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Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France s’engage dans une relance d’envergure, historique, de la filière de l’atome civil.

À l’évidence, un tel virage ne se décrète pas sans préparer, adapter, ni renforcer les pièces maîtresses de la charpente qui porte l’édifice nucléaire de notre pays.

La sûreté nucléaire est une d’entre elles. Reconnue dans le monde entier et forte de la confiance des Français, elle est peut-être le pilier le plus solide de l’architecture actuelle. C’est d’ailleurs tout le problème : ce qu’elle nous offre en rigidité, elle nous en prive en souplesse et en flexibilité.

J’entends qu’il faille adapter notre système de sûreté nucléaire à la forte progression de l’activité et au rythme soutenu des travaux qui s’engageront demain. Sans doute faut-il raccourcir les circuits décisionnels et fluidifier les relations entre les acteurs ; sans doute faut-il faire la chasse aux doublons ou aux dépenses inutiles – on en trouve toujours un peu partout chez nous. Mais faut-il aller au-delà, c’est-à-dire jusqu’à la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ? Devons-nous prendre le risque – c’est bien le mot qui convient – de cette fusion, en sachant qu’elle aura pour effet de modérer le rôle de contre-pouvoir de l’IRSN sur l’ASN et qu’elle s’accompagnera de surcroît, inévitablement, d’aléas et de complications logistiques, qui porteront notamment sur les ressources humaines ou sur le transfert de sièges administratifs ?

Au nom du groupe du RDSE, lors de la discussion générale en première lecture, j’ai exprimé les doutes que m’inspirait cette fusion menée tambour battant sur un sujet aussi sensible que celui de la sûreté nucléaire. L’enjeu est celui d’un risque potentiellement planétaire, rien de moins. Un hypothétique gain d’efficacité peut-il justifier une prise de risque en la matière ?

J’attendais néanmoins des débats et de l’examen des amendements des arguments qui m’auraient convaincu que le risque inhérent à un tel bouleversement serait largement compensé par des gains d’efficacité et qu’une ligne rouge ne serait jamais franchie : l’indépendance de l’expertise et la transparence des décisions.

Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que je suis encore moins convaincu aujourd’hui que je ne l’étais hier…

M. Ronan Dantec. Très bien !

M. Raphaël Daubet. Je ne trouve pas, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, les garanties que j’espérais.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est dommage !

M. Raphaël Daubet. J’estime notamment que faire d’un expert un décideur du jour au lendemain – et inversement – n’est pas un bon choix. Personnellement, je n’ai jamais rencontré un expert capable de décider. Les experts tirent leur force de leur acuité, de leur esprit d’analyse, de leur capacité à s’attacher aux détails.

À l’inverse, je doute fort de la capacité d’un décideur à développer des expertises pointues dans quelque domaine que ce soit. En revanche, les décideurs sont aptes à trancher et à prendre des risques.

Il me semble donc assez ubuesque, voire dangereux de permettre aux acteurs concernés de changer ainsi de casquette d’une instruction de dossier à l’autre.

Par ailleurs, je m’inquiète du net recul qu’induit ce projet de loi en matière de transparence. La publication des avis d’experts en amont de la décision constitue le fondement de leur contre-pouvoir, c’est-à-dire de leur capacité à influer sur la décision – n’en déplaise aux décideurs. Repousser la publication des rapports au moment de l’annonce de la décision, comme le prévoit le texte, revient à sacrément affaiblir le rôle et l’intérêt de ceux-ci.

Au bout du compte, je ne suis pas convaincu de la plus-value d’une telle fusion des instances, a fortiori dans un contexte d’urgence. Pis encore, les garde-fous qui prévenaient une forme d’opacité de la prise de décision et un affaiblissement de la qualité d’expertise ont disparu de cette version du texte.

Pourtant, d’autres choix sont possibles. Par exemple, nous pourrions augmenter substantiellement les ressources et les moyens humains des deux structures et les inciter à mener un travail en interne pour alléger les procédures.

Le groupe du RDSE, à une très large majorité, considère que, en l’état, ce projet de loi ne nous permettra pas de maintenir le degré d’exigence que nous attendons pour notre sûreté nucléaire.

Toutefois, j’y insiste, en rejetant ce texte, nous ne nous opposons pas au nucléaire. Au contraire, nous réitérons notre volonté de renforcer nos instances de sûreté nucléaire et d’en améliorer l’indépendance et la transparence, en vue de relever le défi hors norme de la relance de notre filière nucléaire. (M. Sébastien Fagnen applaudit.)

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