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Proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà trois fois en moins d'un mois que nous débattons de sujets agricoles : les retraites, la compétitivité et, aujourd'hui, l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation. Chaque fois, il y a presque le même nombre de sénateurs dans l'hémicycle, nous entendons les mêmes orateurs exprimer les mêmes idées, les mêmes convictions.

 

Pourtant, le contexte au fil des ans reste, lui aussi, le même : perte de compétitivité, perte d'exploitations, perte de foncier, perte de revenu. Nous ne pouvons que constater notre impuissance face à cette situation, face à cette érosion, et nous nous efforçons de poser un petit sparadrap au coup par coup là où cela fait le plus mal.

Notre agriculture ne vaut-elle pas mieux ? Ne peut-on pas se poser pour réfléchir globalement ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été présentée dans les médias comme la loi Égalim 3. Je ne souscris absolument pas à cet intitulé ! Souvenez-vous, Égalim signifie « États généraux de l'agriculture et de l'alimentation ». On a perdu en route les États généraux : c'est bien dommage !

La méthode était la bonne : l'esprit initial était de mettre tout le monde autour d'une table, d'organiser une concertation avec tous les maillons de la chaîne pour qu'ils se parlent et prennent en considération la situation de chacun en vue du respect du coût de production, et donc de l'agriculteur.

Sous couvert du pouvoir d'achat des Français, on sait bien qui a supporté la charge de la guerre des prix : l'agriculteur et, au bout de la chaîne, le consommateur, car les produits d'appel ne sont que des leurres face aux marges réalisées avec les autres produits.

Aujourd'hui que reste-t-il d'Égalim 1 ? Un constat rappelé, dès le départ, par les auteurs de cette proposition de loi : « Pour la troisième fois en cinq ans, le législateur est amené à réglementer les relations entre fournisseurs et distributeurs, ce qui témoigne du climat de défiance qui règne lors des négociations commerciales. »

Il faut donc partir des enjeux et ensuite avoir une vision transversale pour les actions ; sinon, c'est de la stratégie à la petite semaine.

Je déplore le manque de vision pour poser les enjeux : la souveraineté alimentaire, évidemment, mais aussi la santé que procure la qualité de notre alimentation, l'environnement, les emplois non délocalisables, le foncier, etc.

Les problématiques sont transversales : comment assurer le bien-être de nos agriculteurs via une agriculture raisonnée et rémunératrice ? Et comment, demain, donnerons-nous à manger aux 10 milliards d'habitants de la planète ? Nous devons être à la hauteur.

Pour revaloriser ce métier, pour maintenir le nombre de paysans en France et – pourquoi pas ? – en gagner, il est urgent de définir une stratégie nationale avec les organisations professionnelles, l'ensemble des filières et tous les maillons de la chaîne.

Les textes de loi se succèdent, mais ils sont rédigés dans un entre-soi. L'exemple du texte examiné aujourd'hui en est la preuve, avec le débat sur le SRP+10.

Le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte, décidé dans le cadre de la loi Égalim 1, est la « star » depuis quelques jours d'un véritable imbroglio. Certains veulent le maintenir, d'autres l'annuler… L'incertitude sur ses effets positifs ou négatifs est telle que chacun y va de son analyse, sans véritable argument fondé. Les syndicats eux-mêmes ne sont pas en phase avec certaines filières. L'interprofession des fruits et légumes frais, Interfel, souhaite quitter ce dispositif alors que la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) veut le maintenir.

Si, comme la rapporteure l'affirme, les 600 millions d'euros qui devaient ruisseler vers l'agriculture ont été un véritable chèque en blanc offert à la grande distribution, pourquoi le syndicat majoritaire défendrait-il cette mesure ? C'est à n'y rien comprendre, et comment le législateur peut-il trancher sans l'avis de la profession ? Où est l'intérêt des agriculteurs ?

Le texte que nous examinons resserre l'étau sur les distributeurs dans les négociations commerciales ; tant mieux. Mais si l'intention est louable, cela peut se retourner contre les agriculteurs français, car, demain, les quelques groupes qui se partagent la vente pourront faire le choix de produits étrangers moins chers.

Un constat, qui fait frémir, est très clairement exposé dans le rapport : un fournisseur déréférencé par un distributeur peut perdre 20 % de ses ventes, quand l'impact pour le distributeur se limiterait à moins de 2 %. Il y a donc urgence à reprendre un dialogue de raison et de conscience.

Les distributeurs doivent comprendre les enjeux pour notre agriculture, mais aussi les enjeux d'image pour eux-mêmes. Face à des citoyens qui s'intéressent aux modes de production, aux étiquettes, nous pouvons coconstruire des modèles où chacun pourra tirer parti de la vente, ce que l'on appelle couramment un contrat « gagnant-gagnant ».

Je l'ai dit la semaine dernière lors du débat sur la perte de compétitivité, nos voisins, que nous critiquons souvent, ont su mettre en place des organisations professionnelles collectives. Nos filières doivent s'unir pour ne pas être à la merci des distributeurs, car nos agriculteurs perdront toujours le combat entre une industrie agroalimentaire puissante, des organisations professionnelles trop nombreuses et une poignée de distributeurs qui sont toujours gagnants.

Restons positifs : les objectifs des lois Égalim ne sont pas simples, et il a fallu travailler palier par palier…

Mon groupe votera ce texte.

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