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Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, 642 milliards d'euros de dépenses et 631 milliards d'euros de recettes : voilà l'essentiel de ce que nous nous apprêtons à voter. C'est un budget colossal, marqué par un déficit tout aussi colossal de plus de 10 milliards d'euros l'an prochain.

Alors que nous approchions l'équilibre avant le covid et que nous espérions une amélioration avec la fin de la crise sanitaire et la réforme des retraites, les prévisions pour les années à venir ne sont pas très optimistes.

L'annexe A de ce projet de loi prédit un déficit des branches maladie et vieillesse plus élevé en 2027 qu'en 2024, alors même que les prévisions de croissance seraient surestimées, d'après l'analyse du Haut Conseil des finances publiques. Une telle trajectoire a été rejetée par la grande majorité des membres de cet hémicycle.

Pour notre groupe, ce rejet traduit notre inquiétude sur la soutenabilité de notre système de santé, notre inquiétude pour les générations futures, à qui nous transmettons cette dette, et notre inquiétude relative à une financiarisation de la santé.

Toutefois, admettons-le, la situation est complexe. Entre réduire les dépenses – mais quelles dépenses ? –, alors même que les hôpitaux peinent à trouver de l'argent, et augmenter les recettes sans porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises ni dégrader le pouvoir d'achat de nos concitoyens, le champ d'action est particulièrement étroit.

À l'horizon 2050, la population française comptera près de 20 millions de personnes âgées, dont 4 millions seront en perte d'autonomie. À cela s'ajoutent l'explosion des maladies chroniques et l'arrivée de nouvelles thérapeutiques innovantes, plus coûteuses.

C'est une évidence : nous aurons besoin de plus de soignants, à qui nous devrons proposer de bonnes conditions de travail. Il n'est donc pas difficile de comprendre que certaines dépenses de santé continueront de croître.

Pour autant, nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader encore sous nos yeux. Nous sommes ainsi convaincus qu'un travail de fond et de long terme doit être mené.

Nous devons examiner courageusement et sans tabou la pertinence des soins. Le coût de la gestion administrative de notre système de santé est pointé du doigt par la Cour des comptes. Selon cette dernière, si le système français a l'avantage de garantir un « reste à charge particulièrement faible », il est « particulièrement coûteux en frais de gestion ». Elle préconise aussi de faire en sorte que les financements de la sécurité sociale et des mutuelles, dont les frais de gestion augmentent, ne se superposent plus, ce qui est souvent le cas à l'heure actuelle.

La suradministration représente 5,6 % des dépenses totales de santé, notamment du fait de la trop grande centralisation de notre système. Nous devons aller plus loin dans la décentralisation, faire confiance aux territoires et acteurs de terrain, comme d'autres pays en Europe s'y sont employés.

En attendant, des pistes de réduction des dépenses existent. Outre les mesures de lutte contre la fraude, bien enrichies par le Sénat, l'accent doit surtout être mis sur la prévention et l'éducation à la santé. Nous soutenons toutes les mesures qui vont dans ce sens. Sur la vaccination contre le papillomavirus, la campagne nationale menée dans les collèges est une excellente initiative, de même que sa généralisation dans ce PLFSS. En effet, le papillomavirus est à l'origine de 6 400 nouveaux cas par an. C'est un véritable enjeu de santé publique. Vaccination et dépistage peuvent ouvrir la perspective d'une éradication du cancer du col de l'utérus.

Compte tenu de la forte désinformation concernant ce vaccin, de la peur agitée sur des risques supposés, mais jamais démontrés, nous insistons sur l'importance de renforcer l'information des jeunes et de leur famille en amont des campagnes de vaccination. C'est l'objet d'un amendement qui a été adopté.

À titre personnel, mon incompréhension demeure quant au rejet de toute taxe supplémentaire sur l'alcool, alors que la méthode a montré son efficacité pour le tabac et que l'on connaît parfaitement les risques majeurs que la consommation d'alcool fait peser sur la santé. À l'origine de 41 000 décès par an en France, deuxième cause de mortalité évitable, l'alcool coûte 102 milliards d'euros par an à la société.

Plus de recettes pour la prévention, moins de dépenses pour des maladies graves qui seront évitées : tels sont les enjeux de la taxe comportementale, qui ne doit pas être opposée – je le répète – à l'information et à l'éducation.

J'espère que nous pourrons avancer, dans le cadre du PLF, sur le prix minimum de l'alcool, dans la mesure où nous n'avons pas pu présenter dans ce PLFSS un amendement sur ce sujet, pour cause d'irrecevabilité.

Toujours en matière de prévention, nous nous félicitons de voir enfin un premier pas fait en faveur du remboursement de l'activité physique adaptée pour les patients atteints de cancer. C'est un sujet que je défends de longue date, et je suis satisfaite de voir l'amendement de notre groupe adopté, avec le soutien du Gouvernement et de la commission.

Pour les autres mesures visant à réduire les dépenses, je soutiens à titre personnel certaines dispositions du texte issu de l'Assemblée : l'application sans délai de la réforme de la tarification à l'activité (T2A), l'interdiction de prescrire des arrêts de travail de plus de trois jours en téléconsultation, l'incitation aux transports sanitaires partagés ou encore la délivrance de médicaments à l'unité, en cas de rupture d'approvisionnement.

Ce sont des mesures de sobriété et de bon sens, dont certaines, et je le regrette, ont été supprimées.

Nous nous réjouissons de l'adoption de certains amendements que nous avons défendus. Il s'agissait d'amendements de justice, de cohérence et de simplification, visant notamment à reporter la date d'inscription des départements volontaires au nouveau régime de financement des Ehpad, à pérenniser le dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) et à donner aux EPCI gérant des aides à domicile les mêmes avantages que ceux qui sont donnés aux centres communaux d'action sociale (CCAS).

Pour toutes ces raisons, après avoir mis en balance les bonnes mesures et les moins bonnes mesures, les amendements adoptés et les dispositions encore manquantes, la majorité du groupe RDSE s'abstiendra sur ce texte.

Avant de finir, j'aimerais insister sur l'importance d'acter, comme le ministre de la santé s'y est engagé, la suppression du coefficient de minoration pour les établissements privés à but non lucratif. Il pénalise injustement les centres de lutte contre le cancer et des hôpitaux, qui, sur de nombreux territoires, dont le mien, assurent seuls les missions de service public auprès de la population.

J'aimerais également vous parler de mon département, qui se trouve aux frontières de la Belgique et du Luxembourg. Nous subissons une double peine : outre la situation nationale de pénurie de soignants, la concurrence frontalière fragilise grandement nos hôpitaux et nos soins de premier recours. Nos professionnels de santé sont « aspirés » – le mot n'est pas beau, mais il reflète bien la réalité – par le Luxembourg, où les salaires sont jusqu'à trois fois plus élevés.

J'ai proposé par amendement la prise en compte de la concurrence frontalière dans la définition des zones bénéficiant du coefficient géographique. Si cet amendement a été rejeté, le ministre a semblé ouvert à d'autres pistes. Nous avons besoin du Gouvernement pour avancer sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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