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Proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs

 

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai en laissant la parole à un éleveur. Voici ce qu'il nous dit : « Notre travail n'est pas rémunéré à sa juste valeur. Comment être rentable lorsque les prix de nos productions sont les mêmes qu'il y a trente ans, alors que les charges n'ont pas cessé d'augmenter ? La plupart d'entre nous vendent à perte. »

Cet éleveur, qui a eu le courage de témoigner dans le cadre de la mission d'information sur les moyens mis en œuvre par l'État en matière de prévention, d'identification et d'accompagnement des agriculteurs en situation de détresse que j'ai menée avec Françoise Férat, résume les problèmes que nous connaissons bien : prix non rémunérateurs, non-partage de la valeur, augmentation des charges exponentielle et hausse du prix des matières premières, guerre des prix les plus bas…

Cette proposition de loi offre un débat – un débat de plus…

Ce que les agriculteurs attendent, ce sont des actes et des solutions afin d'atteindre un objectif clair : un véritable partage, décent, de la valeur.

Tel était d'ailleurs l'objectif annoncé de la loi Égalim.

On l'a vu, on le voit, le compte n'y est pas : je rappelle que 20 % des agriculteurs n'ont aucun revenu.

Si j'ai soutenu l'idée de mettre toutes les parties prenantes autour d'une même table et si j'ai participé, avec d'autres, aux États généraux de l'alimentation, car la méthode était bonne, je regrette que celle-ci ait été abandonnée très rapidement.

Il aurait fallu maintenir une relation entre toutes les parties prenantes, car elles sont interdépendantes. Cela nous aurait notamment permis d'évaluer la loi et nous aurions su, ainsi, qui n'a pas respecté ses engagements.

Les enjeux étaient très bien posés, les objectifs étaient clairs et la méthode était bonne.

Qu'a-t-il manqué ? Tout simplement le sens de la réalité !

Dans un marché mondialisé, en effet, les agriculteurs sont des pions. Pièces centrales de la chaîne, sans qui rien ne peut aboutir, ils sont pourtant les plus précaires, car ils dépendent du bon vouloir de leurs partenaires.

Aujourd'hui encore, ils ne fixent toujours pas le prix de leur production ! C'est là le véritable problème. Existe-t-il une autre activité dans laquelle ce n'est pas le producteur qui fixe son prix ? C'est ce qui se passe en agriculture…

Tout le monde sait très bien que, en amont des négociations avec les producteurs, les distributeurs et les industriels ont négocié leur propre relation commerciale, l'objectif étant l'attractivité pour le consommateur. La guerre des prix peut commencer avec, dès le départ, un déséquilibre et un lien non sincère qui pipent les dés au seul détriment des agriculteurs.

Quand le prix des matières premières augmente de 30 %, tout le monde connaît les conséquences implacables que cela entraîne sur le revenu des agriculteurs.

Les bonnes intentions ont parfois des effets inverses de ceux qui étaient recherchés. Ainsi, la concentration des centrales d'achat a aggravé la dépendance des agriculteurs ; ainsi, l'augmentation des seuils de revente à perte a généré des centaines de millions d'euros de marges supplémentaires pour la grande distribution. Un ruissellement vers l'agriculteur était attendu ; or, si cette mesure s'est souvent soldée par davantage de communication en faveur des produits du terroir, donc davantage de ventes sans doute, elle n'a produit aucune amélioration des revenus des agriculteurs : les prix sont restés au plus bas.

Personne ne peut réellement comprendre le désarroi de la profession : aux prix non rémunérateurs s'ajoutent régulièrement les catastrophes naturelles.

Nous en avons vécu une cette année, la gelée noire. Le paysan a pleuré deux fois : le matin du 8 avril, mais aussi au moment de la récolte. Pourtant, il doit continuer, comme si rien ne s'était passé, souvent dans le doute, la solitude et la frustration, alors que ses charges d'exploitation ne s'arrêtent pas de peser.

Dans ces moments-là, il se demande à quoi il sert – toute cette peine pour rien ! Pendant ce temps, nous continuons à chercher quelle loi pourrait permettre aux agriculteurs de vivre mieux…

Selon moi, il faut de véritables mesures coercitives.

En 2008, la loi de modernisation de l'économie (LME) a libéralisé les relations commerciales – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Elle est à l'origine de la guerre des prix menée par les enseignes de la grande distribution, et ce, chacun le sait, au détriment des agriculteurs. Son impact n'a certainement pas été suffisamment mesuré. C'est la LME qui a permis la concentration des coopératives d'achat et resserré l'étau autour des paysans.

Si nous comprenons l'enjeu politique que représente le maintien du pouvoir d'achat du consommateur, il faut poser aussi les enjeux de l'avenir de notre agriculture. Sachant que la moyenne d'âge des agriculteurs est de 55 ans, comment intéresser les jeunes ? Comment leur donner envie de s'installer en l'absence d'une véritable vision partagée ?

Cette proposition de loi comporte quelques mesures positives, comme la non-négociation du prix des matières premières. Règlera-t-elle pour autant la problématique de la rémunération des agriculteurs ?

Réformons la LME : c'est l'une des solutions.

À l'heure où l'e-commerce a su se saisir des perspectives du marché alimentaire, notamment celui du bio, il est urgent d'agir. Les entreprises du net et les plateformes de distribution comme Microsoft et Amazon se sont rapidement implantées dans ce secteur. La part de marché de ce mode de distribution, qui est de près de 8 %, a explosé avec la crise sanitaire et ne va cesser d'augmenter. N'avons-nous pas déjà un train de retard ?

Tout ce qui va dans le sens de l'amélioration du revenu est un pas en avant. C'est pourquoi le RDSE votera cette proposition de loi, même s'il a quelques doutes au regard de la complexité de son application. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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