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Proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien que chacun rêve d'un monde où l'ordonnance de protection serait tombée en désuétude, le constat reste, hélas ! dramatique : en 2023, près de 110 féminicides perpétrés par un conjoint ou un ex-conjoint ont été recensés et, plus largement, des centaines de milliers de faits de violences conjugales et intrafamiliales sont commis chaque année. L'ordonnance de protection demeure donc un dispositif absolument nécessaire.

 

Dans un contexte de libération de la parole et d'amélioration des conditions de l'accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie, le nombre de victimes enregistrées augmente constamment et significativement, ce qui met à l'épreuve notre dispositif législatif, lequel doit être régulièrement réformé en fonction des remontées du terrain.

Telle est la raison qui nous conduit à examiner ce nouveau texte modifiant le dispositif de l'ordonnance de protection.

Dans le rapport Plan rouge VIF. Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, qu'elles ont rendu en 2023, nos collègues Émilie Chandler, députée, et Dominique Vérien, rapporteure du présent texte au Sénat, notent que le nombre de demandes d'ordonnance de protection ayant été prononcées pour lutter en urgence contre des violences conjugales a été multiplié par 3,6 entre 2011 et 2021.

Si l'on ne peut que regretter qu'il soit nécessaire d'y recourir, tant mieux si ce dispositif fonctionne, car il permet aux juges aux affaires familiales d'assurer dans l'urgence la protection des victimes de violences intrafamiliales. Le rapport que je viens de citer montre néanmoins que l'usage de l'ordonnance de protection demeure quelque peu bridé. Des exemples européens, notamment le modèle espagnol, auquel il a été fait référence, témoignent de ce que le modèle français peut et doit encore être amélioré.

Voilà quel est l'objet de cette proposition de loi, dont il faut saluer tant les auteurs que ceux qui ont participé à son amélioration, à commencer, bien entendu, par notre rapporteure.

L'article 1er du texte contient deux apports majeurs.

D'une part, il double la durée maximale des mesures prises dans le cadre d'une ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois. C'est une bonne chose, car le délai de six mois était vraiment trop court.

D'autre part, il crée une ordonnance provisoire de protection immédiate permettant à une victime présumée de violences conjugales de saisir le juge aux affaires familiales, lequel devra se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures, afin de bénéficier de mesures d'urgence dans l'attente de la décision statuant sur l'ordonnance de protection. Il s'agit d'un dispositif cohérent, qui permettra à la justice de mieux répondre à la détresse des victimes.

Par ailleurs, je tiens à souligner les apports de notre commission, en particulier l'article 2 bis, qui ouvre au procureur de la République la possibilité d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances de protection. Cette nouvelle mesure concrète va évidemment dans le bon sens.

Les avancées ainsi proposées représentent une étape supplémentaire dans un parcours qui est malheureusement loin d'être achevé, qu'il s'agisse de la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les violences intrafamiliales ou de la protection des enfants.

Dans un rapport rendu en septembre 2023, la Cour des comptes souligne plusieurs lacunes de l'action publique en ce domaine, qui ont trait notamment à son pilotage global. Si l'égalité entre les femmes et les hommes a pu être érigée en grande cause nationale, nous manquons encore de visibilité sur les actions de long terme qui sont entreprises pour endiguer les inégalités de genre et leurs dramatiques expressions violentes.

Bien entendu, nous saluons ce qui est fait, à l'image de cette proposition de loi. Mais d'autres mesures peuvent être engagées afin d'inscrire cette politique dans la durée et de faire évoluer les mentalités. Les jeunes générations doivent être sensibilisées le plus tôt possible, au travers d'un volet éducatif qui assurerait en la matière une véritable mutation.

De même, il est nécessaire de poursuivre nos efforts en matière de protection des enfants qui subissent ces violences conjugales, soit en tant que victimes directes soit en tant que témoins traumatisés de tels actes. Pour eux aussi, nous devons engager des politiques d'envergure et y adosser des moyens humains et financiers suffisants.

Nous avons donc encore à faire. Toutefois, cette remarque n'enlève rien à la grande qualité de ce texte, que notre groupe votera unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

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