé aux députés était, d'un point de vue juridique, à la fois simple et opérant. Il est vrai, cependant, que le coût du dispositif proposé reposait entièrement sur les entreprises, comme l'a relevé Mme la ministre du travail.

Par ailleurs, il n'est pas très judicieux de supprimer l'instauration d'un congé de deuil de douze jours pour la remplacer par la possibilité ouverte aux partenaires sociaux de conclure une convention ou un accord ouvrant au salarié le droit de prendre les congés payés et les jours de RTT qu'il a acquis dans la foulée du congé pour décès d'un enfant. En conditionnant à un accord d'entreprise ou de branche le droit de prendre des congés payés ou des jours de RTT après un congé pour décès d'un enfant, la nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est bien en deçà de la rédaction du texte issu des travaux de sa commission, qui garantissait à tous les salariés au moins le droit de prendre des jours de congé à la suite d'un congé de deuil.

Face à la polémique, madame la ministre, vous avez reconnu une « erreur collective » et, monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé le lancement d'une concertation pour améliorer les mesures de soutien aux parents endeuillés par la mort d'un enfant.

La commission des affaires sociales du Sénat a incontestablement fait preuve d'humanité sur plusieurs points.

Tout d'abord, concernant l'article 1er, la commission, sur proposition de notre rapporteure Élisabeth Doineau et du Gouvernement, a porté de cinq à sept jours la durée du congé pour événement familial en cas de décès d'un enfant de moins de 25 ans.

Elle a, par ailleurs, créé un « congé de répit » de huit jours, pendant lesquels le salarié bénéficierait d'une indemnité journalière de la sécurité sociale. Pour les travailleurs indépendants, les non-salariés agricoles et les demandeurs d'emploi, qui ne bénéficient pas de l'autorisation d'absence financée par l'employeur, la durée du congé est portée à quinze jours et peut être fractionnée, de manière à atteindre la même durée globale que celle qui est accordée aux salariés.

Je salue aussi l'adoption par la commission d'un article additionnel après l'article 1er, qui prévoit d'étendre les dispositions de la proposition de loi aux fonctionnaires et aux agents contractuels.

S'agissant de l'article 2, la commission a estimé que le dispositif de don de jours de repos n'était pas facilement mobilisable immédiatement après le décès d'un enfant. Aussi, sur proposition des deux rapporteurs, elle a défini une période d'un an pendant laquelle ce mécanisme pourrait être utilisé au profit d'un parent endeuillé. Par souci d'harmonisation avec l'article 1er, la limite d'âge des enfants concernés a été portée de 20 à 25 ans et le dispositif a été étendu aux agents publics.

Nous nous félicitons de ce que notre commission ait introduit plusieurs articles pour améliorer les droits sociaux des familles endeuillées.

Même si de nombreuses situations trouvent une solution dans le cadre de la relation du salarié avec son employeur, il est souhaitable de garantir un temps de répit correct pour tous les salariés et de l'harmoniser, dans la mesure du possible, pour l'ensemble des actifs.

Nous devons réfléchir à la manière dont les familles endeuillées devront être mieux accompagnées, car les circonstances des décès ne sont pas les mêmes selon les situations et nous réagissons forcément tous de manière différente. Cela doit être pris en compte dans le texte qui nous sera soumis.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE sera favorable à cette proposition de loi, avec les aménagements proposés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

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