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Proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour vous, madame la ministre : je veux simplement vous dire que le combat ne fait que commencer !

La délégation aux droits des femmes, à laquelle j’appartiens, apporte toute sa contribution à ce combat ; quelques hommes en font partie et je peux, en tout état de cause, vous assurer que l’ensemble de mes collègues est concerné par ce fléau.

C’est aussi en tant qu’Ultramarin que je me suis engagé personnellement dans ce combat, parce que ce fléau a pris une trop grande importance dans les sociétés d’outre-mer.

Comme notre collègue Françoise Laborde a déjà eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la proposition de loi devant le Sénat le 9 juin dernier, le tabou des violences conjugales est bel et bien en train d’être brisé, à la fois dans notre société, mais aussi dans notre législation grâce à l’adoption ces dernières années d’une série de textes renforçant la prévention et la répression de ces violences très spécifiques qui surviennent dans le secret du huis clos familial.

Cette particularité leur confère une grande complexité. D’abord, parce que ces violences ont des incidences sur les enfants qui en sont malheureusement, la plupart du temps, les premiers témoins, quand ils n’en sont pas aussi les victimes. Ensuite, parce que toute action de prévention et de lutte contre les violences conjugales nécessite des réponses transversales, à la fois sur le plan social, judiciaire, éducatif et législatif.

Le constat ne serait pas complet, si j’omettais d’évoquer le rôle central que tiennent les lanceurs d’alerte par leur vigilance active pour identifier les faits et y mettre fin. Nous avons pu le constater pendant la période récente de confinement qui a été un véritable révélateur de l’ampleur de l’effort à fournir pour gagner cette bataille.

Notre arsenal juridique doit être encore renforcé, car le fléau n’est toujours pas endigué. Les statistiques annuelles de mortalité le prouvent – elles sont toujours aussi cruelles –, mais je ne reviendrai pas ici sur ces données chiffrées, déjà très largement commentées tout au long de l’examen du texte et à l’occasion des travaux de la délégation aux droits des femmes.

Avec les sénatrices et sénateurs de mon groupe, le RDSE, je salue les nouvelles dispositions prévues par la commission mixte paritaire, tout en regrettant néanmoins que le Grenelle contre les violences conjugales ait abouti non pas à une loi-cadre, mais plutôt à une succession de propositions de loi partielles. L’ampleur de ce fléau aurait pourtant nécessité, de notre point de vue, de recourir à une loi-cadre qui aurait été à la mesure de la concertation engagée lors du Grenelle et des espoirs qu’il a suscités, mais également à la mesure des freins qui perdurent, au niveau tant sociétal que judiciaire. Une loi-cadre aurait pu traduire une véritable prise de conscience collective, politique et institutionnelle à la mesure du fléau.

Néanmoins, la commission mixte paritaire réunie le 9 juillet dernier est parvenue à un compromis. Je tiens à souligner tout particulièrement que les apports du Sénat y ont été déterminants, notamment sur les sujets les plus sensibles. Je pense à la restriction de l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences conjugales ou à la limitation du recours à la médiation, conformément à l’avis des experts que nous avons auditionnés tout au long des travaux de la délégation aux droits des femmes.

Si nous les votons aujourd’hui, d’autres mesures seront les bienvenues, comme le fait de décharger de l’obligation alimentaire les descendants ou ascendants des victimes envers les parents auteurs de violences conjugales dans des cas précis comme le meurtre, l’empoisonnement, les violences ayant entraîné la mort ou toute tentative de l’un de ces crimes.

La levée du secret médical sera aussi une mesure déterminante – je dirais même, historique. Tout médecin ou soignant sera désormais en droit d’informer les autorités des faits de violences conjugales sans l’accord des victimes.

Plusieurs articles, dont l’article 1er B, portant sur les modalités de délivrance des ordonnances de protection, ont été supprimés lors de la commission mixte paritaire, mais ils ont été satisfaits à la suite de la publication récente d’un décret venu corriger les effets délétères de celui du 27 mai dernier. Il n’était pas acceptable, en effet, que la procédure administrative de contestation repose sur la responsabilité de la victime, lui imposant des délais de signification intenables de vingt-quatre heures. Sur ce point, nous avons abouti rapidement malgré la période de confinement et grâce à une très forte mobilisation des associations de terrain et des parlementaires membres des délégations.

Le renforcement, avec l’article 1er E, du maintien à domicile de la victime par le droit à l’éviction du conjoint violent est aussi particulièrement notable – c’est une avancée très attendue.

La diminution du délai de préavis imposé au locataire avant de quitter son logement – il passe de trois à un mois – en cas de poursuite ou de prononcé d’une ordonnance de protection pour violences conjugales a donné lieu à discussion.

Même si des inquiétudes persistent, notamment en ce qui concerne le respect du délai de six jours pour délivrer une ordonnance de protection – ce délai ne nous semble pas réaliste –, les principales avancées de ce texte seront des mesures très utiles sur le terrain.

Avec ce texte, le législateur rappellera qu’un conjoint violent ne peut pas être un bon parent. Il traduira cette vérité dans la loi, en restreignant l’autorité parentale et le droit de visite ou de garde qui sont autant d’occasions de perpétuer l’emprise d’un parent violent sur la victime et sur l’enfant, autant de risques de surviolence. La reconnaissance de l’emprise comme violence psychologique sera aussi un changement de paradigme.

Avant de conclure, je souhaiterais m’assurer que, malgré le récent remaniement, la création du nouveau comité de pilotage national pour améliorer la mise en œuvre des ordonnances de protection reste bien à l’ordre du jour.

Madame la présidente, je vous prie de m’excuser de dépasser mon temps de parole. Je voudrais simplement ajouter en conclusion que, pour les membres du groupe du RDSE, le texte auquel a abouti la commission mixte paritaire devrait contribuer à bâtir une prévention plus efficace et une meilleure protection des victimes et de leurs enfants avec des répercussions concrètes. Ce faisant, il participera à ce que la peur change de camp et que la parole se libère. C’est donc unanimement que le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et UC. – Mme Laurence Rossignol et M. Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

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