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Proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale

M. André Guiol. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, .mes chers collègues, examiner ce texte visant à réhabiliter les militaires fusillés pour l'exemple, c'est nous replonger non sans une certaine émotion dans l'un des épisodes les plus tragiques de la Première Guerre mondiale.

En effet, en filigrane de ce texte, apparaît une certaine vision de l'histoire, celle du quotidien brutal et atroce des soldats dans les tranchées, dans la boue, sous la mitraille ennemie, la faim et la peur au ventre. C'est l'histoire touchante de « Ceux de 14 », comme les a nommés Maurice Genevoix dans ses récits rapportés du front de Verdun.

Le poilu André Fribourg l'écrivait en 1915 au journal L'Opinion : « Voilà près d'un mois que je ne me suis ni déshabillé ni déchaussé. Je me suis lavé deux fois : dans une fontaine et dans un ruisseau près d'un cheval mort. Je n'ai jamais approché un matelas. J'ai passé toutes mes nuits sur la terre. »

La Nation a toujours salué le courage et les sacrifices consentis par tous ces hommes réduits à se battre dans des conditions insoutenables, au nom de la patrie et de la liberté, et à en mourir pour beaucoup d'entre eux.

Cependant, dans le tableau de l'honneur de la France, subsiste une ombre, celle des fusillés pour l'exemple. Ce sont ces militaires qui nous occupent aujourd'hui, seulement ceux – il faut le préciser – qui n'ont pas été exécutés pour des crimes de droit commun ou pour espionnage.

Naturellement, dans ce type de débat, la question du rôle du législateur face à l'histoire est bien souvent posée. Pour la majorité des membres de mon groupe, il ne s'agit pas de se conduire un historien. Le travail a été fait, je dirai même bien fait, notamment par l'historien Antoine Prost, qui a rendu en 2013 un rapport au Gouvernement sur les conditions de réhabilitation des fusillés pour l'exemple.

Il s'agit donc avant tout d'endosser la responsabilité de la justice au regard du trouble attesté et largement reconnu jusque dans les discours présidentiels, depuis Lionel Jospin, sur ce régime exceptionnel des fusillés pour la France.

Alors que 639 soldats sont visés par le projet de réhabilitation collective, on sait que l'injustice et l'arbitraire ont concerné une majorité d'entre eux. Notre émotion face au sort de ces jeunes soldats brisés, sans droit à la défense, serait-elle anachronique ? Je ne le crois pas.

Dès 1916, soit en plein conflit, le régime des fusillés pour l'exemple a été remis en question par la suppression des cours martiales et l'ouverture du droit au recours. Cela montre le malaise que la méthode avait suscité dès l'époque et cela explique aussi la concentration des exécutions sur les années 1914 et 1915, comme on l'a souligné. Notre collègue rapporteur a rappelé que certains officiers avaient également été relevés par leurs supérieurs, à la suite d'exécutions.

Certes, on pourrait opposer que, en temps de guerre, la faiblesse n'a pas sa place et que la discipline doit être implacable. Mais il est question ici de situations compliquées et d'interprétations erronées quant à l'attitude de certains soldats pris au piège de l'enfer des tranchées et, bien entendu, de l'absence de droit élémentaire à la défense.

Je pense aussi à ceux qui ont tenu le fusil, à ces jeunes gens qui ont dû tuer, souvent en pleurs, la boule au ventre, leurs camarades et leurs frères de combat : quel traumatisme irréparable !

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de réécrire l'histoire. L'histoire, c'est l'étude et l'écriture des faits ; la réhabilitation, c'est rendre l'estime publique. Il s'agit donc de faire entrer dans la mémoire collective ceux qui en ont été exclus sans ménagement. Ici se rencontrent la justice et la discipline militaire. Tout notre discernement doit être mobilisé.

En tant qu'élus de la République, nous devons contribuer à construire une société plus apaisée. Ne sommes-nous pas dépositaires d'une fraternité bienveillante ? Soucieux d'honorer cette valeur, la majorité de mes collègues du RDSE soutiendront la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

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