Projet de loi de finances pour 2023 : mission "relation avec les collectivités territoriales"
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, je ne déposerai pas de liste de courses pour mon département du Pas-de-Calais, non plus que pour mon bassin minier natal, mais je me propose de laisser quelques subsides à ma collègue Maryse Carrère qui lutte contre le loup et l'ours ! (Mme Maryse Carrère rit.)
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Elle a bien raison !
M. Jean-Pierre Corbisez. Mes chers collègues, les élus locaux, que nous avons la charge de représenter, ont toujours su faire preuve de réactivité et de responsabilité. Ils ont répondu présents quand il s'est agi d'accompagner l'État dans la crise sanitaire qui a frappé notre pays. Il est grand temps que ce dernier restaure la relation de confiance qu'il doit entretenir avec les collectivités territoriales.
Hélas, le budget que nous examinons aujourd'hui ne traduit pas un tel effort. Au-delà des effets de périmètre exposés dans les travaux de nos rapporteurs, force est de constater que les autorisations d'engagement et les crédits de paiement stagnent, voire baissent, alors que nos collectivités doivent faire face à un contexte inflationniste particulièrement difficile.
Ce signal est bien peu encourageant quand, dans le même temps, les mesures prises par le Gouvernement contraignent chaque jour davantage les marges de manœuvre de nos territoires. Même si l'État compensait à l'euro prêt les recettes fiscales précédemment tirées de la taxe d'habitation et de la CVAE, leur autonomie en serait ainsi réduite progressivement.
Le levier fiscal, nous le savons tous, est l'un des rares outils que les élus ont la possibilité d'actionner pour se donner des marges de manœuvre, notamment afin d'investir pour maintenir le dynamisme de leur territoire et accompagner son développement.
Aujourd'hui, ils ne le peuvent plus ! Dans l'ensemble, nous observons des velléités de contraindre les dépenses de fonctionnement des collectivités. Il s'agit d'un véritable coup de poignard dans le dos, tandis que, dans le même temps, les déficits de l'État s'envolent.
Madame la ministre, ce message d'infantilisation adressé aux exécutifs locaux démontre, oserai-je dire, un réel mépris, bien éloigné du lyrisme du discours présidentiel appelant à une véritable décentralisation. « Chiche ! » serait-on pourtant tenté de lui répondre.
Quand bien même on constate une stabilité de l'enveloppe pour le bloc communal – il faut s'en féliciter, malgré tout –, la croissance inédite de l'inflation, qui se poursuivra en 2023, se traduira par une contraction des budgets locaux, donc par une moindre capacité à investir.
M. Didier Marie. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Corbisez. À quand l'indexation de la DGF sur l'inflation, réclamée par les associations d'élus ?
Un petit motif de satisfaction réside, pourtant, dans la revalorisation du budget consacré à la préservation de la biodiversité et dans son ouverture plus large aux communes situées dans le périmètre d'un parc national.
Nous soutiendrons, par ailleurs, les amendements proposés par nos rapporteurs concernant les procédures d'octroi des dotations de l'État destinées à l'investissement, car ils visent à renforcer l'information des élus locaux sur les décisions prises par le préfet. Ce point est sensible, dans la mesure où le recours aux appels à projets pour l'attribution d'un certain nombre de subventions cause de réelles difficultés aux plus petites collectivités, lesquelles sont peu outillées pour y répondre.
Or il est de la responsabilité de l'État de garantir l'égalité de traitement, en simplifiant les procédures ou en accompagnant mieux les communes dans la constitution des dossiers.
Quant à la compensation de la participation des communes aux missions de l'État, celle-ci doit être renforcée, dans une véritable logique de partenariat et de coopération, et non dans un esprit de contrainte ou de prescription. J'ai ainsi en mémoire l'épineuse question de la délivrance des titres sécurisés ou celle de la contribution des communes aux frais d'installation et de fonctionnement des agences France Services.
L'ambition qui présidait à cette dernière initiative est louable, mais les modalités de sa mise en œuvre ont constitué, à mon sens, un véritable affront pour les communes. Chacune d'entre elles offre un lieu d'accueil, bien identifié par nos concitoyens ; plutôt que de lancer un nouvel appel à projets, il aurait été plus simple, plus efficace et plus respectueux de leur attribuer une dotation supplémentaire pour leur permettre de remplir ces missions.
Les retours que nous avons des élus locaux, qui sont au quotidien au contact de leurs habitants, semblent indiquer que France Services n'est pas partout une réussite. Gageons que nos communes auraient su mieux faire.
Avant de conclure, je réitérerai la demande déjà formulée par mon groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen : nous souhaitons débattre d'un véritable projet de loi de finances dédié aux collectivités territoriales, sorti du projet de loi de finances annuel, comme le sont les dépenses de sécurité sociale, examinées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est à ce prix que nous pourrons enfin construire une relation équilibrée entre l'État et les collectivités et reprendre sereinement nos discussions sur la préparation d'un nouvel acte de décentralisation.
Les membres du groupe RDSE se positionneront en fonction du sort des amendements qu'ils ont déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Michel Canévet applaudit également.)
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