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Question d'actualité sur la réforme des retraites

M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.

« Avec la réforme des retraites, il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements », affirmait Michel Rocard, ancien Premier ministre de François Mitterrand. C'est donc avec courage, madame la Première ministre, que vous vous attaquez à cette réforme.

Au cours des dernières semaines, vous avez beaucoup consulté les partis, les groupes politiques et, bien entendu, les syndicats.

En tant que président du groupe du RDSE, vous m'avez reçu à l'hôtel de Matignon, avec mon collègue Henri Cabanel, en présence des ministres Olivier Dussopt et Franck Riester.

Nous vous avons fait part de nos préoccupations et de nos interrogations, et, au cours d'une discussion franche et ouverte, vous nous avez donné des précisions sur la pénibilité, sur l'usure professionnelle, sur les carrières longues, sur l'emploi des seniors, sur l'avenir des régimes spéciaux, ainsi que sur l'augmentation des pensions minimales.

Vous avez dévoilé hier votre projet, qui vise à fixer l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030, au lieu de 65 ans comme cela avait été envisagé initialement.

Sur ce point, qui cristallise de nombreux mécontentements, pourquoi ne pas maintenir l'âge légal à 62 ans et tenir compte uniquement des trimestres cotisés, qui détermineraient le montant des pensions ? Une modulation de la durée de cotisation selon les situations n'offrirait-elle pas le système le plus équitable, et, par là même, un compromis dans la tradition radicale – mais sans radicalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Requier, je voudrais tout d'abord présenter mes meilleurs vœux à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs, ainsi qu'à leurs équipes et aux services du Sénat.

Monsieur le président Requier, le système de retraite par répartition est au cœur de notre modèle social. Les Français y sont profondément attachés, nous l'avons dit à plusieurs reprises. Je sais que vous-même et votre groupe l'êtes aussi. Je partage cet attachement et, avec mon gouvernement, je suis résolu à agir pour le préserver.

Aujourd'hui, pourtant, chacun le sait, le nombre de personnes qui travaillent par rapport au nombre de retraités diminue, menaçant notre modèle.

Mme Cathy Apourceau-Poly. N'importe quoi !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Aussi, après des mois de concertation, j'ai présenté hier notre projet pour garantir l'avenir de nos retraites.

Il s'agit tout d'abord d'un projet d'équilibre. Nous refusons d'augmenter les impôts ou de baisser les pensions : le seul chemin possible est donc de travailler progressivement plus longtemps.

Comme vous l'avez souligné, nous porterons l'âge légal de départ à 64 ans en 2030 et nous allons également accélérer la mise en place de la réforme Touraine, pour atteindre 43 années de cotisations en 2027. Comme vous le voyez, cela rejoint les grandes lignes du dispositif voté par le Sénat depuis plusieurs années.

Quant à l'âge d'annulation de la décote, il est fixé à 67 ans et il le restera ; c'est important pour les nombreuses femmes qui doivent travailler jusqu'à cet âge pour ne pas subir de décote sur leur pension.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qu'en est-il de l'égalité des salaires ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Grâce à cela, notre système sera à l'équilibre en 2030.

Je suis bien consciente de ce que cela signifie pour nombre de nos compatriotes. C'est pourquoi nous avons construit un projet de justice. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Celles et ceux qui ont commencé à travailler plus tôt pourront partir plus tôt ; les carrières des femmes, souvent incomplètes ou hachées, seront mieux prises en compte ; la pénibilité des métiers sera mieux reconnue ; enfin, nous continuerons à tenir compte des plus fragiles : un départ à 62 ans sera toujours possible pour les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude.

Au total, quatre Français sur dix, souvent les plus fragiles, les plus modestes, celles et ceux qui ont des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Arrêtez !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. J'ajoute que la justice, c'est aussi fermer la plupart des régimes spéciaux, car le même métier doit donner la même retraite.

Ce n'est pas tout : notre projet sera porteur de progrès social. (Rires ironiques sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. On aura tout entendu !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Conformément à l'engagement du Président de la République, nous allons augmenter la retraite minimale pour une carrière complète au niveau du SMIC à 85 % de ce dernier, soit une hausse de 100 euros par mois, et cela dès cette année.

Nous avons aussi entendu l'appel de plusieurs groupes politiques et d'organisations syndicales et patronales, et je vous confirme que l'augmentation de la retraite minimale concernera bien les retraités actuels. Au total, près de deux millions de Français verront leur pension revalorisée dès cette année. Cela concerne d'abord des femmes, des commerçants et des artisans qui ont travaillé toute leur vie : il s'agit d'un progrès social majeur.

Enfin, nous voulons rendre aux salariés proches de la retraite toute leur place dans l'entreprise, avec davantage de transparence sur les politiques des employeurs, avec l'assouplissement de la retraite progressive et avec un cumul emploi-retraite plus avantageux.

Monsieur le président Requier, aujourd'hui, mon ambition, partagée par mon gouvernement et tous ceux qui veulent préserver notre système de retraite par répartition, est de convaincre autour de ce projet et de chercher à l'améliorer avec le Parlement – je sais que le Sénat y prendra toute sa part –, afin de construire, ensemble, un système juste, équilibré et porteur de progrès social. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Au Sénat, il n'y aura pas de 49.3 et certainement pas de question préalable. Le débat ira à son terme, et notre groupe y prendra toute sa part.

Permettez-moi un bref rappel historique. Au début du règne de Louis XVI, Turgot a été appelé comme contrôleur général des finances en raison de l'importance du déficit. Il a proposé des mesures audacieuses et ambitieuses, parmi lesquelles la suppression de certains privilèges. Pour les justifier, il a eu cette formule : « La réforme plutôt que la révolution ». Sa réforme n'a pas été mise en œuvre ; quelques années plus tard, la Révolution commençait.

Je forme le vœu que cette réforme des retraites ne débouche pas sur une révolution ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

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