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Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous l'annonce d'emblée : j'ai eu un a priori mitigé en découvrant cette proposition de loi.

M. Philippe Bas. Ah !

M. Jean-Claude Requier. Voilà quelques semaines, lors de l'examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous avions admis l'expérimentation de l'utilisation de la vidéoprotection dite « intelligente » ou « augmentée » au travers du traitement par algorithme des images. D'ailleurs, cette nouveauté juridique suivait les recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport intitulé La reconnaissance biométrique dans l'espace public : 30 propositions pour écarter le risque d'une société de surveillance.

Il m'avait alors semblé qu'une limite avait été fixée, celle de ne pas aller jusqu'à la biométrie, et qu'il s'agissait d'une bonne limite. Je m'étais même permis d'indiquer, au cours de la discussion générale, mon « sentiment profond que le fait de présenter l'innovation technologique comme une solution évidente demeure une chimère potentiellement dangereuse. »

Et voilà que vous proposez dans ce nouveau texte d'expérimenter le recours à la biométrie. Pourquoi ne pas laisser vivre l'expérimentation des algorithmes avant de nous engager dans une nouvelle voie ?

Si la technologie peut aider, nous en convenons, elle est aussi facteur de dérives. Nous pouvons d'ailleurs déjà en observer certaines. Je pense en particulier à ce que la Chine développe depuis plusieurs années, à savoir un système étatique de « crédit social » qui consiste en l'attribution d'une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Ce dispositif repose sur une collecte de données des personnes sur leur comportement dans la rue ou dans les transports. Tout cela donne une note qui permet d'identifier la qualité du citoyen et d'en déduire le périmètre de ses droits. Pour y parvenir, l'usage de la biométrie est essentiel aux autorités.

Nous sommes déjà dans ce que les scénarios d'anticipation les plus préoccupants pouvaient proposer voilà à peine quelques années. Aussi, j'aime à répéter à cette tribune combien le groupe RDSE est fermement attaché aux libertés.

À cet égard, les limites fixées tant par les auteurs de la proposition de loi que par notre rapporteur sont évidemment à saluer, d'autant qu'il est inenvisageable de ne pas les inscrire dans la loi. Elles tiennent compte des inquiétudes et des risques encourus par notre société. Je pense à l'interdiction de catégoriser des personnes sur la base de leurs données biométriques, à l'interdiction de noter des personnes, toujours sur la base de ces données, ou encore à l'interdiction des systèmes de reconnaissance biométrique en temps réel ou a posteriori dans l'espace public.

Seulement, tout le monde sait bien que le législateur peut défaire ce qu'il a fait. Ces garde-fous sont certes indispensables, mais ils seront insuffisants le jour où il sera question de les faire sauter.

J'en viens maintenant à la série d'expérimentations que proposent les auteurs du texte. Chacun s'accordera autour de la nécessité de sécuriser les événements particulièrement exposés à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes. Je pense bien évidemment aux jeux Olympiques et Paralympiques. Chacun s'accordera également à vouloir faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces mêmes infractions et la recherche de leurs auteurs.

En quelques mots, les expérimentations proposées visent toutes des buts légitimes dont la gravité justifie certaines innovations en matière de surveillance ou d'investigation.

Si ces dispositifs devaient être institués, il faudrait en effet les accompagner, comme le proposent les auteurs du texte, d'un comité scientifique et éthique chargé d'évaluer régulièrement l'application des mesures. Le fait que la Cnil soit associée à ce dispositif comme chef de file de la régulation des systèmes d'intelligence artificielle est aussi de nature à me rassurer.

Ce texte traduit donc une recherche d'équilibre. Il tend à instituer des garde-fous, ce qui ne m'empêche pas de plaider pour une forme de prudence. Aussi, malgré des réserves assez importantes quant au développement de la biométrie, et même si la position de notre groupe n'est pas unanime – c'est souvent le cas –, une partie majoritaire d'entre nous votera en faveur de cette proposition de loi. (M. Philippe Bas et M. Marc-Philippe Daubresse applaudissent.)

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