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Proposition de résolution proposant au Gouvernement de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les études du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) n’avaient pas réussi à convaincre certains jusque-là, la crise actuelle de l’énergie sonne le glas de l’illusion de son abondance.

 

Notre impréparation généralisée conduit à ce que les États soient dans l’obligation de répondre en urgence à des situations de pénurie. La prospective devient indispensable en matière de stratégie énergétique, qui doit pouvoir être souple tant les incertitudes sont nombreuses pour assurer notre sécurité d’approvisionnement, préserver nos concitoyens, maintenir la vie économique du pays et les emplois.

Si l’électricité constitue un bien de première nécessité, comme l’a admis le Conseil d’État, ce statut n’a malheureusement pas été reconnu pour le gaz, justifiant ainsi en droit la suppression progressive des tarifs réglementés de vente.

Les différents intervenants de la table ronde organisée au Sénat au mois de décembre dernier par la commission des affaires économiques l’ont souligné : le marché européen a été conçu pour gérer l’abondance d’énergie. Depuis sa création, la situation a profondément évolué du fait d’une combinaison de crises sanitaire, géopolitique et climatique. Si les premières n’étaient pas prévisibles, la fin des énergies fossiles et le réchauffement climatique l’étaient bel et bien.

Ainsi, le marché tel qu’il fonctionne aujourd’hui ne peut pas être adapté à ces défis. Des économistes le reconnaissent, ce marché n’incite pas à l’investissement sur le long terme. Il ne répond plus aux promesses avancées au moment de sa création : meilleur coût pour les usagers, sécurité d’approvisionnement, indépendance énergétique.

Comme l’a constaté la Cour des comptes dans un rapport publié au mois de juillet 2022 : « […] les tarifs réglementés de vente (TRV) sont de plus en plus exposés aux variations des prix de marché, au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de production d’EDF ». L’intégration du coût d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs sur les marchés de gros dans le calcul de ces tarifs pour assurer leur contestabilité provoque leur renchérissement.

Mettons donc fin au système de l’Arenh instauré par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome), qui crée une concurrence subventionnée, pénalise EDF et donc les investissements dans la production d’énergie décarbonée, au profit de fournisseurs alternatifs, qui n’ont que très peu produit et sont de simples traders.

Cependant, l’échec actuel du marché n’explique pas tout. Nous avons accumulé un retard considérable sur tous les fronts : renouvelable, nucléaire, efficacité énergétique, économies d’énergie ou résilience des réseaux.

Que l’on préserve des mécanismes concurrentiels ou non, je ne crois pas, pour ma part, que les prix de l’énergie puissent artificiellement baisser. Ils doivent en effet couvrir les coûts de production, qui, eux, augmenteront dans les années à venir au regard du mur d’investissements qui nous attend. Il n’y a pas de magie ! Aussi, la sortie de la France du marché européen de l’énergie, plus qu’une solution, se révélerait fortement déstabilisatrice. Les échanges transfrontaliers doivent être maintenus, sinon développés.

En attendant, assurons-nous que ces prix n’excèdent pas le coût de production auquel il serait ajouté une « marge raisonnable ». C’est le sens de l’adoption en loi de finances de la taxe sur la rente inframarginale, qui devrait rapporter entre 7 milliards d’euros et 11 milliards d’euros en 2023.

Peut-on réellement conjurer la volatilité des prix et la spéculation ? Oui, je le pense. La piste des contrats de long terme à d’autres énergies que les renouvelables semble avancer pour donner de la visibilité à tous les acteurs, de calmer le jeu et de permettre d’investir dans de nouvelles capacités de production avec un peu plus de sérénité.

Certes, l’Union européenne n’a, pour l’instant, proposé que des solutions temporaires. Il est regrettable que chaque État membre continue de négocier des dérogations dans son coin, créant une concurrence faussée. Il est regrettable également que l’on paie l’influence de l’Allemagne sur l’architecture du marché, qui a conduit à des décisions prises aux dépens de ses voisins, en premier lieu de la France. Je pense à la sortie du nucléaire et au soutien fort apporté au gaz pour compenser l’intermittence de leurs énergies renouvelables. Le merit order et la détermination du prix de l’électricité par le coût de la dernière centrale appelée, le plus souvent le gaz, leur bénéficie pleinement !

La réforme doit être étudiée et discutée, afin de dessiner un mécanisme à la fois juste et solidaire au niveau européen. Surtout, le Parlement devrait être informé de manière permanente de l’état de ces négociations et des solutions envisagées.

Le Gouvernement plaide à l’échelon européen pour une décorrélation du prix de l’électricité de celui du gaz, pour un plafonnement du prix de l’énergie sur le marché de gros, qui vient d’être acté, mais la réalité est surtout que la demande est supérieure à l’offre. Ce problème de volume ne constitue pas une situation provisoire.

Aussi, la solution à la flambée des prix de l’énergie n’est pas aussi simple que de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels, ni techniquement, ni économiquement, ni juridiquement. (M. André Gattolin applaudit.)

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