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Débat sur les partenariats renouvelés entre la France et les pays africains.

M. Jean-Noël Guérini. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis quelques années, les relations entre notre pays et le continent africain sont devenues un long bulletin de mauvaises nouvelles qui, malheureusement, ne cessent de se répéter.

Dans ce contexte, les échanges qui nous rassemblent ce soir revêtent une importance que nul ne doit sous-estimer. Au risque d'être lapidaires, nous pourrions les résumer de manière prosaïque par une question : comment sauver la place de la France en Afrique ? Cette formulation peut sembler brutale, j'en conviens, mais il serait sans doute présomptueux d'imaginer que les solutions sont faciles.

Un récent rapport d'information sur les relations entre la France et l'Afrique analyse sans concession la situation et esquisse des pistes qui doivent être entendues et discutées. Oui, les relations actuelles avec certains États africains sont contestées, affaiblies, voire inexistantes, et les raisons du ressentiment sont multiples.

L'impératif d'aide au développement pour ce continent s'efface derrière nos leçons en matière de démocratie, s'estompe à mesure que notre présence sécuritaire est remise en cause et succombe à nos débats européens sur la gestion migratoire.

Il appartient au Gouvernement et à l'ensemble des acteurs concernés de dégager une autre voie. Cela suppose des réformes allant au-delà des traditionnelles déclarations d'intention et des grands discours, dont nous sommes malheureusement friands en matière de relations internationales.

Inutile de cacher que notre politique africaine a suscité bien des promesses, régulièrement suivies de bien des désillusions. Je mesure avec une pointe d'amertume que le constat dressé par ce rapport est cruel et sans appel. Alors que le continent africain est entré de plain-pied dans la mondialisation, nos perceptions et conceptions sont trop souvent restées imprégnées d'une culture datée.

Oui, mes chers collègues, nous pouvons le regretter et le déplorer, mais le diagnostic de ces relations bien affaiblies et erratiques est posé : l'Afrique n'est plus notre pré carré. Elle est devenue une mosaïque de territoires, qui ne ressemble plus à l'univers postcolonial qui a pu guider nos choix.

En 2050, un Africain sur deux aura moins de 25 ans, et cette jeunesse ne se privera pas de contester le pouvoir de ses élites, toujours fortement francophiles. Ces critiques, si nous ne changeons pas de cap, se renforceront et entraveront sérieusement le rétablissement de relations partenariales sereines.

Nos intérêts, que nous croyions solidement ancrés par des liens tissés sur le temps long et que l'on pensait solides malgré les heurts qui ont accompagné les différents processus de décolonisation, sont désormais directement concurrencés par la Chine conquérante, la Russie milicienne et la Turquie pragmatique.

Comment, face à cette évolution irréversible, mettre en place et faire vivre des relations équilibrées et responsables ? Sans céder à la provocation, je suis tenté de m'interroger à haute voix : avons-nous, face à ces fractures, face à ces ruptures, une stratégie ?

Depuis l'intervention française au Mali, en 2013, notre stratégie est essentiellement militaire, et elle a pris le pas sur les efforts diplomatiques mis en place au cours de la seconde moitié du siècle dernier. Cette évolution répondait à d'évidentes et indispensables motivations, liées à la lutte contre le terrorisme et à la nécessité de sécuriser la bande sahélienne. À plusieurs reprises, nous avons débattu ici de l'opportunité des interventions militaires et des difficultés associées à notre présence armée.

Sans négliger les impératifs de ces engagements, j'insiste sur la nécessité de retisser des liens avec les pays africains, en se gardant de renouveler les errements et les erreurs du passé. Mais serons-nous suffisamment résilients ?

C'est le point sur lequel j'entends insister devant vous, mes chers collègues. Au demeurant, plusieurs interventions du Président de la République ont souligné la nécessité de bâtir une nouvelle politique africaine, en évoquant l'importance de sortir des pièges de ce qu'il est convenu d'appeler la Françafrique.

Prenons pour exemple l'impact, relatif, du bon travail réalisé par l'Agence française de développement (AFD). Celle-ci a permis d'investir sur le continent quelque 16 milliards d'euros entre 2020 et 2022. Pourtant, les populations locales ne perçoivent pas ces aides, considérées comme trop orientées vers les infrastructures, au détriment d'initiatives moins ambitieuses, mais repérables par les habitants.

D'aucuns insistent sur l'importance d'une communication plus soutenue, qui permettrait, je n'en doute pas, de valoriser le réel savoir-faire dont nous disposons en ce domaine. Mais peut-on se contenter de circonscrire ces efforts à un faire-savoir, qui les réduit à une politique d'influence, dont les volumes seront toujours dévalorisés s'ils sont comparés à certaines opérations engagées par une Chine omniprésente ?

Oui, refaire de la coopération un élément précis est indispensable, mais ce changement doit s'accompagner d'une réelle redéfinition des enjeux en faveur d'une coopération novatrice et dynamique. Afin d'être efficace et placée au diapason des conséquences du réchauffement climatique sur les mouvements de population, elle appelle une ambition plus soutenue et plus marquée.

Les propositions de financements innovants dans cette région ne manquent pas. Nos domaines de coopération devront en tenir compte et privilégier des axes ambitieux en faveur du développement des énergies renouvelables, de l'éducation et de l'économie numérique.

Alors que l'Afrique est désormais inscrite dans un cadre de développement privilégiant le multilatéralisme tout en redéfinissant ses outils, la France devrait s'engager sur le chemin de coopérations stratégiques et tourner la page de l'action unilatérale. Elle est une actrice historique, qui doit pouvoir jouer un rôle clé dans cette évolution des partenariats pour construire l'avenir du continent africain.

Afin de donner un plein essor à ces politiques, tout en retrouvant une crédibilité émoussée par certains en matière de respect des droits démocratiques, pourquoi ne pas s'inscrire avec audace dans ce mouvement ?

Pour être crédible, la France doit apporter la preuve que sa volonté d'action ne témoigne pas de la volonté de maintenir un ordre suranné et dépassé. C'est très vraisemblablement dans des initiatives de coconstruction, rassemblant plusieurs partenaires, et en affichant sans cesse le souci de s'inscrire dans la résolution des difficultés concrètes que nous reconstruirons ces relations.

Profitons donc des difficultés actuelles pour effectuer le changement que les crises imposent. Il faut du courage, de la volonté et sans doute un peu d'audace. Autant de qualités qui ne font pas défaut à notre pays, ni, j'en suis convaincu, à nos ministres, à nos diplomates, à nos décideurs et aux élus que nous sommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. Très bien !

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