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Projet de loi de finances pour 2024 - agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quel monde agricole aurons-nous à faire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd'hui ?

Non, ce n'est pas de la provocation. Je pose ces deux questions de façon sincère. C'est tout le sens des budgets et des lois que nous votons dans nos assemblées. Il y en a beaucoup ; elles se succèdent dans tous les domaines. Pour ne parler que d'agriculture, je citerai la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, les deux lois Égalim, la loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi Sempastous, etc.

Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent. À ces problématiques s'ajoutent des enjeux transversaux auxquels, un jour, il faudra bien réfléchir ensemble, et non plus en silo, comme on le fait trop souvent. Mais quelle évaluation faisons-nous de nos politiques publiques ? Et quel impact nos différentes lois ont-elles ?

Le premier enjeu est bien celui de la souveraineté alimentaire, nous l'évoquons dans tous nos débats. Aujourd'hui, il existe une réalité dont on ne peut s'affranchir et qui recouvre plusieurs aspects. Par exemple, notre dépendance à l'importation de viande est de 30 %, elle atteint même 50 % pour les poulets. Je citerai aussi ces chiffres forts : notre pays ne compte plus que 400 000 agriculteurs, dont 50 % partiront à la retraite d'ici dix ans. Cela pose le problème de l'attractivité du métier, de la transmission des exploitations et du foncier.

Deuxième enjeu : l'environnement. Les changements climatiques nous ont obligés à revoir nos modèles de production. Les agriculteurs français ont su s'adapter : en témoignent la haute valeur environnementale (HVE), l'agriculture raisonnée et le bio.

Mais dans un contexte d'inflation qui réduit le pouvoir d'achat des Français, et en raison d'une situation géopolitique dramatique qui a eu des incidences sur certains matériaux, les produits bio sont vendus au prix des produits conventionnels. Résultat : moins de conversions, et même des déconversions !

Les crises, qu'elles soient sanitaires ou climatiques, se succèdent. Il y a deux jours, je me suis rendu à un colloque sur le mal-être en agriculture où il été question de « permacrise ».

L'agroclimatologue Serge Zaka, que j'ai rencontré récemment, propose un postulat : exit la monoculture ! Nous devons pousser les agriculteurs à diversifier leur production pour limiter les risques ; il faut aussi revoir nos modèles et nous adapter sans cesse.

Enfin, il convient d'avancer sur les paiements pour services environnementaux (PSE) : cela fait des années qu'ils existent et qu'on en parle, mais la complexité des critères est telle qu'ils demeurent confidentiels. Pourtant, je reste persuadé qu'ils sont la solution pour nos agriculteurs, qui, au-delà de nous nourrir, maintiennent le cadre de vie et favorisent le tourisme vert. Ils permettent également de maintenir les espaces ouverts, luttant ainsi contre les incendies, comme c'est le cas dans mon département.

Troisième enjeu : l'économie. Le prix n'est plus rémunérateur depuis des années. Le juste prix n'existe pas et un travail avec le négoce, les transformateurs et la grande distribution doit se poursuivre – s'opposer ne fera jamais avancer !

La lourdeur administrative fait perdre du temps aux agriculteurs déjà épuisés. Pensons une simplification qui soit faite non pas seulement pour eux, mais par eux et avec eux. Est-il vraiment si compliqué de simplifier ? Méditez cet exemple récent : un jeune a dû rembourser une partie de sa dotation jeunes agriculteurs (DJA), car, covid et inflation obligent, il n'a pas pu assumer son plan d'investissement – la double peine ! Ne pourrait-on pas appliquer un délai en fonction des aléas vécus ?

Concernant les accords internationaux, des évolutions sont là encore nécessaires. Imposons des clauses miroirs : il est scandaleux que des produits rentrent en France sans être soumis aux mêmes obligations – appliquer les mêmes pour tous, c'est le minimum !

Comment, dans ce contexte, annoncer des objectifs de compétitivité ? Le « en même temps » ne fonctionne pas toujours. Nous nous sommes réunis récemment autour d'une proposition de loi à ce sujet, mais la compétitivité ne se décrète pas : elle se construit à travers des mesures qui visent l'équité et la loyauté, faute de quoi elle restera un vœu pieu.

Dernier enjeu : l'adaptation à l'évolution sociétale. Notre agriculture doit correspondre aux évolutions des consommateurs, donc du marché. En effet, n'oublions pas que nous sommes dans un marché libéral qui nous oblige sans cesse à nous adapter.

C'est pourquoi nous attendons avec impatience la loi d'orientation et d'avenir agricoles, monsieur le ministre ! Pour que celle-ci soit efficace et ne soit pas qu'une loi de plus, il faudra y aborder tous ces enjeux dans le cadre d'un travail commun. Pour l'instant, le texte annoncé ne les aborde pas tous.

Monsieur le ministre, votre budget est à la hauteur des enjeux grâce à une augmentation de plus de 1 milliard d'euros. Il faut bien le reconnaître, c'est la plus forte progression constatée depuis plusieurs années. Voilà pourquoi le groupe du RDSE votera pour les crédits de cette mission.

L'État doit être présent, montrer sa solidarité et lutter contre le mal-être. Le programme Agriculture respectueuse de l'environnement en Aquitaine (Area), par exemple, doit être simplifié et amplifié pour les agriculteurs en difficulté.

Sans langue de bois, je veux aussi vous dire que les organisations professionnelles doivent s'emparer de leur avenir. Les syndicats souffrent d'un manque de représentativité à cause d'un taux d'abstention de 60 % aux élections – il n'y a pas que le monde politique qui soit frappé par le phénomène de l'abstention ! Cela témoigne d'une défiance à tous les niveaux. La gravité de la situation oblige à la raison. Les difficultés sont exacerbées par des causes conjoncturelles, mais elles s'enlisent et montrent un déficit structurel. Il faut donc entamer un travail de fond qui brise le tabou des clivages.

À quel monde agricole aurons-nous à faire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd'hui ? Unissons-nous pour apporter des réponses partagées : notre agriculture et nos agriculteurs le méritent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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