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Projet de loi de finances pour 2024

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est impossible d'aborder ce budget sans dire qu'il s'agit en réalité d'un exercice d'équilibriste.

 

Monsieur le ministre, je dois reconnaître que vous n'avez pas manqué de souplesse pour exécuter ce grand écart entre des exigences contradictoires : d'un côté, réduire le déficit budgétaire et l'endettement de notre pays, de l'autre, soutenir le pouvoir d'achat des Français et investir dans la transition écologique ou le régalien.

Pour le dire autrement, puisqu'il faut poser le cadre de cet exercice budgétaire, reconnaissons avec lucidité que, d'une certaine façon, nous sommes confrontés à la quadrature du cercle.

Il en résulte un budget que je crois pouvoir résumer en trois mots : inquiétant, engagé, mais subi.

Si j'évoque un budget inquiétant, c'est parce que l'on a envie de vous suivre, monsieur le ministre, mais qu'en même temps on n'est pas sûr d'avoir confiance dans les hypothèses sur lesquelles il se fonde.

Vos hypothèses sont jugées trop optimistes par tous les experts : vous vous appuyez sur une croissance à 1,4 % du PIB, un reflux marqué de l'inflation, qui chuterait à 2,6 %, une baisse des dépenses de l'État, alors que ce n'est jamais arrivé depuis 2015, une amélioration du solde budgétaire à hauteur de 27,6 milliards d'euros, un déficit public qui passerait de 4,9 % à 4,4 % du PIB, la prévision d'une hausse de la consommation et de l'investissement des ménages, malgré des taux d'intérêt élevés, et alors que de nombreux Français se tournent en priorité vers l'épargne.

Certes, vos prévisions macroéconomiques pour 2023 se sont révélées justes – je pense notamment à la croissance. Certes, les bons résultats économiques obtenus jusqu'à présent en termes d'emploi et d'activité ont débouché sur un réel dynamisme des recettes fiscales. Certes, la nouvelle démarche des revues de dépenses devrait être un outil de bonne gestion, avec à la clef sûrement des économies et des gains d'efficience.

Mais ce budget s'apparente à une architecture complexe, qui reposerait sur une poutre dont on mesure mal la résistance. J'espère que nos débats viendront étayer cette impression et apporteront des réponses concrètes à nos inquiétudes.

Il s'agit également, pour le groupe RDSE, d'un budget qui se veut engagé. Je dis bien « qui se veut » parce que, si la volonté du Gouvernement de soutenir le pouvoir d'achat, d'accélérer la transition écologique et d'investir dans les fonctions régaliennes est louable, il n'en demeure pas moins que les marges de manœuvre sont limitées et que les mesures réelles ne seront à l'évidence pas à la hauteur des effets d'annonce.

Ainsi, l'indemnité carburant pour les plus modestes n'est qu'une mesure purement symbolique : 100 euros par an quand vous faites vingt ou trente kilomètres par jour pour vous rendre au travail, c'est une somme dérisoire.

Il convient d'aborder avec prudence la question des transports dans le monde rural. L'abandon des énergies fossiles et la transformation de nos habitudes doivent faire l'objet d'un accompagnement des pouvoirs publics, y compris à destination des classes moyennes. Attention aux bonnes idées vertes qui déclenchent des colères noires et finissent sur des ronds-points jaunes. (Sourires.)

M. Christian Bilhac. Très bien !

M. Raphaël Daubet. De la même façon, écarter nombre de communes du prêt à taux zéro est une erreur funeste. Une fois de plus, ce sont les territoires ruraux qui sont oubliés. Justifier cette mesure par la maîtrise de l'artificialisation des sols ne peut que faire bondir les élus locaux, englués dans la coûteuse et interminable élaboration de plans locaux d'urbanisme intercommunaux qui sont déjà censés viser cet objectif.

On nous dit que ces territoires ne sont pas en tension. Mais bien sûr qu'ils le sont ! Seulement, les tensions sont bien différentes : dans ces secteurs, combien d'entreprises, parfois des fleurons de notre industrie, peinent à honorer leurs carnets de commandes, faute de main d'œuvre ? Sans compter que l'enjeu démographique et celui du vieillissement menacent nos services publics, nos écoles, nos commerces...

En revanche, l'indexation des prestations sociales et des retraites sur l'inflation, de même que la lutte contre la fraude fiscale, sont évidemment d'excellentes mesures.

Le groupe du RDSE salue aussi l'effort en faveur des collectivités locales même si, à notre avis, il reste très insuffisant au regard des besoins.

Les communes et communautés de communes font face à un défi majeur. Alors qu'elles doivent s'engager dans une nouvelle ère à travers leurs investissements sur le terrain, qu'elles sont les seuls maîtres d'ouvrage de la transformation du pays, de la rénovation des infrastructures sportives, des écoles, des monuments, qui sont parfois à bout de souffle, du remplacement des réseaux en fin de vie, qu'elles ont la charge de concrétiser la transition dans les territoires, elles sont confrontées, dans le même temps, à un affaiblissement de leurs marges de manœuvre en raison du relèvement du point d'indice de la fonction publique territoriale et des effets de l'inflation.

L'augmentation de 220 millions d'euros de la DGF, tant attendue, est bienvenue, mais largement insuffisante.

Sur le papier, l'engagement pour la transition écologique est remarquable : 10 milliards d'euros. Mais là encore, les résultats seront-ils au rendez-vous des prévisions ?

Cette semaine, 800 millions d'euros de crédits non consommés dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov' ont été annulés pour 2023. Et pourtant, on décide d'augmenter ces mêmes crédits de 1,6 milliard d'euros pour 2024. Est-ce pertinent ? Nos dispositifs sont si complexes et exigeants qu'ils détournent finalement les Français de la rénovation énergétique au lieu de les encourager à l'entamer sérieusement.

En définitive, nous nous retrouverons, en fin d'année 2024, à réaffecter des sommes colossales à de tout autres actions.

En revanche, la bascule vers la fiscalité verte et le crédit d'impôt en faveur de l'industrie verte auront sans doute des effets concrets sur l'accélération de la transition écologique.

Le groupe du RDSE appelle à la prudence s'agissant de la généralisation des budgets verts. Certes, la valorisation des projets vertueux est souhaitable, mais prenons garde à la tentation de coter la vertu des actions municipales dans des tableurs Excel.

Mme Christine Lavarde. Très bien !

M. Raphaël Daubet. Quelle interprétation les institutions et la population feront-elles à terme de ces données ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Raphaël Daubet. Le groupe du RDSE salue également l'effort en faveur de l'école de la République, qui traverse une crise d'identité très profonde, alors même qu'elle doit contribuer à l'émancipation de nos enfants, au retour de l'ordre républicain, à la lutte contre les communautarismes, et apporter une solution aux problématiques d'intégration. Rien que cela ! (M. Christian Bilhac applaudit.)

J'attire encore une fois votre attention sur l'enjeu majeur que constituent la recherche et l'enseignement supérieur. Il faut plus encore pour préparer l'avenir.

En outre, ce budget consacre des augmentations de crédits pour soutenir les fonctions régaliennes : défense, intérieur, justice. Il s'agit de choix stratégiques qui correspondent, pour nous, à une saine décision du Gouvernement.

J'en terminerai par là, in cauda venenum ! Ce budget est un budget subi, autrement dit un budget qui s'inscrit dans la continuité, ou pis, dans la continuation. C'est le budget d'un pays qui peine visiblement à se réformer, qui ne parvient pas à remettre en cause son organisation administrative.

À la lecture de ce projet de loi de finances pour 2024, on ne peut pas ne pas s'interroger sur la pesanteur de l'héritage, des habitudes et du conservatisme dans nos politiques publiques, sur le poids de la dépense publique et l'obésité d'une partie de nos administrations qui grèvent le déficit public.

Quelle rationalisation administrative nous propose-t-on ? Ce projet n'est pas lisible. Il est grand temps que la simplification, que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, se concrétise.

On observe en outre que les prévisions en termes d'embauches, dont certaines sont bien sûr utiles et attendues – mais d'autres moins –, sont en contradiction avec la loi de programmation des finances publiques. On s'appuie, pour investir, sur un tas d'opérateurs et d'agences, qui coûtent cher en fonctionnement et qui ne sont, au fond, que des interfaces entre l'État et les territoires.

L'ambition du plan France 2030 et le cap clair et volontariste de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 impliquent des investissements massifs et rapides, des courroies de transmission raccourcies, et un délestage courageux de tout ce qui pèse inutilement sur l'organisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. le rapporteur général applaudit également.)

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