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Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'horloge démographique de la France est implacable : la part des plus de 85 ans va croître de près de 90 % entre 2030 et 2050.

En 2030, c'est-à-dire demain, la France comptera déjà 4 millions de personnes en perte d'autonomie. Ce défi, qui concernera très intimement des millions de Français et peut-être chacun d'entre nous, est compliqué par la crise d'attractivité qui frappe les métiers du soin, dans un système hospitalier déjà à bout de souffle.

Face à ce choc démographique, c'est d'un choc d'attractivité que nous avons besoin : sur la formation, les rémunérations des soignants, les conditions de travail et la pénibilité, que ce soit en Ehpad, à l'hôpital ou à domicile. Concernant le maintien à domicile, il faudra prendre en compte la rénovation des bâtiments, leur adaptation au grand âge, voire, la domotique.

Vieillir à domicile, c'est le souhait de la très grande majorité des personnes âgées, ce que l'on peut comprendre.

Ce virage domiciliaire a l'avantage d'un coût financier moindre, mais il implique une révolution : celle de la politique nationale de prévention de la perte d'autonomie, domaine dans lequel nous avons des progrès à faire. En effet, 45 % des plus de 65 ans sont en bonne santé en France, contre 77 % en Suède.

L'ampleur de ce défi est immense. C'est précisément pour cette raison qu'il est impératif de s'y préparer et d'engager sans tarder la loi Grand Âge, une réforme indispensable, plusieurs fois reportée. Nous restons optimistes sur sa présentation dans le courant de l'année, conformément à vos engagements, madame la ministre.

En attendant, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi de dimension plus modeste. Après un grand nettoyage de printemps en commission, nous ressortons de nos débats avec quarante articles au service de nos aînés.

En réponse à la violence des situations d'isolement pendant la crise covid, le texte garantit un droit de visite quotidien dans les établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS), reprenant une initiative sénatoriale. Ces dispositions garantissent un équilibre indispensable en réservant tout de même la possibilité au directeur de l'établissement de s'opposer à une visite si elle constitue une menace pour l'ordre public ou pour la santé des résidents. Mon groupe y est favorable.

Le débat qui a porté sur la présence des animaux de compagnie est loin d'être anecdotique, tant les bienfaits de la présence animale sont connus. Permettre aux établissements d'accueillir des animaux dans le cadre d'un projet d'établissement est une excellente mesure. À titre personnel, toutefois, l'inscription dans la loi du droit à un animal de compagnie me semble peu réaliste au vu des contraintes.

Nous saluons le financement, par la dotation soins, d'actions de prévention de la perte d'autonomie, ainsi que la généralisation de l'outil de dépistage de la perte d'autonomie Integrated Care for Older People (Icope). Promu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et déjà expérimenté, il permet de repérer les facteurs de risque et de mettre en place un plan d'action, en s'adossant sur les professionnels de santé et, désormais, sur les nouveaux rendez-vous de prévention proposés aux plus de 60 ans.

C'est une excellente mesure, mais ne relâchons pas nos efforts : la prévention est un levier puissant de transformation de notre système de santé.

Pour cette même raison, nous regrettons la suppression du référent prévention de l'établissement, jugé peu utile par les rapporteurs. À l'image du référent nutrition dans les Ehpad, celui-ci aurait pu jouer un rôle moteur pour initier des actions de prévention dans les établissements.

Nous regrettons également que notre amendement prévoyant le remboursement de l'activité physique adaptée (APA) pour les personnes en perte d'autonomie ait été déclaré irrecevable. Nous avons récemment voté, grâce au soutien du Gouvernement, la prise en charge par l'assurance maladie de l'APA pour les patients atteints de cancer. Pourquoi ne pas envisager la même mesure pour les personnes âgées, en prévention de la perte d'autonomie ? Madame la ministre, profitons de cette année olympique où le sport a été décrété grande cause nationale pour nous engager sur la question du sport-santé et de l'activité physique adaptée au service des plus fragiles.

Mme Françoise Gatel. Très bien !

Mme Véronique Guillotin. Ce texte contient par ailleurs des mesures intéressantes pour prévenir la maltraitance des personnes vulnérables, des maltraitances organisées, comme le scandale Orpea nous en a révélé, mais aussi des maltraitances plus institutionnelles, par manque de soignants, de formation, ou encore par épuisement professionnel.

Ainsi, nous saluons la création d'une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements, ainsi que l'élargissement de la Conférence nationale de santé (CNS) à la question de la maltraitance.

J'en viens maintenant à l'organisation territoriale de l'offre. Un service public départemental de l'autonomie (SPDA) sera créé pour mieux orienter les personnes, faciliter leurs démarches et coordonner les services. Nous insistons sur l'importance de laisser de la souplesse à cet outil pour mieux l'adapter aux réalités locales. La version adoptée convient à notre groupe, avec un plan trisannuel et la possibilité de définir des territoires de l'autonomie à l'échelon infradépartemental. Au risque de me répéter, la décentralisation en matière de santé est un chantier indispensable et urgent à mener, tant les besoins et les réalités varient d'un bassin de vie à l'autre.

Je conclus sur le nerf de la guerre, l'attractivité des métiers. Si les revalorisations salariales ne peuvent figurer dans une proposition de loi, quelques mesures intéressantes sont à saluer. Je pense notamment à l'expérimentation de la tarification forfaitaire des services autonomie à domicile (SAD). Conformément à notre amendement et au souhait des départements, cette expérimentation débutera en 2025 et pour deux ans, avant une possible généralisation.

La question de la mobilité n'est pas oubliée, et c'est heureux. Une aide annuelle sera versée par l'État aux départements qui soutiennent les aides à domicile dans l'obtention du permis de conduire, dans leurs déplacements, mais aussi dans des temps collectifs d'échanges entre professionnels, ainsi que l'attendait la profession. Ces 100 millions d'euros amélioreront le quotidien des professionnels – qui le méritent, tant leur présence auprès de nos aînés est essentielle.

Enfin, je n'insisterai pas sur la nouvelle carte pour les intervenants à domicile. Elle était attendue, mais elle revêt un caractère essentiellement symbolique et ne répondra pas aux besoins du secteur, à moins qu'un décret ne vienne effectivement l'assortir d'avantages concrets, notamment en matière de mobilité.

En conclusion, si elle n'est pas la grande loi attendue pour adapter notre société aux immenses défis du vieillissement, cette proposition de loi contient de bonnes idées auxquelles le groupe RDSE apportera sa voix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

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